Traversée des grands espaces des Amériques septentrionales

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Introduction :

Traversée des grands espaces des Amériques septentrionales, de mi-mars à mi-juillet 2008 (20.920 km) :

Le départ a eu lieu de Dégagnac, en France, jusque l'aéroport de Roissy, dans l'agglomération parisienne. Puis, à Montréal (Québec, Canada), une fois le vélo récupéré, la route de la traversée des Amériques a pris la direction de New York puis Washington; s'ensuite une traversée du Blue Ridge et des Monts Appalaches par la jolie Blue Ridge Parkway (sur environ 800 km) et il fallut encore quelques kilomètres pour rejoindre le Mississipi à Memphis.

Ensuite, c'est une traversée des grandes plaines du centre des Amériques pour arriver sur des hauts plateaux, à quelques 1500-2000 m d'altitude, désertiques, de l'Arizona et du Nouveau Mexique, jusque Las Vegas, où la route redescend encore dans des vallées toujours aussi arides (dunes, déserts de sel dans la Death Valley...). Enfin, le parcours vers la côte pacifique s'achève en arrivant à San Francisco, une jolie ville où j'ai pu me reposer chez de bons amis.

De San Francisco, la route continua vers l'est en direction de Yosemite puis vers le nord pour rejoindre Portland, Victoria et Vancouver (après différents passages par des sommets entre 2500 et 3000 m dans le massif des Rocheuses). Plusieurs sommets durent d'ailleurs être évités, même fin mai, à cause de leur enneigement !

Après Vancouver, la route recommença à se diriger vers l'est jusque Calgary, après un petit détour par les jolis parcs de Jasper et de Banff, en empruntant la route des Glaciers, magnifique ! De Calgary, descente vers le sud pour rejoindre Yellowstone (où il y avait plus de neige...au mois de juin qu'à Montréal au mois de mars), puis traversée du Wyoming, du sud- Dakota, de l'Idoha, et du Wisconsin, à grande vitesse et par de grandes distances grâce à un vent souvent favorable (de l'ouest) et à des jours de plus en plus longs pour rejoindre, plus à l'est, le Canada, entre le Michigan et l'Ontario, afin de se diriger vers Niagara Falls, Toronto, et Montréal.

Une fois à Montréal, grâce au vent qui m'a permis d'effectuer de grandes distances dans des contrées peu habitées des USA, il restait encore une bonne quinzaine de jours avant de reprendre l'avion à l'aéroport de Turdeau (à Montréal, le 15juillet). Il fut donc décidé de retourner aux USA par le New Hampshire et le Maine puis de repasser encore une fois au Canada, par la Nouvelle Ecosse (la Nova scotia), et ensuite de revenir sur Montréal par le Nouveau Brunswick et la Gaspésie du Québec.

Le 14juillet, arrivé dans la ville de Québec, il faudra reprendre un bus jusque Montréal pour être à l'heure à l'aéroport et prendre l'avion le 15 juillet pour Paris où je reviens à Dégagnac en train afin de ranger des papiers administratifs et de préparer un mariage de famille (plus tard il faudrait prévoir quelques jours de plus pour rentrer en vélo de Paris, ou d'un autre aéroport d'Europe, jusque Dégagnac). Ce voyage a vraiment été fantastique, ce qui a donné une motivation (si nécessaire) et une certitude quand à l'envie de continuer ce petit tour du monde en plusieurs étapes.

Il y a eu deux surprises encore ici.
La première est l'étonnement, en début de parcours devant l'incompatibilité entre les distances effectuées et là où je devrais me trouver d'après mes cartes; en fait, après avoir acheté une carte sur place, je me rends compte que celles de l'Atlas français sont fausses, en effet les distances sont correctes mais pas l'échelle, c'est à dire que les distances notées en kilomètres sont en réalité en miles! Le parcours évalué au départ à environ 20.000 km avec l'Alaska et le NO du Canada fait donc en réalité plutôt 30.000 km (1 miles équivaut à environ 1,6 km). Cette partie sera donc peut-être traversée à l'occasion d'un autre voyage, en 2009, sinon il fallait prendre l'avion à Anchorage et ça ne me semblait pas très bon de cette manière, le coût aurait été aussi plus élevé et la préparation plus aléatoire peut-être...
La deuxième surprise fut le sens du vent: à 95% le vent vient toujours de l'ouest (parfois que de l'ouest, parfois du SO ou encore du NO), ce qui fait que les distances furent (environ, en moyenne) de 140 km pour rejoindre la côte pacifique (par jour) alors qu'elles furent de 220 km pour le retour, vers la côte atlantique (les jours rallongeant aussi en juin et ils sont aussi plus long, l'été, quand on se rapproche du pôle nord).

La plupart des nuits se sont déroulées dehors (une bonne centaine), peut-être la moitié en ville (dans des centres commerciaux ou près des mairies ou près des offices de tourisme ou d'églises ou encore près de l'US Postal), l'autre moitié s'est passée dans la campagne (pour une bonne partie dans les zones désertiques et arides du sud des USA et aussi dans les forêts du canada ou du nord des USA). Toutes se sont très bien passées et quelle beauté que de pouvoir apprécier un ciel étoilé, notamment dans les zones désertiques !

Les américains et les canadiens sont souvent très 'avenants', ce qui m'a amené, malgré ma timidité, à parler souvent en anglais et à parler à de nombreuses personnes. Sur ce parcours, j'aurais été invité sept fois (dont deux fois où j'ai refusé et on est venu me recherché et une fois où je ne pouvais pas car il fallait aller 80kms au sud alors que j'allais droit vers l'est (dans le Wisconsin), jamais je ne demande pour être invité, c'est donc spontanément que les gens me le proposent, plus souvent qu'en Europe où ce n'est arrivé que deux fois (en Suisse et en Lituanie) et autant qu'en Afrique sur le Paris - Dakar. Les américains ont un plus grand coeur que nous le font paraître les médias français!

Le parcours a à peu près été celui prévu jusque San Francisco (sauf pour Yosemite), ensuite le retour s'est fait par Yosemite (car avant la route était fermée pour cause d'enneigement, puis presque tous les cinq jours le parcours variait car de nombreux sommets à 3000 m, par où je voulais passer, étaient encore fermés, d'où aussi l'idée de ne pas aller tout de suite vers Yellowstone situé à 2500 m mais de passer par Vancouver et Calgary avant afin d'être sûr que les routes ne soient pas fermées à Yellowstone (ce qui, même au mois de juin ne fut pas le cas, des routes étant fermées et  la neige tombant bien plus qu'en mars à Montréal).

Ce périple fut donc vraiment bon, beaucoup de choses imprévues après SF. Et même avant, comme la rencontre au nouveau Mexique de deux loups après avoir passé la nuit seul, sous la pleine Lune, à entendre les hurlements des loups, le lendemain, je les croise à 3050 m d'altitude, la route étant fermée à cause de l'enneigement, rencontre magique qui donnera enocre d'autres idées de balades !

Beaucoup de 'microclimats' donc dans ces contrées, on peut être à 1500-2000 m dans le désert aride sur des hauts plateaux, rencontrer le Grand Canyon avec 1000 m de profondeur, quelques jours après passer à 2500-3000 m et y avoir de la forêt et de la neige sur ces sommets malgré des températures arides à 2000 m sur les gorges du Rio Grande...Ainsi après l'Oklahoma, je subirais une tempête de neige puis, deux jours après, ma première tempête de sable aux USA ; de même, en Oregon, dans la même journée, je roule sous la canicule puis passe des montagnes à environ 2500-3000 m sous la neige et le froid puis en redescendant dans la vallée de la Columbia River il me tombe de grosses averses avec de jolies arcs en ciel ! Beaucoup de variations climatiques donc et aussi beaucoup de plaisir.

Ce fut un bon périple de quatre mois, et sûrement que si le tour du monde avait commencé par là il aurait duré plus que deux mois. Mais c'est sans regret que je retourne en France, dans ses belles contrées, pour quelques mois afin d'y apprécier quelques bonnes choses... avant de rouler de nouveau vers d'autres horizons avec une grosse envie pour toutes ces choses restant à voir !


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Chronique 1 : de Dégagnac à Paris, et Montréal


" Un nouveau départ "
(522 km)

Photos:
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08/03, Dégagnac - Pompadour, 101 km
09/03, Pompadour - Ecueillé, 223 km
10/03, Ecueillé - Daudan, 198 km
11-15/03, 4 jours de repos " forcé ", à Montréal, en attendant le vélo…

Lorsque je finis le travail, le vendredi 07 mars, plusieurs choix se présentent pour rejoindre l'aéroport de Roissy - Charles De Gaulle où il faut prendre l'avion pour Montréal. Soit prendre le train soit prendre le vélo puis… on verra. Le soir je regarde la météo et ils annoncent du vent à 60-70 km/h avec des rafales à 100 km/h, c'est fort mais le vent vient du sud, un peu bizarre pour un mois de mars et un vent de dos avec des rafales à 100 km/h ça ne se refuse pas, c'est comme une invitation au voyage, une direction obligée vers Roissy même s'il prévoit quelques gouttes…Je finis donc de préparer le sac et le vélo ainsi que les papiers…pour partir le lendemain.

Le samedi 08, je me réveille qu'à 11h, il s'agit de se reposer aussi…on aura assez le temps pour rouler, et je pars seulement à 14h. Je traverse le nord du Haut Quercy, vallonné, puis les petits monts du Limousin pour arriver le soir à Pompadour (la nuit tombe vite…). Pour ne pas trop s'ennuyer j'aime bien arriver dans une ville avec 1000 à 5000 habitants environ et de préférence où il y a quelque chose à voir (et à manger). Pompadour est une assez jolie petite ville avec son haras national (belles écuries, château qui est le siège de l'administration du haras, hippodrome), c'est très calme en cette saison cependant. Le soir je m'offre un petit dodo à l'arrière d'une maison médicale (avec médecins, kiné et infi, comme ça se fait de plus en plus souvent).

Le 09, réveil de bonne heure pour éviter de me faire embaucher… J'enfourche le vélo pour finir la traversée du Limousin puis le PNR (parc naturel régional) de la Brenne (où je reprends une route sur environ 100-150 km déjà prise il y a 7ans lors de la remontée en vélo de Toulouse à Lens). J'ai toujours plaisir à traverser ce PNR, en 2000 c'était en grande partie la nuit, sans éclairage (la lampe ne fonctionnait pas) mais avec la pleine Lune, avec de bonnes routes et sans circulation (j'ai croisé qu'une seule voiture pendant une pause), je me rappelle que vers 5h 30 un camion me coupait la priorité et avait failli me passer dessus si je n'avais pas été dans le fossé, sans doute n'avait-il pas assez dormi celui là…ahah. Bref, la journée se passe bien avec un fort vent dans le dos comme prévu et aussi de bonnes averses et donc aussi de jolis arcs en ciel ! La route est très jolie avec beaucoup de jolis petits villages, étangs, bois…
Le soir j'arrive à Ecueillé où les magasins d'alimentation sont fermés, je cherche donc un endroit où dormir et visite ensuite cette petite ville. Puis je vais chez le seul cafetier ouvert où je demande s'il y a un sandwich ou quelque chose à boire (du soda…), il me répond que non (même s'il y a une bouteille de soda sur le comptoir…), je demande alors pour remplir mes bidons ce qu'il fait en grimaçant et en rechignant un peu, je demande aussi si je peux trouver quelque chose d'ouvert et il me répond toujours " gentiment " qu'il n'y a rien… bon accueil et effectivement il n'y a rien ! Ce soir le dodo se fera à côté d'un gymnase, une fois le dépouillement fini ainsi que le cocktail… de l'élection municipale qui vient d'avoir lieu, comme partout en France, ce dimanche ; je suis sous un préau, à l'abri car cette nuit il pleut !

Le 10, le réveil se fait encore de bonne heure car il y a du monde qui vient le matin au gymnase (lendemain d'élection…), comme il est tôt, il n'y a rien d'ouvert à Ecueillé, il faut donc continuer la route pour trouver un ravito un peu plus loin, de plus c'est lundi et beaucoup de magasins en France sont fermés ce jour de la semaine.
Le temps est affreux car il pleut sans arrêt de 8h à 13h mais avec l'habitude ça devient un pur plaisir ! Le fait d'être trempé partout, d'être le seul cyclo sur les routes, sentir l'eau dégoulinante... Mais vaut mieux ne pas s'arrêter trop longtemps pour ne pas attraper froid et tomber malade !
Aujourd'hui c'est la traversée de la Sologne et de la Beauce " redoutable " car il n'y a pas de ravito (que de très petits villages) sur 150 km et rien pour se protéger, pas d'arbres, ni haies… que des champs à perte d'horizon, un orléanais avec qui je remontais lors de Bordeaux - Paris en juin 2000 me disait que c'était le grenier de la France… Terrible ainsi en cas de vent contraire, ce qui n'est pas le cas pour cette fois, la traversée se fait donc très bien même si parfois j'essuie de forte rafale à 100 km/h de côté (assez dangereux en vélo mais amusant) et une fois le vent dans le dos, c'est tout schuss, que de la glisse, avec du 30 km/h sans pédaler !
Arrivé à Dourdan, une des premières villes en périphérie du " grand Paris ", je décide de prendre le RER pour rejoindre Roissy (ça évite bon nombre de feux rouge… dans Paris) avec un arrêt à la gare d'Austerlitz d'où je fais, à pied, la marche jusque ND de Paris (un rituel depuis 2000-2001, quand j'avais un arrêt pour changer de train entre la gare du nord et celle d'Austerlitz ou de Montparnasse…), puis je reprends un RER pour rejoindre l'aéroport de Roissy
Arrivé là-bas je vois que l'aéroport se vide petit à petit mais quel bordel et quel circulation à l'extérieur ! C'est pire qu'Orly d'où j'avais atterri après Dakar et où j'étais parti en vélo pour Provins,  je ne sais si c'est raisonnable ici ? Bref, j'ai le temps de faire quatre fois le tour à pieds de toute l'aérogare 2, plusieurs personnes dorment par-ci par-là, et vers 1h je me trouve aussi un petit coin, au chaud car c'est climatisé.

Le 11, le réveil se fait à 6h30, l'aérogare commence à se remplir… mais j'ai largement le temps de refaire un tour et d'aller voir les avions décoller et atterrir… Ensuite je vais faire emballer le vélo, comme c'est obligatoire, mais il a fallu insister car la dame ne voulait pas le faire (pour ne pas s'embêter), puis payer les 14 euro d'emballage plastique et les 33 euro de frais à Air Canada pour ce bagage hors format (avec Air Sénégal pour revenir de Dakar, c'était gratuit).
Puis, une heure d'attente dans l'avion à cause de problèmes techniques et de l'attente d'un passager. Encore pire au retour, Air Canada à éviter ? Pendant le vol, quelques films, de la nourriture sous vide qui laisse sur sa faim ; au retour j'en prendrais d'avance dans le sac, dommage que la boisson soit interdite même si au contrôle à Dakar je suis passé sans problème avec ma bouteille de soda et mes deux couteaux.
Arrivé à Montréal, après une heure d'attente, j'apprends que le vélo est resté à Paris ! Et qu'il devrait arriver plus tard ; après le passage de tous les stands : immigration, douane, recherche bagage… (vive l'Union européenne), j'arrive enfin à sortir de l'aéroport et à RESPIRER du vrai air ! Comment font-ils dans l'espace ? Ouf. Aude est là pour m'amener dormir chez elle, le temps qu'il faudra…

Le 12, j'attends toujours le vélo qu'Air Canada doit me livrer (à ses frais) chez Aude. Pendant ce temps, je profite pour sortir et me balader sur la neige et visiter cette ville vue il y a plus de quinze ans, petit à l'époque et pas très attentif… Il y a beaucoup de neige comme on me l'avait dit et il y avait même eu une tempête de neige trois jours auparavant. J'hésite à prendre le train ou le bus ou le vélo alors pour rejoindre New York, on verra…
Le 13, je refais un tour dans le centre de Montréal…, je me promène le long du Saint Laurent à moitié gelé et commence à m'impatienter pour le vélo qui aurait du être reçu aujourd'hui…
Le 14, c'est le 4ème jour d'attente à Montréal, ici la nuit il peut faire jusque -15 à -25°C et le jour entre -1 et 5°C (neige, glace…). La nuit il y a de nombreux et gros camions pour ramasser la neige et l'emmener ailleurs afin de dégager les routes pour les rendre praticables le lendemain. Beaucoup de neige sur les trottoirs et à force les piétons ont frayé un chemin, ce qui ressemble à des tranchées dans la neige et la glace;  ici il y a un hiver et un été, le printemps et l'automne sont quasis inexistants, ainsi on passe brusquement de l'un à l'autre en quelques jours et tout change… Beaucoup d'écureuils aussi, comme je le constaterais aussi dans le reste des Amériques, qui se baladent d'arbres en arbres.
Cependant, le vélo n'est toujours pas là. Skyport aurait du me le livrer mais il dise ne pas l'avoir, idem pour Air Canada, il serait donc coincé par la douane de l'aéroport ? Au bout de cinq jours, il faut faire une déclaration de perte ce qui complique les choses. Le centre des bagages d'Air Canada est en Inde en fait (vive la délocalisation…) et c'est impossible de joindre Air Canada à l'aéroport ! Pour mettre les points sur les i, je décide de me rendre à l'aéroport (métro et train). Arrivé là-bas, au stand des bagages d'Air Canada, après avoir vérifié auprès de Skyport, le type va dans une réserve, à deux mètres de son stand, et me ramène… le vélo ! Qui est là depuis quatre jours me dit-il, il s'attend à être enguirlandé mais je suis tellement content de le récupérer que je lui dis au moins cinq fois merci avec un grand sourire. Je rentre en bus, chez Aude, avec le vélo bien sûr…
Le 15, je reste un 5ème jour à Montréal, à me poser chez Aude qui me montre son cabinet d'ostéo (eh oui, c'est une ancienne amie d'étude de kiné de mes parents). J'en profite aussi pour ranger mes affaires, voir le parcours… Le départ pour NYC devrait se faire en vélo et si ça ne va pas je reviendrais à Montréal pour prendre le bus ou le train.


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Chronique 2 : de Montréal à Charlottesville


" La route de l'Indépendance "
(1.479 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/oaehx3WkW5QVBuSP9

16/03, Montréal - près de North Hero, 135 km
17/03, près de North Hero - Fairhands, 182 km
18/03, Fairhands - intersection entre la 9 et 9G, 174 km
19/03, intersection entre la 9 et la 9G - Cold Spring, 141 km
20/03, Cold Spring - Jersey City, 140 km
21/03, Jersey City - Bristol, 139 km
22/03, Bristol - Newark, 130 km
23/03, Newark - Elkridge, 129 km
24/03, Elkridge - 30 km de Frederiksburg, 151 km
25/03, 30kms de Frederiksburg - Charlottesville, 158 km

Le 16 mars c'est un peu comme un second départ dans ce petit périple, après quatre jours d'attente, et mon premier départ pour ce petit tour dans les Amériques septentrionales (Amérique du nord, bien sûr). Le départ se fait le matin et il fait assez froid, je passe par le pont Jacques Cartier où la piste cyclable est impraticable (avec un mètre de neige au moins) et les vélos sont normalement interdits, une fois le passage du pont fini, un flic arrive par derrière (ben ouah il y a des caméras de sécurité installés sur le pont) et c'est mon premier contrôle de police sur ce " continent " (il y en aura d'autres), gentiment le flic regarde mon passeport et après vérification me demande où je vais… Il ne me mettra pas d'amende mais il me dit que la prochaine fois il faut prendre le métro, comme si j'allais prendre le métro pour commencer ce périple !
La sortie de Montréal et de son agglomération est assez difficile puisque après 20 km je retombe sur les buildings du centre de Montréal, fausse route (ça me rappelle la sortie de Budapest). C'est donc pas la bonne route, finalement j'arrive tant bien que mal à la frontière avec les USA, il faut 6$ pour rentrer et j'en n'ai pas, la CB ne fonctionne pas (où plutôt leur ordinateur), je repasse donc la frontière du Canada où les douaniers me disent que mon tour a bien été rapide, ben ouah il faut que j'aille au store pour échanger dollars canadiens contre dollars US, une fois les formalités finies (et que les douaniers américains finissent de faire " joue-joue " avec mon GPS), la journée est bien avancée, je traverse une toute petite partie de l'Etat de NY pour arriver rapidement dans le Vermont, il y a de la neige partout mais les routes sont praticables, mais pas de petites villes dans le coin avec de quoi manger. Le soir, je m'arrête dans un camping abandonné en cette saison hivernal, au bord d'un lac gelé où des 4x4 font de la glisse (traces de pneus), pour dormir sous une remorque (pour se protéger du froid et du vent, histoire de gagner quelques degrés).
Il doit faire assez froid car le bic, pour écrire le carnet de route, fonctionne très mal puis est gelé, la nuit mes mollets se collent sur la neige glacée, je pose donc mes jambes sur le cadre du vélo pour éviter des brûlures et le contact…, il doit bien faire -10°C , à peu près toutes les heures et demie je me réveille, c'est ce qui arrive quand il fait trop froid, avec des crampes bien sûr (pas à cause de l'effort mais de la circulation, froid = vasoconstriction = manque d'oxygène  pour les muscles = crampes), ça ne fait pas du bien mais j'en ai l'habitude et j'arrive même à me rendormir avec !
Dans le Vermont, les maisons ressemblent à celles qu'on trouve en Scandinavie et le paysage commence à être vallonné, même si je suis en partie le lac Champlain (nom de celui qui est venu de Brouage, près de La Rochelle, après Jacques Cartier, au début du XVIIè s., pour fonder la ville de Québec). La région se situe auss i tout près des contreforts des Monts Appalaches, c'est très joli avec la neige.

Le 17, le réveil est difficile car je n'ai pas beaucoup dormi ! La route est bonne ainsi que les indications mais je dois changer d'itinéraire car le ferry pour traverser un lac n'est pas en service (ben ouah, c'est l'hiver) et il fallait attendre encore une semaine. Les paysages sont toujours aussi jolis avec la neige, c'est féerique même. Il fait encore bien froid mais heureusement le vent vient comme la veille de dos donc c'est supportable. La route continue d'être vallonnée autour de nombreux lacs et rivières.
A Fairhands, j'arrive difficilement à trouver un endroit pour dormir, il y a un hôtel mais c'est 90 $ pour une nuit, un peu cher. On trouve aussi 4 églises dans cette petite ville, et tout est environ 1/3 ou 1/4 moins cher qu'en France (2 $ soit 1 € 50 pour 2L de soda, 1$ soit 0,7 € pour 300g de bonbons, 3 $ soit 2 € un big Mac). Finalement, le soir, je m'endors au chaud, protégé du vent et d'éventuelles chutes de neige sous le préau dans un petit centre commercial.

Le 18, j'ai du mal à me réveiller, car la nuit a été très bonne même s'il y a eu quelques réveils nocturnes encore à cause du froid. Mais les magasins sont déjà ouverts et il faut bouger. Alors que je somnole encore j'entends une dame demander au jeune commerçant ce que je fais là, il répond que je dors et que je semble avoir passé la nuit là, elle s'exclame " my god " (ça se dit souvent aux USA, à chaque fois je me dis en rigolant que moi c'est frédéric). Bref j'ai à peine le temps de ranger mes affaires et de commencer à sortir du parking que cette même dame revient du Mac Do avec un café bien chaud, elle me dit que c'est pour moi, je la remercie et dis que tout va bien, elle insiste et j'accepte alors de le prendre ; bizarre ces américains, il y a beaucoup de gentillesse, mais si je suis sdf c'est aussi voulu.
Le temps est bien couvert mais il y a peu de voitures sur les routes qui sont en général limitées à 80 km/h, les américains roulent bien contrairement à ce qu'on m'avait dit. Les paysages sont jolis, ça monte et ça descend, il commence à ne plus avoir de neige aux bords des routes. Puis plus du tout avant d'arriver à Albany où je n'ai pas envie de m'arrêter (beaucoup de circulation…), je préfère rouler et voir du pays que d'aller en ville pour le moment. Avant Albany, je passe dans des ghettos black ou hispanique, ça a l'air très pauvres, beaucoup de bâtiments inhabités et on se croirait presque en Afrique. Dans la campagne du Vermont, il n'y a aucun black, mais on pourrait dire la même chose pour nos campagnes françaises peut-être ? Peut-on alors parler de société cosmopolite ?
Il y a aussi beaucoup de maisons à vendre dans le Vermont et parfois à louer (signe d'une récession à venir ?), la plupart sont construites en bois et donc pas très solides, aussi beaucoup sont prêtes à s'effondrer (les maisons en pierre sont extrêmement rares !). Dans les villes et les villages, on retrouve souvent beaucoup d'églises car il y a de multiples confessions protestantes (le bordel : presbytériens, baptistes, premiers chrétiens, épiscopal, évangélistes, réformistes…et aussi les catholiques). Les routes sont souvent faîtes avec des cailloux pour ce qui est l'équivalent de nos petites routes communales en France, mais les routes principales, équivalentes à nos anciennes nationales, sont souvent plus larges, et les américains doublent bien ici (pourvu que ça dure).
Le soir je m'endors en haut d'une petite colline, sur l'herbe, protégé du vent par des buissons, le ciel est couvert (la nuit sera donc douce, c'est le contraire si le ciel est étoilé car il n'y a pas de couverture nuageuse pour retenir la chaleur, mais quand c'est couvert il y a bien sûr un risque de pluie), il n'y a plus du tout de neige. Pas de chance, vers 3h du matin il se met à pleuvoir, je bouge donc pour aller me poser sous le préau de l'US postal, à côté de la pizzeria où j'ai mangé la veille, pour finir la nuit.

Le 19, au matin, je me réveille en même temps qu'arrive le postier (pas un bonjour), plusieurs fois la police est passé tôt le matin mais ne m'a pas contrôlé (on m'avait aussi dit qu'il était interdit de dormir dehors dans certains Etats des USA). Je pars vers 8h, sur la route il y a un nombre incroyable de voitures, on se rapproche de l'agglomération de NY mais des autoroutes existent pourtant (!) et il y a beaucoup de camions sur des routes pourtant pas très larges ici, on se croirait donc en Pologne et il faut rester attentif et se concentrer pour ne pas faire d'écart (comme dans une course de vélo), il y a aussi quelques bons trous sur les routes (à éviter pour ne pas crever) et beaucoup de cailloux. Il n'y a pas de réseaux de bus apparemment et le train doit être assez " ringard ", la voiture est reine !
Souvent on me demande d'où je viens et pourquoi je fais ça, certaines personnes ne savent pas où c'est la France, en fait je me rendrais compte le lendemain que c'est moi qui prononce mal en anglais.
Aujourd'hui il pleut toute la journée, on en prend l'habitude et ça a l'avantage de ne pas boire beaucoup ! Mais avec le froid, des tendinites apparaissent. Et ça restera ainsi jusqu'au Blue Ridge, à cause de beaucoup de feux rouge, d'arrêts, de redémarrages…ça entretient les tendinites aux tendons d'Achille, mais là aussi on s'habitue !
Le soir je cherche un motel mais il n'y a que des chambres " Inn " c'est-à-dire très cher pour une personne (100$), soit trois jours de nourritures au moins et donc trois jours de voyage supplémentaire (un motel coûte en général 30$). Je décide donc de continuer mon petit tour de visite dans la ville de Cold Spring. Il continue de pleuvoir et je n'ai pas vu le Soleil de la journée, que de la brume, du brouillard, de l'humidité, et il faudrait seulement que 30' de Soleil pour que tous les vêtements sèchent. Sur la route, il y a beaucoup de petites montées et descentes, la journée fut aussi assez dure avec toute cette circulation. Mais Cold Spring, est une jolie petite ville, au bord de l'Hudson river, il y a de jolies petites maisons, en bois, comme dans une ville passée nommée Hyde Park (lieu d'une bataille entre anglais et américains et lieu de naissance de Franklin Roosevelt).
Je me décide à dormir dans un tunnel piétonnier qui passe sous le chemin de fer quand Richard et sa nièce Kristin passent, ils me posent vite fait quelques questions puis ils repassent et me proposent de venir boire un verre, j'hésite puis accepte, on va dans un bar irlandais de Cold Spring, je comprends vite qu'ils sont démocrates (pour Obama) et qu'ils sont intéressés d'avoir l'avis d'un  français, on parle donc de politique et de relations internationales, de la façon dont les américains sont aperçus en France et dans le monde et inversement, ils souhaiteraient que les américains soient mieux vus dans le monde et Kristin n'arrête pas de dire que Bush est un crétin, elle voudrait bien aussi un " bambino " mais trouve que le monde n'est pas assez sûr…C'est très intéressant puis ils m'invitent pour passer la nuit, dans une villa que Richard a la charge de garder, il a perdu son taf de cuistot et espère en retrouver un bientôt (le travail est important ici, la réussite sociale est ce qui prime), en attendant il fait de petits jobs, ils sont très sympas et gentils en tout cas et ils n'hésitent pas à mettre mon vélo tout crade dans leur 4x4 toute propre avec des sièges en cuir ! Les américains méritent bien une autre image que celle que renvoient nos chers médias français.

Le 20, au réveil je vois quelque chose d'immense de l'autre côté de l'Hudson river et Richard m'apprend que c'est Westpoint, la réputée école militaire des USA ! On dirait un immense blockhaus. Après un thé, je reprends la route où il n'y a presque pas de voitures cette fois-ci et je rencontre aussi environ 50 cyclos (pas tous d'un coup) avant d'arriver à NYC, les premiers depuis le départ de Montréal (je n'en reverrais pas d'autres avant un moment).
J'arrive assez facilement jusque Manhattan et le World Trade Center (qui n'existe plus évidemment) par Broadway. Il y a beaucoup de feux rouge (très peu de stop ou de cédez le passage et aucun rond point).
A NYC je trouve un hôtel où je veux passer la nuit mais le réceptionniste n'est pas très chaud (peut-être parce que j'ai le nez tout ensanglanté à cause du froid et du gel des premiers jours de voyage, ça mettra 5 jours, avec une température positive, pour s'arranger), il prend pour excuse que j'ai un vélo et que ce n'est pas possible. J'aurais bien visité le Muséum mais bon tant pis, je me dis souvent que le vrai musée se trouve à l'extérieur… Je finis alors mon tour dans NYC, puis je me perds dans Central Park (pas joli du tout). Mis à part le sud de l'île de Manhattan, il n'y a que des quartiers blacks, pas de mélanges encore une fois et donc NYC n'est pas une ville cosmopolite mais fondée sur des communautés, centrées sur elles-mêmes, peut-être par ségrégation mais peut-être aussi qu'ils ne souhaitent pas se mélanger (blancs, blacks, hispaniques, italiens, chinois, japonais…) pour conserver leur identité ? Aux USA il n'y a que les français qui se mélangent, paraît-il que cela aurait pour origine leur esprit de liberté individuelle. Bien sûr il y a les taxis jaunes de NY, de nombreux magasins…
Quand je quitte l'île de Manhattan, la nuit commence à tomber, je décide de continuer avec les lumières (que j'utilise à l'avant que de temps en temps car avec tous ces feux et lumières de ville ce n'est pas la peine et j'économise ainsi les batteries pour plus tard), c'est avec plaisir que je fais donc une vingtaine de kilomètres supplémentaires dans l'Etat du New Jersey, jusque Jersey City, j'adore rouler la nuit, c'est une habitude depuis 2005 où j'ai beaucoup roulé de nuit pour aller et revenir du travail, en hiver et en automne, c'est plus calme… J'en profite aussi pour visiter quelques parcs publics au bord de la route et y faire un peu de vélo.
Je passe la nuit, enfin, auprès d'une banque (Banco Popular), dans Jersey City, c'est bien mais il y a beaucoup de vent et nulle part on est protégé, avec tous ces bâtiments, il tournoie et tournoie…

Le 21 mars (le printemps), au matin je suis KO et un black me réveille à 7h en me disant " Man ! Come on ! Run with the sun " " you ! ". Arrg, effectivement il est en train de courir, et il fait beau, mais je suis à plat et je n'arriverais plus à me rendormir. C'est malin ! Du coup à 7h je me lève, rabajoie, et il fera beau.
J'ai du mal à trouver une bonne route et je me résous à prendre la voie expresse (mais en fait il n'y a que des voies expresses, ça arrivera souvent et c'est autorisé aux vélos). Je suis encore fatigué par toutes ces voitures et tous ces feux rouges, environ deux cents par jour, sans en ajouter ! Heureusement la voie expresse est large et je peux divaguer de temps en temps, il faut traverser cette tentacule d'agglomération de la côte est, c'est chiant mais c'est comme ça pour aller vers Philadelphia et Washington. Des fois j'arrive à reprendre une route de comté puis je suis obligé de reprendre la voie expresse… La route devrait être plus tranquille dans 400 km environ, après Charlottesville seulement, dans les montagnes, pendant ce temps mes tendinites (sur le long péronier latéral notamment) s'entretiennent et j'ai l'impression de pas avancer (plus tard je me rendrais comptes que les cartes françaises sont fausses car ce n'est pas à la bonne échelle, les distances sont exactes mais elles sont en miles et non en km comme l'indique les cartes).
Il y a encore de nombreux quartiers avec que des blacks, à Trenton, il n'y a que des blacks dans toute la ville, de beaux buildings dans le centre mais totalement inutilisés, on dirait une ville sans travail… bizarre, c'est dans ces quartiers qu'on me demande comme en Afrique de l'argent ou de donner mon vélo, quelques fois, toujours accompagné de musique PAM PAM PAM, je reçois aussi quelques fois des insultes jetées par une fenêtre ouverte (mais je ne comprend rien avec tout le brouara de leur musique, mais leur parole ne semble pas être des encouragements). C'est bizarre car juste à la sortie de Trenton (où je me perds pendant 1h30), il y a de très nombreux mobiles homes habités par des blancs, pauvres, ici les communautés ne se mélangent pas, pourtant de même " classe sociale ", le facteur racial est donc bien présent, reste à savoir si c'est par ségrégation ou plutôt une réelle volonté de ne pas se mélanger de la part de chaque communauté (ce que je crois après ces quatre mois passés aux USA et Canada, même si au Canada et dans certaines villes " européennes " comme SF on peut constater un certain mélange, comme à Paris).
Je continue la route par la R27, petite route de comté, où j'arrive ensuite à Princeton et son université, comme en France, elle est libre d'accès, et je m'y promène un peu, il y a de jolies maisons aussi (mais en bois). Pour ce qui est de l'anglais, j'arrive en général à me faire comprendre et à comprendre ce qu'on me dit, mais parfois, avec l'accent…, certains ne font pas d'efforts, c'est comme ça. Ici, la société de consommation " bat son plein ", c'est le fondement un peu, entre NYC et Washington il y a beaucoup d'habitants, beaucoup de centres commerciaux avec presque tous des magasins qui ferment qu'à 23h, comme la plupart des bureaux.

Le 22 je finis de traverser le New Jersey pour arriver dans le Delaware. Je passe par WiIlington qui est aussi une ville ghetto black comme Trenton, là aussi il y a de jolis buildings (centre d'affaires tout neuf) mais qui semblent inoccupés, le reste ce sont de petites maisons toutes semblables qui tombent un peu en ruine… Il y a aussi un quartier italien et un autre quartier hispanique.
La route reste assez difficile car il y a beaucoup de voitures… et de feux rouges. Avec le changement de température, je ressaigne de la narine droite (toujours la même depuis des années, sans doute à cause d'une petite veine un peu trop fragile) et crève en passant sur un clou dans un autre ghetto black qui me rappelle l'Afrique toujours (saleté, petits groupes par-ci par là, demande d'argent ou de donner le vélo…).
Avant d'arriver dans le centre de Philadelphie je repasse encore dans des ghettos blacks, les blancs ne sont présents que dans le centre (pour le travail sans doute et non pour y habiter). Le centre historique n'est pas très joli par rapport aux villes européennes ; même en Afrique, si les centres villes ou les villages étaient restaurés, ils seraient sans aucun doute plus jolis. Ici toutes les villes américaines se ressemblent souvent (buildings, routes un peu chaotiques…), de même pour les maisons en campagne souvent faites en bois (en France par exemple, chaque région a par son histoire une identité propre qui se reflète aussi dans les matériaux utilisés pour la construction…).
Je poursuis la route jusque Newark où je décide finalement de m'arrêter, un peu fatigué sans doute. Il fait plutôt beau mais je décide de dormir dans un motel que j'ai trouvé (pour 50 $, soit 30€), je pensais recharger mes batteries photos et les piles pour la lampe aussi mais je me rends compte que les prises américaines ne sont pas les mêmes qu'en Europe, un coup pour rien donc, il faudra acheter un adaptateur sur la route dans les prochains jours. Ici c'est une big agglomération mais il n'y a pas de cybercafé, lorsque je demande on me dit si j'ai mon ordinateur (non bien sûr, contrairement à certains, loin de moi l'idée de voyager avec un ordinateur ou un téléphone portable) car ici on trouve beaucoup de wifi. Les américains rencontrés sont souvent gentils et semblent bien aimer les français, certains me disent " I enjoy that you do ", ça fait toujours plaisir… En fait par la suite je m'aperçois qu'ils sont souvent comme ça, c'est normal pour eux de dire ça (comme dire bonjour…).

Le 23 je finis la traversée du Delaware pour arriver dans le Maryland. Après une nuit sur un bon matelas, j'ai toujours du mal à me lever de bonne heure et c'est donc souvent entre 11h et 12h que la journée commence. Il y a moins de feux rouge et donc la vitesse moyenne est plus élevée, par contre le vent est comme la veille, pas trop favorable (rouler en ville a l'avantage de protéger du vent grâce aux bâtiments).
A Baltimore je ne vois que des blacks, que cinq blancs, où on me redemande un peu d'argent ou de donner mon vélo, beaucoup traînent aux bords des routes comme en Afrique (est-ce un manque d'espoir ? Ou autre chose ?). Quand je passe dans des quartiers asiatiques c'est différent, là les gens s'afférent à leurs occupations, beaucoup de petites boutiques et on ne me demande rien. Le paradoxe américain est que bien souvent ils possèdent une belle voiture alors que leur maison est bien délabrée (la voiture doit valoir plus que la maison d'ailleurs).
Il y a beaucoup de centres commerciaux tout au long de la route (société consumériste), beaucoup de voiture et donc de pollution, très peu de transport en commun (j'en vois pas !). Si tous les terriens consommaient ainsi, c'est sûr que La Terre n'aurait pas assez de ressources pour tous ! Vaut mieux alors chercher à aller dans l'Espace ou bien innover pour trouver d'autres énergies…
Sur la route je crève encore une fois à cause d'un bon bout de verre, mon nez saigne encore de bonne manière aussi le soir, avec le retour de la fraîcheur du crépuscule.

Le 24, la route pour aller à Washington est simple, il suffit de suivre la route 1 (route de l'Indépendance), de même après mais la sortie de Washington est difficile, et il me faudra 1h45 ! Je cherche la  route 1 et un moment je tombe sur une autoroute, une fois dessus je ne peux plus faire demi-tour et ceci ne se fera qu'au prochain échangeur, 5 km plus loin, pour ensuite refaire l'autoroute en sens inverse. J'arrive enfin à retomber sur la route 1 qui est en fait une autoroute aussi même si la vitesse est normalement limitée à 70 km/h ça me fait toujours bizarre et j'ai du mal à m'y habituer (j'ai tendance à trop facilement oublier que les autoroutes sont autorisées aux cyclistes ici et que c'est souvent la seule route possible) ; de plus le vent est assez fort 100 km/h en rafale ce qui est dangereux quand on l'a de côté car on peut être déporté et quand des camions dépassent il y a comme un appel d'air ce qui fait un peu zigzaguer. Aussi je suis pressé d'arriver dans deux jours dans les montagnes (ah, MES montagnes, j'aime ça où on est plus tranquille, même si j'aime bien aussi par moment passer par une grosse ville, c'est comme une immense tentacule à vaincre mais qui restera bien en place après le bref passage du cyclo).
Je crève encore à cause d'un bout de verre et 3 km avant la fin de cette journée je casse encore un rayon. Décidément cette roue doit être maudite, depuis le Paris - Dakar, c'est la 3ème ou 4ème fois que je casse des rayons sur cette roue (jamais auparavant, en 15 ans de vélo), il y a sans doute un problème de conception et dès que ce sera possible faudra acheter une roue neuve !
Le temps est assez clément et le vent en général favorable, je trouve aussi un adaptateur pour les prises. Pour le moment Washington est sans doute la plus belle ville vue jusqu'ici (j'y vois le Capitole, le mémorial à Georges Washington, le mémorial à Abraham Lincoln et la maison Blanche…). Tout au long de la route il y a encore de nombreux centres commerciaux (dont souvent la moitié des locaux sont inoccupés par un quelconque commerce (ici ils ne s'embêtent pas, si ça ne fonctionne pas, ils s'en vont ailleurs, simplement).
Le soir je dors, comme la veille à l'arrière d'un de ces centres. Mais comme ça arrive parfois, je suis réveillé tôt le matin, à 2h30, par un camion qui arrive pour décharger sa cargaison, le problème c'est qu'ici le moteur restera en marche, mais fatigué ça ne m'empêchera pas de me rendormir !

Le 25, je plie donc bagages à 7h30, quand je pars le camionneur avait encore son moteur allumé (peut-être dormait-il dans son camion et ça permettait de le chauffer ?). Bref, à Frederiksburg (jolie petite ville " sudiste "), je me promène pendant 1h30 pour me trouver un magasin de vélo et donc une roue avant. Le 1er magasin vend les roues que par paire, j'ai beau lui expliquer que ça ne m'arrange pas il ne me fera pas de cadeaux (ah si, il voulait me revendre une vieille roue des années 90, tout en acier, pour 50 $ soit presque le prix d'une roue neuve, des fois et même souvent les types qui s'occupent de magasins de vélo sont de véritables magouilleurs et charlatans !). Le 2nd magasin de vélo me propose une roue neuve pour 90 $ (60 €) que je prends volontiers tout en lui laissant l'ancienne, il est un peu étonné quand je lui dit qu'elle est maudite et il aurait préféré me changer que le rayon cassé.
Après Orange, la route est jolie, on passe un peu en campagne mais 15 km avant Charlottesville il y a de nouveau beaucoup de circulation (je reprends un bout d'autoroute), beaucoup de bruit… Je vais pour voir le Monticello (là où a été signé la Constitution américaine en 1776) mais le site est fermé, pas de chance, je reprends donc l'autoroute dans l'autre sens pour revenir à Charlottesville où je me perds (j'y fais presque deux fois le tour sur la rocade qui ceinture la ville, avant de trouver la bonne " sortie ", une sorte de ring comme ils appellent ça en Belgique). Puis j'y mange, visite (12 km à pieds et visite l'université de Virginie, comme Princeton et comme les facs en France, elle est " open ", on peut donc s'y promener et rencontrer quelques étudiants, c'est sympa) et y dormir (encore près d'un centre commercial où là je passe une très bonne nuit récupératrice).


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Chronique 3 : de Charlottesville à Memphis


" Monts Appalaches, Blue Ridge et Tennessee… "
(1.856 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/7V2ywAL19WLKZ6Ct5

26/03, Charlottesville - James river, 156 km
27/03, James river - Cooper Hill, 133 km
28/03, Cooper Hill - Stratford, 158 km
29/03, Stratford - Boone, 70 km
30/03, Boone - Marshall, 139 km
31/03, Marshall - Asheville, 96 km
01/04, Asheville - Cherokee, 129 km
02/04, Cherokee - Madisonville, 157 km
03/04, Madisonville - Chattanooga, 158 km
04/04, Chattanooga - Gunterville, 171 km
05/04, Gunterville - Rogerville, 138 km
06/04, Rogerville - Saulsbury, 207 km
07/04, Saulsbury - Earl, 144 km

Le 26, après la sortie de Charlottesville, il faut encore 35 km pour rejoindre la BRP (Blue Ridge Parkway), enfin de la tranquillité, c'est super jolie par rapport à ce que j'ai vu avant, ce n'était pas trop difficile non plus, c'est une route faite uniquement pour les voitures (les véhicules commerciaux sont interdits) qui traverse le massif du Blue Ridge, juste parallèle aux monts Appalaches (une seule vallée entre les deux).
Mais un petit problème arrive après seulement 30 km, car la route est fermée, comme c'est une route de montagne un détour prendrait beaucoup de km, il n'y a aucune explication et lorsque je demande aux conducteurs des voitures qui arrivent s'ils savent pourquoi, si la route est praticable et où je peux passer, ils ne savent pas me répondre… Après avoir abandonné de vieux vêtements de plus de dix ans en ma possession (couvres chaussures d'hiver, pull d'hiver, et un maillot de cycliste) car il commence à faire chaud (en Espagne, sur le Paris - Dakar, j'avais fait un bon détour une fois en montagne à cause d'une route fermée pour finalement m'apercevoir que c'était à cause de travaux, le passage était impossible en voiture mais largement faisable en vélo et à pieds). Un type me dit de continuer, que c'est ça l'aventure, il n'a pas tout a fait tord et je décide donc de poursuivre par la BRP, plus loin je croise une voiture de Ranger, je l'arrête et demande si c'est possible de passer en vélo, il me dit que oui mais qu'il faut faire attention car il y a un feu de forêt, puis il me demande si je fume, sans hésitation je lui répond que non, il ne s'agit pas de se faire arrêter pour rien ou il pourrait changer d'avis et me dire de ne pas passer.
Après 80 km sur la BRP (où les ravitos possibles sont fermés en cette saison), je décide de descendre dans la vallée entre le Blue Ridge et les Monts Appalaches, à Buena Vista, petite ville à 8 km de la BRP. Puis je prends une autre route dans la vallée toute aussi jolie mais avec plus de circulation afin de rejoindre la BRP un peu plus loin.
Le soir je dors près de la James River et d'un musée (fermé en cette saison) sur la BRP, c'est très tranquille puisqu'il n'y a rien aux alentours, mais les américains sont très suspicieux et encore une fois (ça arrivera souvent surtout dans les Etats du sud des USA : Alabama, Tennessee, Arkansas, Oklahoma, Arizona, Nouveau Mexique et Californie) une voiture revient après m'avoir vu et refait un demi-tour, c'est agaçant, ici on incite à la délation soit disant pour protéger le parc contre d'éventuels malfaiteurs… Bref on est un peu surveillé et quand des américains dans le sud des USA demandent si tout va bien (ça arrive au moins une fois par jour) c'est surtout dans un but de savoir s'ils doivent appeler la police ou non (c'est jamais arrivé en Europe sauf en Finlande et en Suède, est-ce à voir avec la culture protestante de ces pays ?). Cependant le reste de la nuit se passe très bien. Tout est très " clean " ici comme en Scandinavie d'ailleurs, pas un mégot de clopes… Tout est aussi " quadrillé " c'est-à-dire que les champs ou les bois sont clôturés avec des barbelés souvent ou des barrières, avec l'inscription " no trepassing " ; bref, la propriété est apparemment plus importante que la liberté de circuler. Pour le moment, en France, il est assez facile en campagne de passer dans un champ ou un bois car ils ne sont pas souvent clôturés, sauf s'il y a des vaches ou cochons, pourvu que ça le reste longtemps !

Le 27, la matinée commence par une bonne grimpette de 15 km, beaucoup de côtes, j'aime bien cette jolie route, avec la forêt tout autour et quelles vues. Cependant il n'y a pas de ravito et après 80 km de vélo je commence à avoir faim, je redescends donc dans la vallée pour revenir ensuite sur la BRP qui ne passe dans aucune ville sur près de 800 km.
Ce soir je dors près de l'US postal de Cooper Hill, petit village de quelques âmes dans la vallée entre le Blue Ridge et les monts Appalaches, proche d'une station essence où un type passe près de moi, ralenti, fait demi-tour, fait semblant d'aller prendre de l'essence puis revient passer près de moi et continue sa route. Les américains malgré leur suspicion restent souvent gentils et conduisent bien !

Le 28, au matin je me ravitaille à la station essence, je suis mal réveillé mais la dame est très aimable et m'adresse un bonjour avec un large sourire. En fait je viens juste de la voir passer quand je rangeais mes affaires, elle habite juste la maison derrière l'US postal (et comme c'est éclairé la nuit elle a bien du voir que j'y ai dormi).
Je fais un bref retour sur la BRP qui est toujours aussi jolie mais après 100 km je redescends de nouveau dans la vallée pour le ravito à Hillsville puis je continue dans la vallée où il y a plus de ravito mais aussi plus de circulation. Quand la nuit commence à tomber je me retrouve dans une zone où il n'y a rien, le ciel se couvre méchamment et il risque de pleuvoir, ce serait facile de se mettre sous un arbre ou contre une haie mais ici c'est barbelété de partout, je m'arrête une fois l'obscurité totale pour m'assoupir sous une remorque de tracteur (assez énorme) avec de la paille au sol ce qui tient bien chaud, en bord de route, et ce qui suffit à protéger de la pluie et à passer une très bonne nuit, même si le chien de la maison d'à côté, à 100m, aboie à chaque fois que je bouge (par expérience, les chiens ont une excellente oreille et quand ils aboient c'est toujours pour une bonne raison, sauf si le chien est psychopathe).

Le 29, il a plu toute la nuit quand je me lève, obligé car le fermier qui habitait dans la maison à 100 m vient de descendre pour voir ce que je fabrique, cependant il est sympa et il me parle un peu pour savoir ce que je fais…, j'ai cru qu'il allait me proposer un café mais non. Bref, ce jour est pluie, le temps est bouché, beaucoup de brume et il fait froid (ah je regrette mon pull d'hiver, ici c'est une vallée coincée entre les montagnes à environ 500 m et le temps change vite). C'est dur et j'ai l'impression avec le froid que mes rotules vont exploser ; les tendons rotuliens sont forts sollicités et les tendinites repartent, de même pour le long péronier latéral droit mais c'est supportable, et il n'y a pas de bonheur sans douleur (ben ouah, si on ne souffre jamais, on ne peut pas savoir ce que c'est que d'être heureux).
Gentiment lors d'un ravito dans un general store, l'américaine me dit de venir manger à l'intérieur, au coin d'un feu qu'elle rallume, très gentille.
Ainsi, arrivé à Boone je décide de m'arrêter, après seulement 70 km, et d'essayer de trouver un petit motel (50 $) pour récupérer mais le temps ne risque pas de s'améliorer. Je crois aussi ne pas reprendre la BRP à cause du problème de ravito et du temps pourri, et il faut quand même avancer car le Blue Ridge n'est pas fini et ces étapes semblent plus longues que prévues (confer le problème d'échelle miles/km). Le soir un américain m'offre le journal que je n'arrive pas à prendre dans leur machine automatique, sympa aussi.

Le 30, comme à chaque fois que je vais à un motel, je pars assez tard, vers 11h, puis je remarque tout de suite un problème à ma roue arrière, le pneu est biaisé sans doute à cause du forçage lors du passage contre une bordure, la veille, avec la fatigue, où j'avais failli tombé. Puis je crève à l'avant. J'en profite pour mettre le pneu de devant (moins usé) à l'arrière et un pneu neuf devant. J'ai souvent un ou deux pneus de rechange dans mon sac, maintenant il faudra en racheter car il n'y en a plus… Tout cela me prend un peu de temps dans une journée bien entamée.
J'ai dit " bye bye " à la BRP car en plus il y a beaucoup de brouillard ce qui ne devrait pas s'arranger avec l'altitude et peut-être les routes seront fermées (il fait très froid et peut-être neige-t-il ?). Ca n'empêche qu'il y a des montées qui passent à près de 1.300 m ! La route pour aller à Marshall est très jolie, elle suit un cours d'eau et est entourée de falaises avec sans doute quelques cavités. Pour la 1ère fois depuis une semaine le vent est aussi de dos (très rare pour rejoindre la côte californienne de la côte est), donc ça roule bien (la moyenne est assez basse dans l'agglomération de la côte est à cause de tous ces feux rouge). Le soir je dors encore près de l'US postal, à Marshall, à quelques mètres du bureau de police.

Le 31, le réveil se fait à 6h quand les postiers arrivent pour travailler. La route fut d'abord assez chaotique puisque je me perds et on m'indique des directions différentes… Enfin je rejoins la bonne route mais voilà que vers le 66ème km toutes mes dents du petit plateau se cassent en même temps (du jamais vu), il ne me reste que le grand plateau et c'est impossible de continuer ainsi car j'ai une dernière bonne côte de 10 km à grimper avant de quitter le Blue Ridge. Je fais donc un demi-tour de 10 km pour retourner à Wayneville où au visitor center on m'indique un magasin de vélo, je m'y rends avant la fermeture mais il n'a pas le matériel, il peut le recevoir dans trois jours mais il prend juste une semaine de vacances le lendemain et m'indique alors gentiment une autre adresse à Asheville (70 km plus à l'est, où j'étais passé à côté) d'un magasin ouvert, plus grand et qui devrait avoir le matériel en stock. Ca ferait bien mes affaires mais c'est impossible (ou très difficile d'y aller avec le grand plateau), il n'y a pas de transports en commun, il est 17h et ça sera fermé… Je me décide donc à appeler un taxi, avec l'accent, la dame croit d'abord à une blague et me raccroche au nez, je retéléphone et cette fois-ci elle me prend plus au sérieux et un taxi est envoyé. La course est à 70 €, c'est cher mais ça m'évitera de perdre une journée et ça me tracasse aussi d'avoir un vélo en mauvaise état, je suis pressé d'être au magasin de vélo d'Asheville pour savoir s'il peut le faire sinon je pourrais en profiter pour chercher un autre magasin le soir et y aller alors le lendemain.
Le taxi date des années 80, les types sont des républicains et ils parlent de Bush au volant. Bush senior était bien à leurs yeux mais pas le junior… Bref on arrive au magasin de vélo à Asheville vers 18h20, c'est encore ouvert et le type a tout ce qu'il faut et peut me le faire pour le lendemain matin ! Impeccable. J'ai le temps encore de faire un tour dans le centre d'Asheville (10 km aller-retour à pied) pour aller chercher du ravito puis je peux enfin dormir près du centre commercial où est le magasin de vélo. Quelle journée.

Le 01 avril (jour de farce mais tout ira pour le mieux), je me réveille à 9h45, pénard, après une nuit excellente. Je récupère le vélo et tout a l'air de bien fonctionner. De plus, il fait super beau et je décide donc de reprendre la BRP, pour la dernière fois, avant de quitter ce massif.  Les paysages sont magnifiques et je ne regrette donc pas ces problèmes techniques et le vélo fonctionne maintenant très bien (roue avant changée, pignons, chaîne et plateaux neufs, ça glisse). Le seul ravito de cette étape de 130 km est après le passage du " col " du mont Pisgah, mont que j'avais la veille vu sous les nuages, de la vallée. Il y a beaucoup de Gap (sommets) entre 1200 et 2000 m d'après le GPS ; on retrouve aussi de nombreuses cascades en bord de route, beaucoup de forêts, quelques rapaces, la forme est là (finies les tendinites), c'est que du bonheur avec ce temps magnifique…
Il y a donc de nombreuses " bosses " avec de petites montées pendant 10-15 km et donc aussi de bonnes descentes de 10 km et même une fois 25 km (pour arriver à Cherokee), quel plaisir que de sentir le vent et cette sensation de glisse alors.
Le soir j'arrive donc dans la ville de Cherokee (dans la réserve indienne du même nom). Là encore, comme pour les blacks ou hispaniques ou asiatiques, on retrouve une communauté enfermée dans une réserve avec sa propre police, administration… C'est une partie de la réserve indienne Cherokee car elle est morcelée en différentes zones non contiguës. Décidément aux USA il y a beaucoup de communautés et peu de cosmopolitisme. On retrouve aussi des réserves indiennes au Canada mais dans certaines villes importantes (Vancouver, Montréal, Toronto) il semble que les gens vivent moins en communauté, même si elles existent, par quartiers, un peu plus qu'en Europe.
Chez les Cherokee, je m'attendais à voir quelque chose d'authentique sur la culture et l'histoire des indiens Cherokee mais je vois vite que la culture " consumériste ", pas typique des amérindiens mais bien authentique de l'Occident, a fait son bonhomme de chemin. Ainsi je trouve de nombreux magasins de souvenirs (qui n'ont rien d'artisanals), des fast food non pas Mac Do… mais au nom indien, cependant la nourriture est la même (hamburgers…), des dizaines de motel, et un immense casino avec un immense parking ; l'argent a donc vite pris le pas sur l'identité culturelle de ces indiens. Plus tard au nouveau Mexique certains me demanderont de l'argent, de même dans une réserve indienne de Colombie Britannique un indien veut que je l'invite (comme je suis étranger) pour boire plusieurs verres (c'est arrivé aussi quelques fois au Maroc ou au Sénégal qu'on me demande de payer des verres, de même que c'était aussi arrivé en Pologne, euh dites moi si je ne me trompe pas mais l'hospitalité n'est-ce pas ceux du coin qui doivent inviter l'étranger normalement).
Le soir je me pose tranquille dans un coin d'un petit centre commercial devant des vitrines de magasins à louer ou à vendre (donc pas de lumières car par sécurité les centres commerciaux restent éclairés toute la nuit, ça évite les vols sans doute…). La nuit fut encore une fois très bonne, à l'abri du vent, ce qui suffit pour gagner quelques degrés.

Le 02 avril, la route fut encore bonne, toujours quelques montées et descentes mais ça va, le rythme est assez bon, le vent est aussi un peu de tous les côtés car la route continue de traverser des collines et vallées donc ce n'est pas droit ; elle enchaîne avec de jolies lacs situés sur les contreforts des monts Appalaches, la route est très touristique mais en cette saison il y a peu de monde même si je croise sur une vingtaine de kilomètres une centaine de motards ! Un moment, comme ils se prennent en photo pendant leurs acrobaties, ils me prennent aussi deux fois en photo, alors je m'arrête un peu et fais aussi quelques photos souvenirs.
Le soir j'arrive à Madisonville où je dors encore dans un centre commercial.

Le 03, j'en termine enfin avec les contreforts et les monts Appalaches, le vent est bien de face aujourd'hui et il y a encore quelques montées et descentes puis c'est assez plat, il a plu aussi une bonne partie de la journée jusque tard dans la nuit (de la bonne drash !). En fin de journée je finis de passer Chattanooga sous une grosse pluie, je stoppe donc après une dernière côte à la sorite de cette ville  (qui n'a rien de spécial), au moins une heure avant que le Soleil ne se couche, c'est un peu dommage car les paysages, en longeant le fleuve Tennessee, sont splendides (nombreuses collines, forêts…) mais peu de photos pour ne pas abîmer l'appareil (quand c'est un temps très pluvieux j'enveloppe l'appareil dans une pochette un peu cartonnée puis dans deux plastiques et je le met dans le sac à dos, et non sur une poche latérale, le sac à dos est lui-même enveloppé dans un couvre sac plus ou moins étanche, c'est donc tout un système pour prendre une photo ensuite, même si avec l'habitude ça va assez vite mais je ne préfère pas trop prendre le risque de le tremper).
Le soir je me ravitaille dans un centre commercial à la sortie de Chattanooga et je m'endors, protégé du vent et de la pluie, près d'un cabinet médical. Ici aux USA il n'est pas rare de trouver des cabinets médicaux dans des centres commerciaux et près des fast food, il y a aussi les banques, on y trouve même des églises !

Le 04 c'est encore une bonne journée de pluie ! Ce qui est toujours aussi dommage car les paysages sont magnifiques. Je fais une petite incursion par la route, seulement 2-3 km en Géorgie, puis c'est la traversée de l'Alabama, l'herbe est bien verte (pas étonnant s'il pleut toujours comme ça).
Sur la route un autre problème technique, je pensais en avoir fini mais cette fois-ci c'est le boîtier de pédalier qui est usé (les manivelles commencent à avoir du jeu, dès lors dans 500 km ce sera assez difficile…). Je cherche alors à réparer à Gunterville, en fin d'après-midi, et demande où je peux trouver un magasin de vélo dans une boutique qui vend des téléphones. Le type, très sympa, me donne l'adresse puis propose carrément de fermer son magasin (il reste 30' normalement) et de m'y conduire, on met le vélo dans sa belle 4x4 Chevrolet puis on arrive au magasin omnisport (vélo, ski, kayak), les deux types qui s'en occupent sont très sympas, ils me disent que c'est possible mais seulement dans 4 jours et ils me conseillent de passer à Huntsville pour le faire plus rapidement. Quand je leur dis que je pense que le boîtier est fini, ils me demandent combien j'ai fait de km avec, je dis 20.000 environ et ils sont morts de rire…et me disent qu'il est plus que temps de le changer.
Le soir je dors trempé dans un centre à Gunterville où une voiture de police s'arrêtera environ 15' près de moi, sans me contrôler, mais sans doute pour se montrer.

Le 05, c'est toujours une bonne journée de pluie, décidément dans le coin, entre le Mississipi et les monts Appalaches. Je fais donc un détour pour aller à Huntsville où j'y trouve le magasin de vélo conseillé, les deux types qui s'en occupent sont encore super sympas, ils me changent le boîtier de pédalier pour 50 € et me donnent même deux pneus en plus et un m'offre un café !
J'hésite avec ce temps à m'arrêter dans cette ville et à aller dans un motel mais on me dit que demain il va faire beau alors je continu. Beaucoup de douleurs à la plante des pieds à cause de l'humidité et des appuis sur les chaussures et les pédales, ça brûle ! Avant la fin d'après-midi, la pluie s'arrête et laisse apparaître enfin quelques rayons de soleil.

Le 06, comme prévu, il fait beau, je prends en très grande partie aujourd'hui la route 57 que je suis pour rejoindre la ville de Memphis, le vent est tantôt de côté, de dos et de face.
La journée est bonne en tout point, et le vent est calme. Le soir je m'endors de bonne heure, assez fatigué, à Saulsbury, lorsque vers 22h, Marlene vient me réveiller pour savoir ce que je fais là puis il me dit que peut-être je pourrais dormir chez eux mais elle vient de se disputer avec son compagnon (Dave), elle me dit aussi qu'en restant dehors je peux avoir des ennuis avec la police, je la rassure en disant que jusque maintenant ça s'est bien passé… Après quelques minutes elle revient avec Dave qui me dit que je peux venir dormir chez eux, je leur dis que je ne veux pas non plus les déranger, il insiste et me voilà de nouveau éveillé jusque 1h du matin à discuter encore de politique (Bush, Obama, Clinton…). Ils m'expliquent qu'ils auraient bien voté Clinton mais ne voteront pas Obama à cause de sa couleur, Dave est aussi un vétéran du Vietnam mais ne votera pas non plus pour Mc Cain envers qui il a des propos très dur comme sur Obama…, fatigué, je vais ensuite rapidement m'assoupir sur le canapé, sans même avoir le courage de prendre une douche qu'ils m'avaient proposée.

Le 07, je pars tard, vers 12h45 après qu'on est cherché avec Dave, hamburgers, cigarettes et alcool au general store dans la ville d'à côté. La route est encore tranquille, c'est toujours la 57. Arrivé à Memphis je ne m'y arrête même pas, je n'y vois rien d'intéressant, de même le Mississipi est très moche ici, rien à voir avec Tom Sawyer et c'est très pollué. Je continue donc pour dormir dans la ville de Earl où il n'y a que des communautés black (comme dans l'est de la Hongrie ou dans l'est de la Slovaquie, on rencontre ici, en Arkansas, des villages peuplés que de blancs et d'autres peuplés que de noirs, pas sûr que ce soit une ségrégation mais une volonté de ne pas vivre mélangé, chacun faisant son business sans les autres) et on me demande encore de donner quelques dollars, juste parce que je suis blanc…décidément, c'est une coutume internationale (ils ne demandent pas, comme en Afrique, à d'autres blacks alors que certains sont riches…). Bref je passe la nuit en bordure d'une église.


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Chronique 4 : de Memphis à Las Vegas


" Les grandes plaines et déserts d'Oklahoma, Nouveau Mexique et Arizona!! "
(3.147 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/HimiJQAMBoEHZcNe6

08/04, Earl - Newport, 118 km
09/04, Newport - Yellville, 200 km
10/04, Yellville - Huntsville, 122 km
11/04, Huntsville - Siloam Springs, 106 km
12/04, Siloam Springs - Tulsa, 176 km
13/04, Tulsa - Perry, 175 km
14/04, Perry - Woodward, 212 km
15/04, Woodward - Bryan's Corner, 141 km
16/04, Bryan's Corner - Boise City, 172 km
17/04, Boise City - Clayton, 75 km
18/04, Clayton - Springer, 141 km
19/04, Springer - Taos, 164 km
20/04, Taos - Hope Well Lake, 106 km
21/04, Hope Well Lake - Gobernador, 180 km
22/04, Gobernador - Shiprock, 136 km
23/04, Shiprock - Kayenta, 165 km
24/04, Kayenta - 15 km après Cameyron, 178 km
25/04, 15kms après Cameyron - Williams, 179 km
26/04, Williams - Peach Springs, 135 km
27/04, Peach Springs - Las Vegas, 266 km

Le 08 la journée commence bien puisqu'il fait encore très beau mais je crève six fois entre 8h30 et 10h30 ! Et je roule même 20 km avec un pneu crevé qui se dégonfle doucement et que je regonfle alors… pourtant ça aurait pu être un grand jour. L'après-midi, il se met à pleuvoir à verse et avec les camions assez nombreux, sur une route plus petite, c'est la douche dès qu'un d'eux passe. J'arrête le soir vers 17h même s'il fait nuit qu'à 19h30 car je suis assez fatigué par toutes ces crevaisons (la cause est la présence d'agrafes sur les parkings des stations essences, c'est très fins et très coupants, après je porterais mon vélo avant d'y rentrer, pendant quelques jours, puis je recommence mais ne crèverais plus autant).
Les villes américaines traversées ainsi que les villages de campagnes sont assez tristes aux USA, on dirait que tout est fait seulement pour être temporaire, comme si les américains vivaient toujours dans l'idée que demain ils allaient tout quitter pour s'en aller vivre loin, ça n'a rien à voir avec l'esprit européen d'embellir les villes ou villages ou leurs maisons. Peut-être la différence vient du fait que les américains n'ont pas une histoire et des éléments architecturaux aussi riches et anciens qu'en Europe et donc pas la même culture de conservation des choses et du patrimoine, ça paraît alors normal pour eux de considérer des biens culturels comme de simples biens marchands…
Le soir je dors à Newport, à l'entrée d'un hôpital qui est fermé alors que les locaux ont l'air tout neuf ! Ca a du leur coûté cher de le construire et apparemment il n'a jamais servi !

Le 09, je passe dans les Interior Highlands mais les grottes qu'on peut visiter sont fermées (ce n'est pas encore la saison touristique). Sur la route pour Yellville le ciel reste bien couvert, encore un peu de montées et descentes dans ce paysage de collines. Arrivé à Yellville, après 30', le temps de s'habiller et de voir un endroit où dormir, quelqu'un me propose déjà de venir à une messe, c'est un baptiste (n'importe qui peut devenir pasteur, beaucoup d'églises à vendre, dans ou proche des centres commerciaux), mais l'église est située à 30 miles de là, la " messe " dure 4h et il est aussi 21h (toujours pas manger), je refuse donc mais lui demande pourquoi il y a autant de types d'églises différentes ? Sans doute pour l'argent. Il ne me répond pas et fait mine de ne pas comprendre, on se sépare ainsi.
La nuit je dors près de l'US postal, sous un préau, il y a un orage énorme ! Tel que j'en ai jamais vu, il dure 12h avec un feux d'artifices bien naturel incroyable et s'ensuit de la pluie encore… Dans la nuit le vent souffle très fort et tourne de direction, le matin je serais donc presque trempé et la nuit fut courte (ou trop longue).

Le 10 au matin, je me demande si je vais partir, il pleut à verse quand l'orage vient de s'arrêter vers 10h (ce fut un beau spectacle, on se serait cru presque en plein jour). A la station essence, la dame me répond qu'il va pleuvoir toute la journée, j'enfourche quand même le vélo mais après 30 km, une fois les dernières collines des Interior Highlands passées, les premiers rayons de Soleil ressurgissent et la lumière rejaillie sur les plaines verdoyantes de l'Arkansas. Malgré le soleil, le vent de face se lève aussi avec des rafales de près de 80 km/h ce qui fait que le vélo avance doucement. Encore beaucoup de montées et descentes, surtout de longs faux plats, les routes sont bien dégagées ce qui complique aussi la chose. J'achète aussi chambres à air, rustines et deux pneus, suite à encore deux crevaisons à cause d'agrafes dans les stations essences.
Le soir je trouve aussi à Huntsville un endroit où dormir mais avec la fatigue je me décide à 21h à aller dans un motel (à seulement 40 $), je parle avec deux enfants et adolescents qui sont surpris de voir un français ici mais heureux d'entendre parler de voyages. La nuit, la collègue de motel de la chambre à côté a aussi un chien, qui à chaque fois que je bouge aboie, décidément, ça ne change pas des nuits passées dehors où les chiens aboient aussi quand je bouge.

Le 11 au matin je pars à 11h du motel tranquille, je change les pneus de cyclo-cross contre les pneus de vélo de course (section 36 à 23), ça fait du bien de rouler sur des pneus plus fins, on a vraiment moins de frottements ! J'aurais du le faire depuis le New Jersey ! Et le vélo semble plus léger !
La route est bonne mais le vent est encore fort de face ou de profil avec des rafales de vents et des routes bien dégagées, il fait un peu froid.
Tous les jours on me demande au moins dix fois : " How are you today ? ", c'est un peu agaçant à force mais je m'y habituerais à la longue sur ce parcours. Il y a encore quelques collines des Highlands mais moins qu'avant. Beaucoup de chiens ici dans quelques maisons en bord de route qui aboient toujours lors de mon passage et qui viennent aussi aboyer près du vélo (comme la plupart ne sont pas attachés).
Le soir je dors à côté d'une école primaire dans un endroit tranquille, en Oklahoma, à Siloam Springs.

Le 12, je pars vers 7h30, encore du vent de face assez frais d'où l'écharpe sur la bouche pour ne pas attraper une bronchite. Ici c'est les grandes plaines mais ce n'est pas très joli (c'est assez monotone, quelques longs faux plats…). La vitesse tourne souvent à 17-19 km/h, je ne m'en rends pas compte mais jours après jours je passerais de 500 m en moyenne à 1500-2000 m sur les hauts plateaux du Nouveau Mexique et d'Arizona.
Le soir je stoppe avant que tombe une grosse averse (il y'en a aussi beaucoup dans le coin, avant de franchir l'Arkansas river, à Tulsa). Vu le vent de face, j'ai bien roulé (176 km) et c'est ici que je me rends compte que les distances sur les cartes françaises sont bonnes mais à la mauvaise échelle (ce n'est pas en km comme indiqué mais en miles). Des questions se poseront donc plus tard sur le parcours à suivre. A SF je pense aller quand même jusqu'en Alaska mais le prix de l'avion entre Anchorage et Montréal vient s'ajouter aux dépenses. Puis je pense passer par Yellowstone et rejoindre Calgary puis aller à Vancouver où je prendrais l'avion pour Montréal afin de faire un tour d'un mois dans le Labrador, le nord du Québec et l'Ontario. Ensuite, une fois à Yosemite, comme des cols sont fermés je déciderais de passer d'abord par Vancouver et Calgary et d'y prendre l'avion pour Montréal où je ferais un tour pendant plusieurs semaines. Finalement arrivé à Victoria, sur l'île de Vancouver, j'estimerais avoir assez de temps pour rejoindre Montréal en vélo avant le 15 juillet surtout si le vent souffle toujours de l'ouest mais il faut aussi faire ce trajet en une vingtaine de jours aux USA (en passant par Yellowstone…) car le visa américain est valable que 3 mois et ça fait plus de 2 mois que j'ai voyagé aux USA (en fait à la frontière, entre l'Alberta et le Montana, les douanes me prolongeront encore le visa pour 3 mois).
A Tulsa, il y a beaucoup de " quartiers ", maisons en lotissement entourées de murs et de clôtures, avec gardiens aux entrées. Le soir il y a aussi quelques hélico de surveillance qui survolent la ville. La nuit je dors à côté d'un cabinet d'avocats situé dans un centre commercial.

Le 13, la journée de vélo démarre, le vent est toujours de face (ce qui sera le cas presque tous les jours jusque SF), froid et assez fort (les routes sont toujours plus ou moins bien dégagées). Les paysages sont semi-désertiques, il y a quelques rivières, quelques vallées un peu plus verdoyantes, pas beaucoup de villes qui ressemblent parfois à des ghost villes, c'est toujours la traversée des grandes plaines sur environ 1.000 km.
Le soir à Perry je dors à côté d'un petit centre commercial, la nuit est fraîche et vers 2h le gardien (la seule fois où j'en vois un) sort, me voit, me dit " non, pas là " et repart à l'intérieur (je lui dit bonjour au passage), quelques secondes après deux voitures de police arrivent, 2ème contrôle (le 1er c'était après le passage du pont Jacques Cartier à Montréal, le 1er jour), questions habituelles, qu'est-ce que je fais là, d'où je viens et où je vais, les policiers sont médusés de voir les dates de passage à la frontière sur le passeport, un français, en plus et en vélo, qui veut rejoindre SF. L'un va plusieurs fois voir le gardien pour savoir sans doute sa version. Ils me disent que je ne peux rester là, je leur dis que je pars demain à la 1ère heure du jour, ils me disent impossible là pour la nuit, je range donc sans insister mes bagages pour partir ailleurs (ce sera devant un cabinet d'avocat à 200 m de là), l'un d'eux a l'air stupéfait.

Le 14, entre Perry et Woodward, le paysage change encore et on se croirait dans la savane africaine, au sud des USA, les grandes plaines ne sont pas très verdoyantes, il y a beaucoup d'irrigation et quelques puits de pétrole. Pas beaucoup de transports en commun aux USA, pas de bus ni de train sauf pour le fret, mais beaucoup de moyenne ville ont un aéroport et la voiture reste reine !
Après 50, 90 et 130 km, je me fais dépasser trois fois par la même voiture de police, et toujours dans le même sens, je pense sérieusement que je me fais suivre par ceux d'hier. Ahahaha ils n'ont rien d'autres à faire, peut-être est-ce pour vérifier mes dires ? Et puis après plus rien. Des amis à SF me disent que c'est possible qu'ils aient voulu voir si je partais bien hors de leur conté et zone de juridiction. C'est possible aussi comme ils m'ont demandé où j'allais et que dans ces zones désertiques, il n'y a qu'une route !

Le 15 entre Woodward et Bryan's Corner, c'est quasiment le désert, le vrai, paysages arides, quelques buissons, la plupart morts et déchirés, roulent sur les routes comme on voit parfois dans les Westerns hollywoodiens. Beaucoup d'arbustes et d'épineux.
Le vent est de nouveau fort et de profil, je roule donc presque toute la journée en biais et il faut faire attention quand passent des camions. Les gens sont assez suspicieux des inconnus dans cette région désertique où il n'y a pas beaucoup d'habitants (c'est un peu du voyeurisme). La route est presque toujours plane avec quelques bosses.
On trouve en bord de route quelques fermes et entrées de Ranchs, la terre est sablonneuse, pas de cultures mais beaucoup de vaches (pourtant peu d'herbes et d'arbres), ainsi que quelques chevaux.
Le soir je dors dans un magasin en construction, à Bryan's Corner, et la nuit, avec le vent assez fort, le ciment laissé là et la poussière tournoient dans tous les sens, difficile de se protéger, l'écharpe et le bonnet sont les bienvenus. Cette nuit fut donc assez courte, ça rappelle les nuits dans la savane quand il y a du vent qui fait tournoyer le sable.

Le 16, la route se passe très bien, d'abord le vent est moyen de face puis de côté puis de dos en milieu de journée (le vent venant du NO et je vais vers le S). Les routes sont longues, sans grand chose dans le désert (en fait c'est ce qu'on croit mais ça fourmille d'animaux et d'insectes, les plantes sont aussi toutes bizarres).
Mais avec la chaleur et la sécheresse les rustines, à force de rouler, se décollent à cause de l'humidité (comme de la sueur) qui se crée entre le pneu et la chambre à air, ça se dégonfle donc petit à petit. J'avais lu dans un livre d'un cyclo qu'il pouvait mettre vingt rustines sur sa chambre à air avant de la jeter et il parlait de ne pas les gaspiller. Je voudrais bien mais après 1 ou 20 rustines ça ne change rien, car après quelques centaines de kilomètres elles se décollent et il faut donc sans cesse en recoller d'autres… Bref je garde les chambres mais je n'hésite pas à en racheter en arrivant dans un magasin de vélo.
A Boise City, c'est une moitié de ville fantôme que je trouve, on se croirait dans un Western avec le vent et les ballots d'arbustes qui se baladent dans la rue. Cette nuit je dors d'abord sous un escalier extérieur d'une maison abandonnée puis la pluie se met à tomber et le vent va dans tous les sens, je trouve au milieu de la nuit un autre endroit contre le mur d'une autre maison mais beaucoup de fourmis, scarabées, cafards et après que deux chiens viennent me renifler, cherchant de la nourriture, je décide de changer encore d'endroit pour aller me nicher sous le bel escalier de l'hôtel de ville de Boise.

Le 17, la route entre Boise City et Clayton est chaotique mais quel plaisir ! Au matin, dans une station essence des gens me demandent où je vais… Lorsque je dis que je vais à Clayton, ils me regardent et me disent " il neige là-bas ", j'ai du mal à le croire, même s'il fait froid, c'est le désert tout de même. La température ne monte pas au-dessus de 0°C et effectivement il neige sur la route ! Mais ça ne tient pas, normalement, les jours suivant il devrait faire beau, et ça change par rapport aux jours précédents où il faisait 20-25°C. C'est de la folie, avec le vent de face, ça se transforme quasiment en " tempête " de neige. Mais il ne faut pas oublier qu'on n'est plus dans les grandes plaines mais déjà sur les hauts plateaux du centre des USA puisqu'à Clayton j'arrive au Nouveau Mexique, et l'altitude est d'environ 1.400 m. Malgré ce temps sur la route je rencontre deux groupes de pronghorn, dont un groupe fera une " course " avec moi, sur le côté, pendant quelques minutes, c'est un pur moment de bonheur et quelle sensation de liberté.
A Boise il n'y a pas de magasins de vélo pour les chambres à air, c'est risqué donc car toutes sont usées et la rustine ne tient pas (j'en n'ai plus assez), il faut donc espérer ne pas crever ou que si crevaison il y a ce soit réparable. On me disait qu'il y avait un magasin de vélo plus au nord mais il fallait faire 30 km de détour et contre le vent qui soufflait fort. Je préférais donc continuer sur la route prévue.
Je stoppe à 12h30 à Clayton, gelé ! C'est aussi pour soigner les pieds irrités par le froid et la neige fondue, les chaussettes sont trempées et ça irrite la plante des pieds, les plis de peau sont comme brûlés. Je vais dans un petit motel à Clayton pour 40 $ (30€ ; à la station essence on me disait d'aller au Best Western mais le prix doit être conséquent). Fatigué, je dors 4h dans l'après-midi (y'en a besoin car les nuits dehors avec le froid, le vent … font entre 4 et 7h pas plus).

Le 18, je me réveille à 10h30 avec une heure de décalage car on passe encore un fuseau horaire, donc je dors une heure en plus. La nuit fut aussi très bonne ! Et au matin les couvertures sont dans tous les sens, que c'est bon de dormir sur un matelas. J'ai aussi eu le temps la veille de me ravitailler et de manger deux pizzas.
Je pars donc seulement vers 11h30 dans le désert des hauts plateaux du Nouveau Mexique, le vent est moyen mais toujours de face, ça rafraîchit, surtout qu'ici on est ente 1300 et 1800 m voir même 2000 m. On ne croirait pas vu le paysage plutôt plat mais la ville de Springer est à 1730 m. Ce sont des hauts plateaux arides comme dans l'Atlas marocain mais il y a tout de même un peu d'élevage de bœuf, pas bien gros car pas beaucoup de nourriture, avec les ranchs. On trouve même quelques habitants avec chapeaux de cow-boy, blue-jean, santiags, chemises à carreaux, ceintures en cuir…
La route se passe bien, le temps est plus clément que la veille et il n'y a pas de crevaisons surtout.
A Springer je m'installe pour manger au kiosque à côté de l'ancienne County House transformée en musée, la police tourne et je vois le même 4x4 quatre fois, sans doute s'ennuie-t-il ? Le soir je dors tranquille à côté de l'US postal.

Le 19, la route commence bien mais après 40 km la rustine lâche, le pneu se dégonfle, je la change mais une autre rustine lâche aussi, je rechange alors de rustine à Cimarron, en plein désert avant d'entamer les montagnes Sangre de Christo, mais quelques km après cette ville la rustine lâche à nouveau (à cause de la chaleur et de l'humidité qui se crée). Sur les quatre chambres à air, y'a quand même une rustine qui tient, mais c'est la seule ! Après presque 1h de " réparation ", je continue la route en espérant qu'à Taos je puisse trouver un magasin de vélo (Cimarron est une trop petite ville), sur la route à un store je m'arrête pour le ravito, j'y rencontre ensuite " un cow-boy " en Harley et la dame du store est assez charmante, j'en profite pour regarder dans les pages jaunes où il y a un magasin de vélo à Taos pour y prendre les adresses, en plaisantant les deux " compères " me disent que je pourrais toujours faire du stop s'il y a un ennui avec les chambres à air.
Les paysages sont sublimes ! Avant de passer un col (le Palo Flechado Pass à 2750 m) et d'arriver après une descente sur Taos, je remonte la rivière Cimarron et ses gorges, parfois on se croirait dans un petit canyon, au fur et à mesure de la montée la forêt réapparaît ainsi que la neige ! Tout doucement, les conditions changent, il fait plus froid et le vent de face renforce cette fraîcheur.
Après le col, arrivé à Taos, je mets une heure pour trouver le magasin de vélo et il est fermé mais le lendemain, dimanche, il est ouvert ! Je me promène jusque l'ancien Taos, réserve indienne inscrite à l'UNESCO pour ses constructions anciennes et authentiques. Le village est malheureusement fermé. Je retourne alors dans le nouveau Taos, aux allures de villes mexicaines, en fait surtout un décor construit dans un but commercial, ici il y a beaucoup de magasins de souvenirs (très peu dans l'ancien Taos à l'UNESCO) et malheureusement le nouveau Taos ne se situe pas dans la réserve indienne, ce qui veut dire que les bénéfices… ne sont pas pour les indiens mais pour les blancs ou hispaniques.
Le soir, après un long petit tour dans la ville nouvelle, je trouve un endroit tranquille pour le dodo, sur un balcon, comme on peut se l'imaginer dans les films de Far West, au 1er étage d'une maison.

Le 20, la matinée commence bien avec une très bonne nuit sur les planches de bois et à couvert, le réveil se fait tranquillement à 9h20 puis je pars pour visiter la Pueblo de Taos (site inscrit à l'UNESCO), ça ressemble fort aux maisons et villages du Maroc dont la construction est en terre, le terrain est aussi en terre et coule au milieu une rivière. Il y a quelques magasins avec quelques souvenirs… mais rien de si commercial que dans le nouveau Taos, en dehors de la réserve indienne.
Ensuite je vais au magasin de vélo qui ouvre en fin de matinée pour y acheter des chambres à air, le tenant du magasin de vélo est vraiment très sympa, il a fait en vélo, avant d'ouvrir son magasin à Taos, le parcours entre l'Alaska (Anchorage) et la Floride, un tour en Europe et au Mexique, il me demande où je vais et me renseigne sur la présence d'un campground (même si j'y vais jamais) au bord d'un lac situé à peu près au sommet d'un col où je dois passer (sans le savoir ce sera une info assez précieuse !). Aujourd'hui c'est dimanche mais il ouvre quelques heures son magasin pour les gens qui ne peuvent venir en semaine, c'est assez courant de voir les magasins ouverts le dimanche aux USA et un peu aussi au Canada, certains grands magasins sont même ouverts toute la nuit pourtant, pour y avoir été plusieurs fois entre 0h et 1h, il n'y a pas grand monde. Juste peut-être 2 ou 5 clients.
Lorsque je reprends la route il est déjà assez tard, le vent est toujours bien de face assez fort puisque je ne fais que du 20 km/h en descente et du 10 km/h en faux plat montant, du 13 km/h sur le plat, on est toujours sur des hauts plateaux arides du Nouveau Mexique. Je passe les gorges du Rio Grande, c'est déjà impressionnant mais incomparable au Grand Canyon du Colorado, puis j'arrive au village de Tres Pedrias où je pensais trouver un ravito mais tout est fermé. Ca va donc être juste pour les provisions. De  plus la route 64 est fermée pour une raison inconnue, c'est juste indiquée tendance à la neige et au vent sans autres précisions (pour la neige je suis très septique car sur les hauts plateaux il fait très beau depuis plus de quatre jours). En regardant la carte routière, c'est possible de faire un détour par le nord mais il faut aussi passer par un col à la même altitude (à environ 3000 m) sans savoir aussi si la route est ouverte ; l'autre choix serait de descendre au sud pour contourner le massif montagneux, en passant par Santa Fe, ce qui prendrait deux jours supplémentaires pour rejoindre ensuite la route prévue et il faudrait aussi prendre l'autoroute ; enfin, une dernière possibilité, retourner à Taos pour prendre plus de ravito et repartir le lendemain, le lundi pour passer le col.
Je repense à l'étape sur le Blue Ridge où la route était fermée, sans dire pourquoi et où j'étais passé et où tout s'était bien terminé (la route y était fermée pour un feu de forêt). Je décide donc encore de tenter le coup après avoir tout de même demandé à quelques personnes s'ils étaient au courant ainsi qu'à quelques automobilistes (mais sans résultats). Je commence donc le long faux plat (le passage de la montagne doit se faire en deux fois, un premier pass puis une vallée puis un second pass, juste après le lac où il y a le campground, peu de temps après il y a un poste de ranger mais il est fermé, pas d'autres renseignements mis à part une photo avec un loup, tient peut-être y en a-t-il dans cette forêt de Carson ? Je continue donc et grimpe facilement le premier pass, toujours pas de neige, j'arrive dans une vallée encaissée, un peu protégée du vent aussi grâce au massif forestier, sur 20 km je reste dans cette vallée tout en poursuivant mon bonhomme de chemin, la neige apparaît sur les côtés mais bien éloignée de la route. Ensuite je croise un automobiliste qui fait demi-tour, il me demande où je vais, je lui réponds et il me dit qu'il y a un mètre de neige sur la route et que le pass est fermé, je suis étonné vu le temps et lui demande sur combien de kilomètres il y a de la neige, il me répond sur 4 miles environ. Je lui demande alors s'il était à ma place s'il le passerait à pied, il me regarde dubitatif puis me répond que non, on éclate de rire et je fais donc demi-tour tout en le remerciant.
J'entame le demi-tour puis me rend compte que si je passe par l'autre pass plus au nord qui est ouvert il faut encore faire 100 km de détour sans savoir s'il y a un ravito, sinon il faut retourner à Taos car le jour est déjà bien avancé. Je réfléchis et me dis que 4 miles (soit environ 8 km serait faisable à pied en 2 bonnes heures, la neige pourra toujours servir pour s'hydrater, de plus en regardant sur la carte je ne doit plus être très loin du 2ème pass, le type du magasin de vélo de Taos m'avait dit qu'au sommet il y avait un campground (utile pour dormir) et qu'après c'était une grande descente (donc peut-être 20 km ?). Il reste 50 km pour arriver par cette route au prochain ravito, sinon c'est 150 km (100 km de détour en passant par le pass ouvert plus au nord ce qui me semble très difficile vu ce qu'il reste à manger et à boire : une vingtaine de bonbons, ½ L de coca, ½ L d'eau et une barre de céréale, s'il faut repasser sur les hauts plateaux, il fait aussi bien plus chaud).
C'est donc après 5 km un nouveau demi-tour, plus décidé que jamais de passer ce col. La route se poursuit avec de plus en plus de neige, mais il n'y a rien d'inquiétant j'économise la nourriture et je fais attention à l'eau. Le soir, toujours pas de route bloquée, j'aurais voulu passer ces 10 km de route enneigée avant et un peu pendant la nuit pour être tranquille le lendemain car on perd plus de force pendant la nuit, et je ne voulais pas en utiliser trop le lendemain, le GPS indique pourtant 3000 m d'altitude, le col doit être à 3050 m d'après la carte mais il n'y a toujours pas de route bloquée même s'il y a de la neige partout à présent.
A une heure de la nuit j'arrive au campground et décide alors de m'y arrêter, après hésitations car j'aurais au moins voulu arrivé au moment où la route est enneigée, mais le campground (bien sûr fermé) pourrait peut-être m'offrir un bon endroit pour dormir. Je commence donc à y entrer (sur la neige) et à inspecter ce petit camping désert de glace, c'est une drôle d'expérience, cela fait longtemps que je n'ai plus été à la neige. La dernière fois remonte à il y a 15 ans et je réapprends à marcher dessus, aussi parfois je m'y enfonce de plus de 50 cm sur un pas ! En fait après je m'aperçois que si on marche sur de la neige bleutée et ondulée, c'est qu'elle est gelée, on ne s'y enfonce pas alors que si la neige est bien blanche et non ondulée, c'est qu'elle est poudreuse et là on s'enfonce de 50 cm ! J'y ai aussi une belle vue sur Hope Well Lake (gelé) et aperçois pas très loin une petite cabane, idéale pour dormir et en plus elle est ouverte du côté opposé au vent, parfait pour cette nuit ! Après y avoir posé le vélo, je fais encore quelques mètres sur la neige craquelant comme des morceaux de verres pour voir s'il y a autre chose.
Bref, vers 19h me voilà fin prêt pour dormir, un feu a aussi était fait dans cette cabane et il y a plusieurs traces de motoneiges aux alentours, je repense aussi au loup vu sur la photo et est-ce l'instinct ou le lieu qui s'y prête mais j'ai l'impression qu'ils sont là et que je vais en rencontrer cette nuit. Ca fait un peu peur et ça donne en même temps envie d'en voir ! Aussi, une fois allongé, je récupère ma lampe avant et ma lampe arrière de vélo ainsi qu'un briquet que je met dans mon paquet de cigarette pour ne pas qu'il gèle et un peu de papiers déchiré sur la carte ainsi fin prêt pour allumer un feu au cas où, je sors les couteaux et pose mon vélo contre le bord du banc où je passerais la nuit pour faire comme une barrière.
La pleine Lune se lève, le cadre est franchement loufoque…, au milieu de la forêt et de la neige, sûr qu'il n'y a pas un humain à 20 km à la ronde ! La pleine Lune sera bien utile aussi pour l'éclairage, ça rassure.
Peu de temps après, je sors de mon demi sommeil suite à deux longs hurlements simultanés que je distingue bien et situe à peut-être 5 km et me rendors pour de bon.

Le 21, la journée d'hier figure déjà aux annales de l'aventure mais cette journée est cruciale, il faut passer ce col ! D'habitude en dormant sous des températures négatives je me réveille toutes les 2h et j'ai quelques crampes, mais cette fois-ci, protéger du vent et à l'abri ça a été supportable (il n'y a eu que deux réveils dans la nuit). Les sensations sont bonnes et je suis plein d'optimisme, j'adore cette sensation d'être perdu au milieu de nulle part, nulle angoisse, toujours la certitude que ça va passer, qu'il suffit juste d'avancer, bref rien de difficile…un pied devant l'autre.
Après avoir repris 10 km la route en vélo, celle-ci est bien fermée et avec un mètre de neige, je commence donc tantôt à porter le vélo tantôt à le laisser rouler à côté de moi ; au début ce n'est pas si facile de marcher et j'ai le droit à une petite chute (aïe encore la hanche), finalement après 5 km de marche environ je vois avec un petit soulagement de victoire que la route reprend et est à nouveau dégagée. Déjà. Je remonte donc sur le vélo mais aperçois une grande plaque de glace devant qui prend toute la largeur de la route sur une bonne vingtaine de mètres, j'aperçois aussi un derrière qui dépasse sur le bas côté, je crois à un renard et fait " hep ", bien sûr il ne me répond pas et prend la fuite, je pense à le prendre en photo, ralentis mais il a eu peur, mince, il s'arrêtera pas…mais si, il s'arrête à une centaine de mètre devant moi, je stoppe et sors alors l'appareil photo puis je me rends compte que c'est…un loup ! Deux !! Un autre vient aussi d'apparaître du bas côté de la route et s'en va rejoindre son compère, je prends alors une photo (tant que l'appareil est sorti), le 2ème a rejoins le 1er et ils sont à l'arrêt, je sais la photo ratée mais range l'appareil car dans un livre que j'ai lu, devant des animaux sauvages, quand on les croise il faut continuer à avancer, surtout pas reculer pour ne pas jouer le rôle de la proie et réveiller leur instinct de chasseur (s'arrêter et attendre qu'il s'en aille, normalement, s'ils sont en face, ce qui arrivera plus tard en Colombie Britannique avec un ours noir). Je reprends donc le vélo et me fais plus grand, en danseuse jusque la plaque de glace, pendant ce temps il faut observer aussi l'animal. Ceux-là ont l'air vraiment intelligents, on se sent vraiment observer par les loups, il y a une vraie stratégie dans leur déplacement, rien à voir avec les chiens mêmes sauvages, c'est impressionnant, cette rencontre est magique et frissonnante, incroyable. Quand un recule, l'autre m'observe et ainsi de suite deux fois, jusque l'orée du bois. Ensuite je passe tant bien que mal cette plaque de glace où je manque de tomber à plusieurs reprises.
Après ce passage gelé je n'aperçois plus les deux compères partis dans la forêt, je me remets en selle, surveille qu'il n'y ait pas une meute dans le coin, apparemment c'est deux là devaient boire au bord de la route, là où la neige est fondue. Je continue le pass à 3050 m (sommet des Burned Mountains, dans la chaîne des Rockies et au Nouveau Mexique) avec de petites montées et descentes encore pendant 5 km avant d'arriver à une big descente, tout schuss, pendant 20 km pour arriver à Tierra Amarilla sur les hauts plateaux arides du Nouveau Mexique à 2000 m environ. Fatigué je pense m'arrêter là pour aujourd'hui mais en fait il n'est même pas midi et après un ravito et 1h de repos, c'est repartis ! Quelle journée !
Je poursuis donc la route, très jolie, sur ces hauts plateaux entourés de montagnes aux sommets enneigés, contraste saisissant mais c'est un continent, les USA ! Après la traversée de la réserve indienne Jicarilla Apache (où j'ai encore le sentiment qu'ils se sont fait avoir), les terres sont pauvres et ils sont enfermés dans une réserve, clos, sans trop savoir quelle doit être leur identité, indienne ou moderne ? Puis la ville de Gobernador (où il n'y a rien) pour enfin m'arrêter, à la tombée de la nuit, au milieu de rien, mi-désert, mi-savane, à 1 km de la route sur un rocher (très friable) où je pose mon sac, mon vélo et fait dodo.

Le 22, au matin à 10h 30, après une très bonne nuit sur mon rocher, c'est une vache mécontente de me trouver là qui me réveille et n'arrête pas de faire " meuhhhhh ", elle a l'air un peu agressive, et cherche à protéger le reste du troupeau, comme si j'allais me faire un beef steak dès le am. Je range les affaires… puis prends le vélo et un bâton, car on ne sait jamais, finalement le gros de la troupe s'éloigne et la vache agressive aussi même si elle tourne la tête pour voir ce que je fais dans ma retraite vers la route. Après les loups, ce n'est quand même pas une vache qui va me faire peur !
La route n'est pas très bonne (trous…) et le désert et ses hauts plateaux commencent à être monotones (c'est loin d'être fini en fait).
Le soir je dors à Shiprock, à 1500 m d'altitude, dans une réserve indienne Navajo, où il n'y a rien de spécial, à côté de l'US postal.

Le 23, après une bonne nuit de sommeil je reprend la route, à faible allure avec le vent de face, et je rencontre un américain (le seul cycliste que je verrais entre la fin du Blue Ridge et la côte ouest !), y'a l'air sympa mais on discute peu,  il est parti de Seattle le 10 mars et souhaite aller jusque Washington, avec son vélo, un appareil photo reflex qui doit peser lourd par rapport à mon numérique (il s'applique et prend beaucoup de temps aussi pour faire ses photos), et une petite remorque, en faisant environ 100 km par jour, il est chanceux avec ce vent dans le dos, et après je lui dis que je retournerais bien en arrière avec lui, ahah. Il me dit avoir aussi rencontré un anglais qui fait le tour du monde pendant deux ans ce qui l'a beaucoup impressionné. Mais peut-on VRAIMENT faire le tour du monde, même en une vie ? Par exemple avec le tour en Europe, le Paris - Dakar et ce tour en Amérique ça fait presque 40.000 km soit déjà la distance d'un tour du monde France - Asie mineure - Chine - Australie - Amérique du nord ou du sud, alors qu'il reste encore plein d'endroits à voir ! Pour lui, c'est sa première longue rando ; je lui demande s'il est passé par Yosemite, il me répond que le parc était encore fermé début avril. Plus tard, un ranger dans la vallée de la mort me dira la même chose, je choisirais donc de d'abord passer par SF puis d'aller à Yosemite où le col par où je voulais passer sera encore fermé, vers la mi-mai.
Dans l'après-midi, le vent est de plus en plus fort plus la journée s'allonge, c'est toujours les hauts plateaux, cette étape est assez fatigante, j'arrive à Kayenta complètement fatigué car 40 km avant c'est une tempête de sable qui se lève, différente de celle que j'ai connu dans le Sahara où ça ressemblait comme à un orage ici c'est plus doux mais plus long. Ca n'en fini pas et le vent est de face, le bonnet et l'écharpe sont bien sûr de mise. Je suis à 20 km de Kayenta quand la nuit tombe, la moyenne fut basse ! Je pense à m'arrêter au bord de la route mais après 30' de réflexion je repars avec les lumières, trop faim !
J'arrive tant bien que mal à Kayenta, située dans une autre réserve indienne où la plupart des magasins sont fermés. Le soir je dors à côté d'un restaurant. Le matin ils ne viendront pas me réveiller, c'était la même chose la veille à l'US postal. C'est différent dans les réserves, ailleurs on se faisait remarquer pour que je m'en aille comme si je gênais, ici non, pourquoi ? Peut-être parce que la population est plus pauvre, peut-être les principes sont différents, peut-être sont-ils plus timides ? Le soir j'essaye de faire sécher tant bien que mal mes pieds car avec l'humidité, la neige, le sable et la chaleur ça fait comme une sensation de brûlure, c'est assez douloureux pour les appuis pour pédaler ! Aussi quand on me demande parfois si j'ai mal aux fesses à pédaler comme ça je réponds non mais assez souvent aux pieds, ce qui laisse les gens dans l'incompréhension et l'incrédulité même en expliquant.

Le 24, au matin, alors que je me prépare, un indien vient me demander 1$ pour un café que je lui donne, il est heureux et me remercie vivement. Le vent est encore de face ou un peu de côté, quelqu'un me dit que c'est parce qu'on est à 2000 m que j'ai du mal à prendre de l'oxygène et donc que je n'avance pas, dans la journée je me dis que peut-être il a raison, j'ai du mal à avancer…mais en fait plus loin, dans l'Arizona, lorsque je vais pour rejoindre la route 66 en direction du sud après le Grand Canyon et que le vent vient du nord, toujours à 2000m, avec une vitesse moyenne à 40 km/h je me dis que c'est pas l'altitude mais bien le vent qui me ralentit ! Et en général, mis à part, le 1er ou 2ème jour, j'ai de très bonnes sensations en vélo en altitude (ça me paraissait bizarre aussi).
L'après-midi, un autre indien viendra aussi me réclamer de l'argent mais là avec la fatigue je ne suis pas d'humeur, je lui explique (ce qui ne sert à rien) que je suis étranger et l'hospitalité veut que c'est lui qui devrait m'inviter… Je lui dis aussi que les Hommes sont tous pareils, quelques soient leurs couleurs de peau, ils veulent toujours plus d'argent. Après être rentré au store, il ressort et me dit en riant qu'il a fait un chèque, je me demande pourquoi les gens sont si stupides (ah oui, ce sont des Humains…les animaux sauvages ne demandent rien à personnes, ils chassent, se nourrissent vivent et meurent, il n'y a que les Humains pour s'embêter entre eux avec le matériel et embêter les autres espèces animales). Pire, dans mes pensées, si je donne tout mon argent alors faudra que je demande de l'argent, et si tous demandent de l'argent alors il faudra en revenir à tous s'entretuer et une fois que ceux qui ont de l'argent seront mort, alors à qui demander de l'argent ? Et qui fera de l'argent ? C'est un truc de fou qui n'en finira jamais, bref, les Hommes ne sont jamais satisfaits de ce qu'ils ont ! Si encore il me proposait des fruits ou quelque chose à boire, ce ne serait pas de refus…, je ne comprends pas tout ce cirque.
Le soir je m'arrête pour dormir dans le désert de l'Arizona à quelques pas des gorges du Little Colorado, la nuit est fraîche mais je me planque du bon côté d'une semi dune pour ne pas trop le ressentir, et la nuit est assez bonne.

Le 25, le vent est encore de face mais assez calme pour que ça roule bien, je suis d'abord plus ou moins les gorges du Little Colorado puis traverse une forêt (car on passe à plus de 2000 m mais il ne vaut mieux pas que ça brûle car ça mettrait sans aucun doute des années à repousser), encore une partie avec les hauts plateaux arides puis de nouveaux la forêt, sur environ 70 km, tout en longeant plus ou moins le Grand Canyon du Colorado (seulement sur 70 km alors qu'il dure sur environ 3000 km, c'est immense), la profondeur est d'1 km, on trouve donc, suivant l'altitude, 5 des 7 climats principaux dans le monde (subarctique, tropical, continental, désertique…), la roche est très friable et c'est pas étonnant qu'on se trouve ici entre 2000 et 2500 m puisque la profondeur est en moyenne de 1000 m et qu'on se trouve encore assez loin de la mer (le Colorado se jette dans le Pacifique, au Mexique).
Sur le Grand Canyon je téléphone heureux à la famille, dans une cabine, mais j'apprends le décès de la sœur de mon grand-père qui était aussi fan de mes aventures, de mes contes, et de mes photos, décidément à chaque voyage il se passe quelque chose (en Europe mes parents ont un grave accident de voiture, sur le Paris - Dakar c'est une cousine maternelle qui décède, et maintenant la sœur de mon grand-père, très gentille). Arrivé sur la route 66, je phone à mon grand-père, heureux que je lui apporte des nouvelles des Amériques.
Le soir je dors sans ennuis sur un banc, au milieu de la ville de la petite ville de Williams où je rejoins alors la route 66 pour en prendre une partie.

Le 26, je commence seulement à 12h45 à rouler après plusieurs coup de fils pour donner et avoir des nouvelles, je rencontre beaucoup de Harley sur la route mais il y en avait déjà pas mal avant (sur le Blue Ridge, le Nouveau Mexique, le Grand Canyon…). Souvent les " Harley " me saluent quand ils passent en face, c'est assez étonnant au début puis on s'habitue, le salut est mutuel, j'aime bien les motards, leur façon de voyager et de voir les choses, c'est un peu la même famille, comme avec les camionneurs (les trucks) et sans doute y a-t-il un respect mutuel. C'est assez différent avec les voitures et à mon étonnement aussi avec les camping-cars ou les RV (genre de bus mais pour particulier), d'ailleurs ces derniers conduisent assez mal et dépassent mal, comme s'ils conduisaient des voitures.
Entre Williams et Ash Fork, je prends aussi l'autoroute sur environ 40 km, seule route possible, c'est aussi la route 66, tout se passe bien sauf à la fin où je crève à cause de morceaux de verres perdus sur la bande d'arrêt d'urgence.
Sur la route le vent est encore assez de face, comme d'habitude, le soir j'arrive à Peach Springs, dans la réserve indienne Hualapai, au milieu de terres arides, et il n'y a pas grand-chose ni pour le ravito ni à voir, les maisons sont assez modernes, entourées d'un simple grillage, ça a l'air un peu morbide. La nuit je dors tranquille, dans cette petite ville paisible, près d'un centre social.

Le 27, le matin je pars vers 9h mais avec un vent dans le dos ! La vitesse est surprenante (35-40 km/h), c'est trop bon, toujours ces hauts plateaux arides ponctués de quelques montagnes éparses, avec une roche toujours très friable. Pour arriver à Kingman, les 80 km sont faits à une vitesse moyenne de 37 km/h ! Incroyable, qu'est-ce que c'est bon ce vent de dos ! Ca me laisse un peu d'espoir pour peut-être arriver à Las Vegas le soir ? Mais la route pour rejoindre Hoover Dam, sur le Colorado prend la direction du NO et je me retrouve avec un bon vent de face, de plus la chaleur est éprouvante, c'est une deux fois deux voies, et je prends la shoulder (bande d'arrêt d'urgence), seule route conduisant à Las Vegas, j'y crève deux fois à cause de morceaux de verre encore, il n'y a rien d'autres sur 120 km entre Kingman et Hoover Dam, heureusement il y a tout de même un ravito où des américains me demandent ironiquement si j'ai pas trop chaud avec mon écharpe, je leur répond avec la fatigue que si je n'avais pas cette écharpe l'air est chaud, que ça brûle les poumons, la gorge et que si j'avais pas des manches longues le soleil brûlerait la peau ! Bien sûr ils n'ont jamais fait 10h de vélo sous 30-40°, sans avoir l'occasion de trouver des ravito à convenance, ils sont surpris de ma réaction puis comprennent lorsque je leur fais le rapport avec les gens qui vivent dans le désert, les nomades berbères ou touaregs où seuls les yeux passent, les tempêtes de sables existent aussi aux USA !
Un moment je pense rester pour dormir à Hoover Dam, mais en réfléchissant je me dis que ce serait mieux d'arriver pour la nuit à Las Vegas. Je n'aurais pas tord car l'ambiance est de fête le soir ente 23h et 2h pendant que je visite Las Vegas, le lendemain matin tout est très calme !
La route se poursuit donc vers Las Vegas, normalement ça devrait le faire avant la tombée de la nuit mais j'ai juste une crevaison à 25 km avant, résigné, je ne me presse pas, installe les lumières, et finirais ainsi les 25 derniers km, avec une vue de loin sur Las Vegas by night, en suivant encore la shoulder de la seule route (autoroute)  entre Hoover Dam et Las Vegas.
Le soir vers 23h j'arrive donc dans ce parc d'attraction pour adulte, il y a surtout une rue principale avec presque tous les casinos, il y a un monde fou ! Je m'amuse tantôt à rouler sur le vélo tantôt à marcher à pied, j'ai vraiment l'impression d'être sur une autre planète et d'être, avec ce trip, dans un autre monde, c'est le Paradoxe, incroyable…La nuit, vers 2h, fatigué, je m'endors dans les jardins du dernier hôtel/casino de cette rue, le Mandalay Bay (à côté de celui avec la pyramide et les sphinx), fatigué et heureux de cette folle journée.



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Chronique 5 : de Las Vegas à San Francisco


" La Death Valley et la chaleur californienne… "
(1.284 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/HimiJQAMBoEHZcNe6

28/04, Las Vegas - 15kms avant Death Valley Junction, 172 km
29/04, 15kms avant la Death Valley Junction - Panamut Springs, 137 km
30/04, Panamut Springs - intersection entre les routes 178W et 14, 158 km
01/05, intersection 178W et 14 - Greenacres, 164 km
02/05, Greenacres - Morro Bay, 208 km
03/05, Morro Bay - 15kms après Big Sur, 170 km
04/05, 15kms après Big Sur - 20 kms après Santa Cruz, 150 km
05/05, 20kms après Santa Cruz - San Francisco, 125 km
06-09/05, quatre bons jours de repos à SF !

Le 28, la nuit fut courte au Mandalay Bay car je suis réveillé par la mise en marche à 5h des jets d'eau, pour arroser la pelouse, il faut donc vite bouger pour éviter d'être arrosé… quoiqu'une petite douche serait la bienvenue. Ici à Las Vegas il y a beaucoup d'arrosage pour les palmiers, pelouses… car la ville n'est entourée que de désert !
Aux USA, la nuit tombe assez vite, entre 19h30 et 20h30 suivant l'endroit où je me trouve par rapport au fuseau horaire, c'est l'heure du Soleil ici, contrairement en France où en été on a deux heures d'avance sur le soleil (il ne fait nuit qu'à 22h environ à la mi-juin) et où en hiver on reste encore en avance d'une heure par rapport au Soleil (c'est pour cela que des psy disent que les français vont mal ou ont du mal à dormir, s'il faisait nuit plus tôt, 20h en été, il y aurait d'après eux moins de problèmes, perso je préfère les longues soirées d'été pour les barbecues, c'est plus amusant). Aussi ce matin à Las Vegas, à 5h il fait déjà jour !
Je vais prendre un café dans un fast-food. Aux USA, tout est drive, le fast-food, la poste pour déposer les lettres et colis, les banques et les distributeurs… On a presque plus besoin de descendre de sa voiture la plupart du temps. Il n'y a pas trop d'exercices donc. Cependant c'est à partir de Las Vegas et donc du Nevada que réapparaissent les silhouettes féminines agréables et plus jolies que dans les territoires précédents. Ce sera ainsi jusqu'au retour à Montréal.
Bref, le matin le départ est difficile, est-ce la fatigue, la chaleur, le retour dans le désert, une trop grande distance la veille ? C'est dur, avec une impression difficile d'avancer. Jamais je n'ai de courbatures musculaires quand je reprends la route, parfois des sensations de fatigue mais j'observe qu'il faut souvent le matin environ 2h de vélo pour retrouver des sensations correctes, même si le matin il arrive souvent de faire 50 ou 60 km sans rien avoir pris à manger ou à boire. L'entraînement sans doute de rouler presque quotidiennement en France, pour le travail, même des petites distances (10-25 km le matin et idem le soir pour aller travailler) doivent suffire à fournir cette habitude, importante.
La veille j'avais regardais dans les pages jaunes pour un magasin de vélo que je trouve le matin, pour y acheter des chambres à air et un pneu, ici le type n'est pas très aimable, comme c'est déjà arriver dans le centre-sud des USA (ce sera en général différent ailleurs). D'ailleurs à Taos, après avoir mangé dans un fast-food, à la sortie un type d'origine italienne n'était pas content de l'endroit où j'avais posé mon vélo ; comme à chaque fois que je rencontre des énervés, je fais mine de ne pas comprendre, mais alors que d'habitude ça les calme celui-ci commence à m'insulter en anglais, je commence alors à m'énerver (pour un vélo qui lui plaît pas !) et fais allusion au coup de tête de Zidane en final de la coupe du monde en 2006 et que les italiens ne savent pas jouer au foot, ça l'a surexcité, j'étais presque mort de rire quand il m'a dit qu'il voulait appeler la police pour un vélo qu'il trouvait mal garé ! Ensuite je passe mon chemin pour continuer ma route, surexcité il remonte dans sa voiture et fait mine de vouloir m'écraser avec sa 4x4 en arrivant par derrière, fatigué de ce bonhomme je sors l'appareil photo pour le prendre en photo ainsi que sa plaque (réflexe du au souvenir d'un accident de la voie publique quand j'habitais à Bordeaux où un type a ouvert la portière de sa voiture et que je suis tombé à terre, plus tard il n'avait pas reconnu…). Du coup, il embraye et s'enfuit avec sa 4x4 en trombe, ils sont vraiment bizarres ces italiens !
La montée en direction de Parhump fait environ 15 km, elle arrive de bonne heure et j'ai vraiment l'impression d'être usé, on passe de 700 m à Las Vegas à 1500 m. Ensuite on arrive encore sur des hauts plateaux désertiques, les sensations sont aussi meilleures, il n'y a pas beaucoup de village (en moyenne un tous les 80 km, parfois 120 ou 150 km sans rien). Bien sûr il fait beau et assez chaud. Les paysages sont très jolies, on se croirait sur la Lune, c'est bizarre, avant la formation des Rocheuses, il y avait la mer ici, c'est étrange toutes ces vallées désertiques entourées de montagnes arides. Dans ces contrées désertiques on trouve quand même des corbeaux, il y en a beaucoup aux USA et au Canada, dans toutes les contrées traversées et dans les villes, bien plus qu'en Europe et ici ils ne craignent pas les humains, aussi j'en trouve un  au milieu de nulle part sur un panneau stop, paradoxe évident et mauvais présage, stopper ici signifierait peut-être stopper pour toujours, ahahah, " corbeau de malheur " !
J'arrive aussi en Californie et proche de la vallée de la mort. Aussi comme dans le Sahara ou d'autres déserts, on comprend bien l'utilité de connaître le relief ou les dunes pour se diriger, presque toujours, lorsqu'il n'y a pas de routes, il faut suivre les vallée entre des montagnes ou entre des dunes, le but pour s'en sortir consiste à connaître l'endroit, souvent un petit cirque ou un enfoncement dans le relief, pour passer la dune ou le massif montagneux puis on retombe dans une autre vallée qui prend une direction et on continue ainsi son chemin. Par exemple, ici dans le Haut Quercy, pour aller de Dégagnac à Castelnau-la-Chapelle, si tout était désertique, il suffirait de suivre les ruisseaux (bien sûr asséchés) du Palazat puis ainsi de rejoindre celui du Céou. Encore pour aller de Toulouse à Bordeaux, il suffirait simplement de suivre la vallée désertique de la Garonne.
Le soir je dors très bien, au milieu de rien dans le désert, sans trop de fraîcheur car cette nuit il y a quelques nuages, ça faisait un moment qu'il n'y a pas eu d'aussi bonne nuit !

Le 29, la journée commence bien même si le ravito est rare et plus onéreux qu'à l'habitude (2 à 3 fois plus cher) car il y a peu de magasins (c'est le désert) et c'est un peu touristique (Death Valley national park). Le vent est d'abord de dos jusque Death Valley Village, sur les 70 premiers km, où il y a des touristes allemands, français et anglais. Pour y arriver je passe sur une route en travaux (ils refont le goudron), l'ouvrier est surpris de me voir et me demande ce que je fais là au milieu de rien et si je me suis pas perdu ! A la fin du XIXè s., deux expéditions ont eu lieu pour traverser ces contrées désertiques, une au nord et une au sud, seuls les membres de l'expédition passant au nord en sont ressortis indemnes, tous les membres de l'expédition passant au sud sont morts, j'imagine que c'est pourquoi cette vallée désertique s'appelle la Death Valley.
Après Valley Village, la route est reprise au cœur de cette Death Valley et de son parc (qui englobe deux autres vallées désertes adjacentes), mais seulement pendant 40 km, l'air est lourd, il fait chaud, le vent est un peu plus fort et de côté ce qui est gênant. Par chance, le petit village d'après possède un magasin d'ouvert, j'en profite pour m'y reposer, acheter à boire (car sur 40 km j'ai déjà bu 2L sur les 4L en réserve). Je décide donc d'attendre 17h pour repartir, je me pose à l'arrière de la boutique pour normalement être protégé du vent mais celui-ci se lève encore et ça tournoie dans tous les sens, nulle part on est à l'abri, la sensation de soif est toujours grande, bonnet et écharpe sont de rigueur, je comprends mieux l'enfer qu'on du vivre les expéditionnaires disparus à jamais. Une tempête de sable vient de se mettre en route, une heure après être arrivé dans ce petit village avant le village de Panamit Springs. J'attends patiemment et récupère des forces, je discute aussi avec deux touristes polonais qui sont heureux quand je leur dis que c'est bien que la Pologne soit membre de l'UE, ils aiment l'Europe tout autant que moi !
A 17h je reprends la route, il est temps de sortir de cet enfer et il faut au moins arriver à Panamit Springs situé après une montée, dans la vallée suivante. La Death Valley est une " erreur " de la Nature, c'est une vallée désertique située à - 86m sous le niveau de la mer alors que les sommets alentours sont entre 1500 et 3000 m ! Du jamais vu, normalement en montagne, partout j'ai pu constater que quand les sommets sont à environ 1500 m la vallée est à environ 500-750 m et quand les sommets sont à 3000 m alors la vallée est à environ 1500-2000 m d'altitude. Ici la vallée est à - 86 m ! C'est un ancien lac salé qui est resté enfermé puis s'est asséché lorsque la mer s'est retirée progressivement lors de la formation des Rocheuses (j'en rencontrerais d'autres, plus tard, en remontant par le nord de la Californie et l'Oregon).
Cette montée est donc prodigieusement longue, le vent est de face à environ 70-80 km/h, un peu plus frais, mais c'est toujours aussi dur car la tempête ne s'est que trop peu calmée et le terrain est bien sûr bien dégagé, aussi la vitesse est très lente (entre 5 et 10 km/h) et la montée n'en fini pas. C'est un record, du jamais vu jusqu'ici, 27 km de montée pendant 3h ! Sur cette montée quasiment tout le monde s'inquiète de mon sort, les camping-cars, RV, voitures…s'arrêtent pour me demander si tout va bien et si j'ai besoin de quelque chose, les américains sont vraiment très sympas et avenants, à chaque fois je réponds que ça va, c'est le vent qui me fait aller de droite à gauche, à cause des rafales… et j'utilise aussi cette technique comme en planche à voile, quand le vent vous arrive de face, pour mieux avancer (ça marche un peu).
Après avoir encore mangé un peu de sable, malgré l'écharpe, j'arrive au sommet vers 20h30, la nuit tombe, j'en profite pour faire une pause et mettre les lumières, un groupe de quatre Harley me dépassent puis font demi-tour, c'est difficile en moto car il n'y a pas de marche arrière et ils me disent " Eh Man, it's OK ? ", je réponds que oui, je prends juste un ravito et repars faire la descente avec les lumières et les remercie vivement pour cette attention. Après avoir entendu deux hurlements, peut-être des coyotes, une 4x4 arrive en face puis fait demi-tour, difficilement, et c'est même dangereux car la route n'est pas très large et on est ici à presque 2000 m, c'est un français, Gilles, ancien policier de la route, qui est venu passer quelques temps aux USA pour faire du tourisme, il propose de m'amener à Panamit Valley, j'hésite et refuse d'abord plusieurs fois sa proposition (il ne reste plus que la descente à faire…), il insiste un peu et je dis finalement OK, ce sera aussi l'occasion de parler un peu plus tranquillement et une invitation d'un français, si loin de la France, peut-elle se refuser ? Il me dit que je suis dingue et qu'il n'y a qu'un français pour faire ça, et que si c'était son fils il préférait me voir en " sécurité ", il a déjà longé toute la côte ouest de SF à Portland où il me dit que la vallée de la Columbia river est magnifique, puis comme la location de la voiture n'est pas trop cher ainsi que l'essence, il en profite pour venir ici sur la Death Valley avant de repartir à SF, il aurait bien aimé passer par le mont Rushmore et les Black Hills mais c'est un peu loin.
Arrivé à Panamit Valley, il me dépose et je le remercie bien, le store de la station essence est fermé, je vais donc dans l'obscurité me poser dans ce que je crois être un camping, n'importe où, fatigué et je m'endors comme un loir !

Le 30, après une très bonne nuit, à côté de drôles de fourmilières que j'observe un peu le matin, je prends un ravito bien mérité, puis discute avec le ranger du parc de la Death Valley qui me dit que les routes à Yosemite sont encore fermées. Je reprends ensuite la route, de bonne heure, pour passer un autre sommet et descendre dans une autre vallée que j'imaginais verdoyante car sur la carte il y a un lac… mais ce ne sera pas le cas, malheureusement.
Panamit Valley est située à environ 700 m ce qui est normal et le sommet est bien franchi, après 15 km de montée, s'ensuit une bonne descente, j'adore ces sensations en descente sur bien 10 km jusque la vallée d'Owens où il y a le lac d'Owens mais en fait c'est encore le désert ! Le lac est presque asséché, des dunes de sel et de sable, mais on est à 1100 m d'altitude dans cette vallée ce qui est raisonnable et il fait donc moins chaud, ce n'est pas une cuvette qui se transforme en four.
Après un ravito à Olancha, proche du lac et de ses dunes, je poursuis la route pendant que le vent se lève à nouveau, toujours de face. Les polonais me croisent à nouveau, en voiture, ils sont heureux de me voir mais je suis un peu éméché avec la fatigue et la chaleur, il me propose donc un peu d'eau. Le soir je m'endors tant bien que mal sur le côté d'une dune avant de passer un autre sommet pour rejoindre Sequoia Parc où il y a normalement de la forêt, le vent s'est de nouveau bien levé et avec lui le sable s'envole.

Le 1er mai 2008, fête du travail en France mais pas par ici où c'est un jour comme les autres. La journée commence comme d'habitude avec le vent de face et la montée prévue sur environ 10 km, au sommet on y trouve de plus en plus de végétation dont des cactus aux drôles de fleurs. Les 30 premiers km sont fait à l'arrache, sans avoir pu trouver de ravito la veille et sans rien dans le ventre, puis ça va un peu mieux, une fois dans la forêt de séquoia que je traverse en partie, par le sud.
Après le sommet il y a une longue descente qui me ramène de 1500 m à 115 m ! La route 178 est très jolie, mais on trouve qu'une petite vallée avec tout de même un peu d'herbe (ça fait du bien d'en revoir) mais ça reste encore très désertique une fois sorti des très jolies gorges de la vallée du Kern qui amène dans la San Joaquin Valley (c'est la suite de la vallée de Sacramento qui est située plus au nord, à elle deux elles traversent le centre de la Californie, dans sa longueur).
Le soir je m'arrête quand la nuit est assez avancée pour dormir dans la banlieue de Bakersfield, à Greenacres.

Le 02, la nuit a vraiment été très bonne (de 23h à 6h) sans interruption, ça fait du bien de récupérer. Toujours ce bon vieux vent de face d'abord faible le matin puis de plus en plus fort. La Joaquin Valley est très souvent irriguée (pour les pommes, les vignes…) sinon ce ne serait qu'un désert de plus. Je décide aussi de changer de route et de rallonger de 50 km pour ne pas rester dans cette vallée assez désertique mais pour rejoindre au plus vite la côte pacifique.
Après avoir passé les Coast Range, je retrouve des collines plus ou moins verdoyantes, avec tout un dégradé de vert, en passant du jaune au vert clair voir assez foncé, suivant l'orientation au soleil et au vent, et donc aux zones plus ou moins humides. C'est magnifique et ça fait si longtemps que le vert redevient alors une de mes couleurs préférées !
Arrivé à l'approche de Morro Bay, ça se refroidit  assez bien et quelques gros nuages font leur apparition mais on ne va pas se plaindre ! Dans les villes de Californie il ne semble pas vraiment y avoir de communautés, il y en a mais c'est bien moins marqué que dans les autres Etats déjà traversés, la société semble plus cosmopolite et je peux voir des enfants blancs jouer avec des enfants noirs et hispaniques, c'est soulageant.
L'arrivée sur le Pacifique restera assez magique, avec l'apparition du rocher de Morro Bay au loin et la vue sur l'océan ainsi qu'un joli couché de soleil. Le soir je continu de longer la côte, dans la nuit, tantôt à pieds, tantôt en vélo, jusqu'à une plage de sable fin où je m'installe en contrebas, afin d'y passer la nuit, en écoutant le roulement des vagues.

Le 03, le réveil se fait assez de bonnes heures et vers 7h je suis prêt à partir, des surfeurs sont venus voir si les vagues étaient bonnes et scrutent l'horizon comme dans l'attente de voir apparaître quelque chose. Ici le temps a changé, la brume est présente et la visibilité assez faible, le soleil reste absent et il fait assez froid et frais mais vers 12h ça se découvre, le vent est comme d'habitude, plutôt faible le matin puis plus fort l'après-midi, il vient plutôt de l'O-NO aussi en cas de rando en Alaska et sur le Yukon, j'imagine qu'il risque d'être souvent de face…
Je ne regrette pas le changement d'itinéraire, la route 1 est vraiment jolie, elle a été construite à partir de 1929 et longe presque en totalité la côte californienne, il y a beaucoup de fleurs sauvages en bord de route, beaucoup de couleurs (rose, violet, jaune, rouge, bleu) et aussi d'odeurs.
Le soir, le dodo se passe près d'une barrière, à l'écart de la route, car aussi ici il y a assez souvent des clôtures sur la droite et la gauche de la route. La nuit est tranquille sauf que vers 1h un type arrive avec une Dodge et manque de me passer dessus, il ne dit mot, ouvre la barrière électrique et repart sur les collines par la piste, bizarre, de là où je suis on ne voit aucun bâtiment. Ensuite le ciel se couvre bien et il tombe de très fines gouttelettes d'eau mais pas assez pour être trempées.

Le 04, au matin de petits lapinous qui faisaient du bruit la nuit se montrent et tournent autour de moi sans faire attention, je suis encore endormi et sans bouger, c'est un peu comme dans la belle au bois dormant ou blanche neige !
Le ciel reste bien couvert, ça arrive souvent sur la côte pacifique que ce soit en Californie, en Oregon, dans l'Etat de Washington ou en Colombie Britannique, c'est pourquoi le Golden Gate est souvent dans la brume, mais comme souvent au bord de l'océan le temps peut changer rapidement (comme en montagne) et puis la dernière pluie date de l'Oklahoma (c'était même de la neige, lors du passage au Nouveau Mexique). Le vent vient encore de l'O et du NO, il faudra attendre 16h pour que le soleil fasse son apparition.
La Californie est plus cosmopolite, ça fait plus européen aussi comme disait mon frère d'un point de vue architecture suite à son retour d'un voyage à SF il y a déjà presque 15 ans. On trouve aussi beaucoup de vielles voitures des années 30 aux années 80, qui on été retapées par des collectionneurs ou des particuliers.
Le paysage le long de la route 1 est toujours aussi joli, ponctué par de nombreuses baies avec leur creek où on s'attend parfois à voir un bateau pirate entrain de mouiller un peu plus au large, c'est le Pacifique !
Avant et après Santa Cruz, je suis sur environ 20 km une piste cyclable assez bien entretenue, c'est aussi la 1ère piste depuis que je suis parti de Montréal, ça rappelle aussi l'Europe (Allemagne, Pays-Bas, Danemark, Finlande, Suède, Autriche notamment). Il y a aussi beaucoup de motards, bien plus qu'à New York ; Santa Cruz est une assez jolie ville, on se croirait presque du côté de la côte d'Azur ou dans une des stations balnéaires de l'Atlantique en France.
Le soir, avant la tombée de la nuit je m'arrête en bord de route, avec une jolie vue sur la mer et sur le couché du soleil, la nuit se passe encore très bien avec le bruit des vagues en guise de berceuse.

Le 05, la nuit a été excellente, et la journée s'annonce superbe, même si le temps est bof, il ne reste qu'une bonne centaine de km pour SF avant de rejoindre Marie-Jeanne et Dominique, des amis de mes parents qui ont bien voulu me recevoir pour un temps x à SF. Je suis pressé de les revoir aussi, ils sont super gentils et tiennent une boulangerie-pâtisserie miam miam, ça n'existe pas ici aux USA (d'ailleurs même en Europe, on en retrouve surtout en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, après…).
Je finis donc de longer la côte pacifique toujours bien escarpée, par la très jolie route 1, et même le vent vient du SO et donc dans le dos ! Jusque 20 km avant SF tout va bien après ça se complique ma carte n'indique rien d'autres que l'autoroute pour entrer dans SF (sans doute est-il autorisé) mais j'essaye d'y aller par les petites routes simplement en continuant de longer la côte.
Sur la route avant SF je rencontre un américain de San Diego, je le dépasse (il est bien chargé) puis on se retrouve car je cherche la route (pas l'autoroute), lui il a une carte bien détaillée, on reste donc ensemble pour rentrer dans SF où on fait un petit tour, il trouve bizarre que le fait de voir autant de fils électriques et téléphoniques me fassent rire, il y en a partout aux USA ! Il est parti de San Diego et s'arrête à SF voir des amis, une fois qu'il leur a téléphoné (je lui garde son vélo avec ses sacoches), on se sépare, il devrait aller ensuite jusque Vancouver en restant sur la route 1. Depuis Morro Bay, j'ai retrouvé pas mal de cyclos sur les routes un seul entre la fin du massif du Blue Ridge et Morro Bay !
Je continue en vélo un petit tour de la ville par l'embarcadère, le Golden Gate et Alcatraz, il y a aussi de jolies maisons en bois dans un style victorien puis je m'arrête un moment pour manger avant d'aller voir mes amis de SF.
SF est une très jolie ville, sur plusieurs collines au bord de la baie de SF, c'est beaucoup plus joli que NYC où il n'y a que des buildings et où on ne voit plus le soleil après 16h en avril, où il y a de la circulation à tout va… SF a vraiment l'air cosmopolite, et même s'il y a des " quartiers " japonais ou chinois ou hispanique, tout le monde va chez l'un et chez l'autre (contrairement à ce que j'ai pu ressentir sur la côte est).

Le 06, après une bonne toilette et le rasage, je pars faire une petite balade à pied dans SF, le centre avec les buildings, encore un peu l'embarcadère puis chinatown.

Le 07 et le 08, encore deux autres jours de repos à SF, le matin je prends le petit déjeuner à la pâtisserie Delanghe, avec le petit café. Puis avec Marie-Jeanne, on va à AAA où elle est membre pour prendre des cartes du reste du parcours des USA ainsi que du Canada et de l'Alaska pour organiser la suite du voyage et voir si c'est possible ou non d'aller jusqu'en Alaska, je passe deux jours à SF à étudier les cartes et à faire l'itinéraire, et malheureusement les distances sont trop élevées pour aller jusqu'en Alaska, ce sera donc pour une autre fois peut-être…

Le 09, je suis levé de bonne heure à 7h30 pour faire un bon tour à pieds dans SF, je reviens en début d'après-midi à la pâtisserie après environ 15 km de marche (embarcadère, Golden Gate qui n'est pas dans la brume cette fois, palais de la Légion sur l'art européen, parcs…). Décidément, SF est une ville que j'aime beaucoup, j'y reviendrais sans doute plusieurs fois si c'est encore possible ! Je vais aussi chez un barber shop, dans le quartier chinois pour me faire couper les chevaux (la 1ère fois qu'on me le fait depuis 12 ans, d'habitude je le fais moi-même), c'est mieux court pour la sueur…, on est moins gêné et moins ébouriffé le matin !


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Chronique 6 : de San Francisco à Visctoria (Vancouver Island)


" Forêts et montagnes de Yosemite, déserts de Californie et d'Oregon,
neige des Monts Cascades, et pluie de la Columbia river à la côte Pacifique… "
(2.368 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/U6qySw6kVzoi9xqp7

10/05, San Francisco - Patterson Pass, 89 km
11/05, Patterson Pass - Mariposa, 209 km
12/05, Mariposa - Crane Flat Station, 112 km
13/05, Crane Flat Station - Jackson, 175 km
14/05, Jackson - Woodrock, 96 km
15/05, Woodrock - Calpine, 176 km
16/05, Calpine - 15kms après Standish, 187 km
17/05, 15kms après Standish - 12kms après Alturos, 154 km
18/05, 12kms après Alturos - Silver Lake, 236 km
19/05, Silver Lake - 10kms après Redmond, sur Crooked river, 184 km
20/05, 10kms après Redmond - Hood River, 196 km
21/05, Hood River - Scappoose, 145 km
22/05, Scappoose - South Bend, 203 km
23/05, South Bend - Quilcene, 206 km

Le 10, le réveil se fait à 10h30, puis petit déjeuner à la boulangerie et retour vers l'embarcadère où je ne prends le ferry qu'à 15h 30, après 2h d'attente (pas très au point leurs horaires), pour 6 $ je rejoins l'autre côté de la baie car le Bay Bridge est interdit aux vélo (un moment je suis tenté de le prendre, mais bon, là aussi). Le temps est très beau, le vent vient toujours de l'ouest, dans le dos cette fois car je rejoins Yosemite.
Le soir je dors sur Patterson Pass, à un peu plus de 500 m d'altitude seulement, sur les Coast Range, après Livermore, petite ville qui a un style mexicain. La nuit, le temps devient critique et même du bon côté de la colline par rapport au vent il fait très froid, il y a beaucoup de brume et d'humidité mais le vent est tellement fort que les gouttes qui tombent ne font que me frôler, la nuit est dure, ça change des jours passés dans un bon lit à SF ! Je suis dans les nuages, ce sont des nuages bas et c'est cette humidité-brouillard qui rend les choses un peu frileuses. Le temps est fou aux USA, beaucoup de variations, souvent vers les extrêmes.

Le 11, après cette nuit de folie, toute les collines sont entourées de brume, fatigué par ce vent et ce froid je préfère attendre que ça se dissipe et essaye de retrouver le sommeil mais ça ne vient pas et ça ne se dissipe pas. Je décide donc de continuer, s'il y a de la brume ici peut-être n'y en n'a-t-il pas dans la vallée ?
La descente se fait avec un fort vent dans le dos (de l'ouest) à vive allure, le temps se dégage à l'arrivée dans la San Joaquin Valley. Sur la route avant Merced alors que je roule à 30 km/h, un hispanique dans son 4x4, dans le fauteuil passager me lance une canette presque pleine de coca, manque de chance (pour lui), la canette passe juste devant moi, entre le haut de ma roue avant et mon visage. Je n'arrive pas à comprendre ça ! Bien sûr il ne s'arrête pas, la lâcheté humaine, cependant nul énervement, surpris par ce geste mais, comme si c'était un animal sauvage (l'Homme est sans doute plus sauvage que les animaux que l'on dit sauvage), je garde le sang froid et prend la chose résigné, devant la stupidité humaine (l'Homme est capable du meilleure comme du pire, ses réactions sont imprévisibles alors que les animaux dit sauvages ont des réactions par rapport à notre comportement, s'ils attaquent c'est à cause d'une erreur de notre part surtout…).
Je commence le soir à arriver vers Yosemite, je m'arrête un peu avant, à Mariposa, le paysage est de plus en plus vallonné avant d'entamer de nouveau la montagne des Rocheuses, le terrain est aussi un mélange de sable et de terre, avec un peu d'herbe de couleur jaunâtre à verdâtre. Mariposa est un peu touristique, c'est une ancienne ville fondée par des chercheurs d'or (il y avait des mines d'or autrefois), aussi le soir je m'endors pour une bonne nuit sur le balcon de la maison en bois du musée de Mariposa.

Le 12, le départ a lieu seulement vers 10h30 après une excellente nuit, pourtant il fait jour vers 5h30 mais je n'arrive toujours pas à prendre cette habitude de partir à cette heure là sauf quelque fois, et je reste toujours avec un décalage horaire comme en France. La route est jolie à travers la forêt Stanislaus et elle commence par une montée de 15 km, avec un long faux plat en remontant la Merced river.
Arrivé à l'entrée de Yosemite Park, il faut payer 10 $ pour rester une semaine, c'est assez raisonnable (ici il n'y a pas beaucoup de monuments intéressants où l'Etat peut gagner de l'argent par des visites, la plupart des parcs nationaux sont donc payants, pour le Grand Canyon, le parc national appartient aux indiens mais c'est 10 $ par jour !).
La route est toujours jolie mais il y a beaucoup de monde, il y a de très nombreuses cascades et sûrement de nombreuses cavités aussi à explorer, ça doit être intéressant de randonner dans ces montagnes, beaucoup de circulation et de cars, la route continue de serpenter le long de la Merced river jusque Yosemite Falls et Mirror Lake, puis il faut refaire demi-tour sur environ 15 km par la même route (impasse sauf à continuer par un trek). Les parcs ont comme point négatif d'être surpeuplés souvent par les touristes (comme dans les parcs nationaux du Grand Canyon, de Jasper, de Banff, de Yellowstone), il y a donc beaucoup de monde et on peut difficilement profiter de la nature. Cependant ils ont un fort côté positif, grâce à cet amas de personnes dans la même zone, les territoires adjacents aux parcs sont souvent ignorés et inintéressants pour les touristes ; aussi, la réglementation des parcs en faveur de la préservation et de la protection de la faune et de la flore permet de les retrouver dans ces territoires adjacents et donc d'en profiter aussi bien avant d'entrer dans un parc (les animaux et la flore ne connaissent pas de limites territoriales). En vélo ou à pieds, on peut donc en profiter pleinement, avant de se retrouver parmi bon nombre de touristes qui restent plusieurs jours dans les parcs mais pas à l'extérieur de ceux-ci.
Toue la vallée à Yosemite est très jolie, le paysage est féerique, il y avait là un ancien glacier et c'est de ces montagnes que SF tire la plupart de son eau potable car il y a un grand aqueduc qui se sert de l'eau de deux lacs où il est interdit d'y nager, d'y pêcher et d'y faire du bateau (l'aqueduc fait presque 500 km).
Une fois la route principale rejointe je repars en direction du NO, la route passant par un col dans les Rocheuses, à 3000 m, est encore fermée à cause de l'enneigement et on me dit qu'elle est fermée sur 70 km (le matériel avec lequel je me promène n'est pas vraiment prévu pour faire une si grande distance sur la neige mais j'ai un peu hésité quand même). Je continue donc la route pour passer par un autre sommet à seulement 1900 m (dans la vallée, à Yosemite, on est environ à 1000 m d'altitude), pendant la montée on a une vue magnifique sur la vallée ou plutôt les gorges de Merced river, et une très belle vue sur Yosemite avec ses cascades, un très beau tableau ! Je m'arrête à Crane Flat Station où il y a un campground, il est fermé et encore enneigé, je trouve aussi des traces d'ours, il n'y a rien d'autres qu'une station essence où je décide donc de dormir, je suis seul et j'ai encore le sentiment d'être en présence d'ours, je dors donc sur la cuve de propane, c'est un peu atypique mais la nuit est bonne même si elle est fraîche (il faudra prévoir pour d'autre rando plus en immersion, du genre sur le Yukon ou en Altaï…, si cela se produit, d'avoir une toile de tente et/ou aussi un hamac…).

Le 13, après être resté 1h à la station pour le ravito (où la dame donne même à manger aux corbeaux qui rentrent dans l'entrée du magasin), la route se poursuit bien avec une longue descente pendant les premiers 50 km (de 2000 à 600 m environ). Mais l'après-midi il commence à faire chaud cependant je garde encore le collant de cycliste car il devrait y avoir d'autres passages en montagne et les nuits restent assez fraîches.
La route 49 est petite et très jolie, serpentant entre les collines aux abords des Rocheuses, malheureusement il y a aussi beaucoup de circulation (globalement les routes en Californie sont comme en Europe, pas très larges). Comme il y avait un pass de fermé à Yosemite, je décide de ne pas passer par Yellowstone tout de suite car c'est aussi situé dans des sommets entre 2500-3000 m et de d'abord aller en direction de Vancouver.
Les routes sont fermées en hiver (" closed in winter ") mais c'est à croire que l'hiver dure plus longtemps par ici car on est déjà en mai ! Je pense encore à ce moment prendre l'avion à Calgary pour ensuite retourner à Montréal afin de faire un grand tour dans les provinces de Québec, Ontario, New Brunswick…
La nuit tombe de bonne heure (20h), j'essaye toujours de partir d'assez bonne heure (6h) mais ça reste difficile. Arrivé à Jackson, à la tombée de la nuit, je dors après un petit ravito près d'un magasin qui est à vendre ou à louer, donc non éclairé la nuit à l'extérieur, pour être plus tranquille.

Le 14, au matin, après une bonne nuit à Jackson, je vais préparer mes affaires puis je finis de boire un coup et fume une petite cigarette, tout en regardant le paysage, avant de prendre la route. Une voiture arrive par derrière, je n'y prête pas plus attention (car on est sur un parking public) et tout d'un coup j'entends une grosse voix s'élever derrière mon dos baragouinant quelque chose que je ne comprends pas, je me retourne et vois un flic (du nom d'Ortega, marqué sur son uniforme) sur les dents, une main pointée vers moi et une autre restée sur son revolver à sa ceinture, posément je dis " What " et il me répond toujours sur les dents " put out your hand of your pocket ", ah d'accord, effectivement ma main gauche est dans ma poche de pantalon alors que je fume avec la droite, je sors la main et avec l'autre les lève en l'air en les tournant avec une moue au visage montrant ainsi le ridicule de la situation. Il commence à se calmer et après les questions habituelles (où je viens, où je vais, pourquoi…), il contrôle le passeport, surpris en passant de voir que j'ai été en Mauritanie. Une fois qu'il a vu le vélo (qui était invisible de lui car derrière un petit bâtiment) et qu'il avait à faire à un français touriste en vadrouille, il a été beaucoup plus aimable, il me souhaite alors en français une bonne journée et un au revoir, je lui réponds un peu ironiquement (suite à la même voiture de police qui m'a filer en Oklahoma) " perhaps later, on the road " (mais là je ne recroiserais pas trois fois la même voiture de police ni même une seule fois). Il faut dire que les nuits ne sont pas chaudes et le matin il fait un peu frais, aussi avec le pantalon large, le bonnet et l'écharpe, peut-être m'a-t-il pris sans doute pour un brigand ?
Le temps est bien beau aujourd'hui et il y a deux sommets à venir (à 2700 m) depuis Jackson qui est à 600 m, quelques encouragements aussi sur la route vers Carson pass, ça fait toujours plaisir. La route monte tranquillement à travers la forêt de l'Eldorado (car c'était une ancienne voie entre les mines d'or et d'Argent du Nevada et SF) pour passer encore le massif des Rocheuses (où ici la route, commerciale, est dégagée).
Vers 17h, je suis à 20km de Carson pass quand je trouve après 60 km en montagne un petit village de montagne et où je demande (à Phylis) s'il y a un magasin, on discute un peu ensemble et elle me propose de dormir chez elle, j'hésite car je pense encore avoir le temps de passer Carson pass et parce que j'ai très faim et soif (quand on est invité c'est difficile de se " goinfrer " pour récupérer les calories en manque, je refuse donc et vais au magasin qu'elle m'a indiqué, après avoir fait les courses…, je vois revenir Phylis qui est revenue me chercher et dis alors OK pour dormir chez elle, à 1 km du magasin. J'arrive chez eux où elle habite avec Ted, son mari, ils étaient de SF et, une fois en retraite, ils sont venus vivre ici, en montagne et au calme. Ca fait du bien de prendre une douche, on fait aussi quelques jeux de société et je montre les photos de voyages qu'ils trouvent jolies, bizarrement beaucoup d'américains n'ont jamais fait le tour des USA, comme beaucoup de canadiens n'ont pas fait de transcanadienne, et ils n'ont pas vu l'ensemble de leur pays, aussi Phylis et Ted, qui aiment bien les voyages, n'ont fait que la Californie, le Nevada, l'Oregon et d'autres contrées proches, rares sont les américains qui sont déjà venus en Europe.

Le 15, après une excellente nuit et un bon petit déjeuner je repars en direction de Tahoe après avoir enfin balancé le collant (il fait suffisamment chaud maintenant), Carson pass et Luter pass sont franchis sans problème, tous les deux à environ 2700 m d'altitude, la vue est très jolie sur les Rocheuses encore enneigées ponctuées de lacs de montagne encore en partie gelés, de forêts touffues et de jolies rivières.
Arrivé à Tahoe, je rachète un pneu puis je continu la route vers l'Oregon en longeant le lac Tahoe, c'est un endroit très touristique, entre la Californie et le Nevada, il y a aussi quelques pistes cyclables assez bonnes et jolies où on peut faire de la promenade.
Après la ville de Truckee, je croise Diana, une cycliste américaine qui parle un peu le français et avec qui je roule pendant 20 km. Elle est déjà venue trois fois en France pour aller skier dans les Alpes, infirmière très sympa, puis elle fait demi-tour (car il n'y a pas beaucoup de route pour faire un circuit) pour retourner à Truckee. Ensuite, dans une bonne descente à 50 km/h, je passe sur un bon trou, pas le temps de l'éviter et c'est une double crevaison ! Les routes ici…
Le soir je retrouve des plaines assez arides même s'il y a toujours par endroit de grandes forêts. D'ailleurs cette nuit je dors dans un coin de la forêt à 200 m de la route (où il n'y a presque pas de circulation). Les moustiques sont très virulents maintenant, comme en Suède ou en Finlande (et ce sera comme ça jusque la fin du voyage) et dès que je me suis arrêté je suis pris pour cible, aussi pour ne pas être piqué de partout je met le bonnet et l'écharpe ainsi que le pantalon (mais pas avec autant de précautions qu'en Afrique, ici il n'y a pas de paludisme alors les piqûres ne sont pas un vrai problème, je deviendrais même un pro de la chasse aux moustiques, en roulant j'arrive à en tuer quand ils se posent sur le guidon).

Le 16, au matin après une bonne nuit dans les bois sur les brindilles de sapins, il faut ranger les affaires au plus vite pour se mettre en route afin d'éviter les nombreuses attaques de nos amis les moustiques. Je pensais prendre la route qui passe par le parc Volcano-Lassen (un volcan éteint) mais le pass à 3000 m est là aussi encore fermé sur 20 miles à cause de la neige.
Je décide donc de laisser tomber la montagne pour prendre la route 395 et ce que je crois être une plaine fertile entre les Cascade Range et les Rocheuses n'est autre qu'une vallée désertique et aride. Il fait chaud, très chaud (environ 35°C), ce qui n'empêche pas l'irrigation aux heures les plus chaudes de l'après-midi (16h), de même je croise un type d'une quarantaine d'années avec son chien, son arc et son fusil ainsi qu'un sac à dos, en bord de route, au milieu de rien ! Ce serait bien de faire ce genre de trips à partir de la quarantaine.
Le soir après avoir encore passé quelques lacs presque totalement à sec, je dors dans le désert, c'est très plaisant dans ces lieux d'observer les étoiles ainsi que la Lune après qu'elle soit levée, le ciel est très clair. Le levé du Soleil est tout aussi splendide. Quel calme.

Le 17, après quelques problèmes de digestion à cause de la chaleur, je prend un cachet d'imodium (en voyage, j'en ai toujours 4 ou 5 pour les problèmes de diarrhée…) mais c'est rare d'en prendre, sur ce parcours c'est la 1ère fois (il y a aussi 4/5 cachets d'aspirine en cas de maux de tête aigue…mais je ne les ai encore jamais pris, aussi quelques pansements, et c'est tout ce que contient la boîte à pharmacie).
Les moustiques sont toujours très virulents, il n'y a que lorsqu'il pleut (très rare ici) ou entre 14 et 17h, aux heures les plus chaudes de la journée, que l'on est en paix. Dès que l'on s'arrête, pour une photo, regarder la carte…, on est pris en chasse.
Les paysages sont toujours aussi arides, ponctués parfois de terres irrigués. Le matin ainsi les 90 premiers km sans ravito et avec seulement 500mL sont bien délicats avec cette canicule, c'est quasi l'endormissement sur le vélo, je passe quelques hameaux mais tous déserts, fatigué je veux m'arrêter sur le banc d'un magasin fermé depuis longtemps vu son état, je tourne la tête en arrière, une voiture derrière, à moitié somnambule je devrais avoir le temps de franchir la route (large avec les shoulders), une fois sur la bande de gauche et la shoulder à gauche, je regarde derrière et…, oh surprise, la voiture se trouve à gauche ! Cette fois-ci ça a été juste ! Les américains ont tendance à toujours trop bien doubler et je l'avais oublié, aussi ils se décalent toujours à plus d'1m50 pour doubler un cyclo, quand il y a des shoulders, ça aurait sûrement passé mais le type a fait un méga dérapage pour virer et se remettre sur la bande de droite, tout en zigzagant, il a du avoir plus peur que moi ! Las, je vais, sans réaction, m'assoupir une bonne demi-heure, à l'ombre sur ce banc.
Plus loin, je trouve enfin un ravito, pour éviter que le mal de ventre perdure à cause de la sueur et du tee-shirt mouillé qui reste collé au ventre qui se refroidit…, je pose entre le cuissard et le tee-shirt mon bonnet, ça sert ainsi de tampon, j'avais oublié la veille de le faire alors que c'est courant en France ou dans les autres longs voyages que je fasse ça quand il y a de longues distances et de longues heures de rando.
Après une petite bosse où grâce à l'altitude quelques arbres survivent, je trouve un autre ravito où je reste un bon moment en compagnie de bikers entrant et sortant dans le saloon d'à côté, un peu éméchés avec l'alcool mais très aimables !
La terre reste bien sablonneuse, il fait une moyenne de 35°C sur des hauts plateaux arides pourtant situés à 1500 m d'altitude. Cependant les paysages restent jolis et les gens sont en général forts sympathiques.
Le soir je m'endors tranquille, à 50m de la route au sommet d'une butte et au bord d'une rivière, à une dizaine de kilomètres après la ville d'Alturas, entouré de buissons et de quelques arbustes, quel calme encore.

Le 18, après une nouvelle bonne nuit et un estomac qui se remet en place, le réveil se fait de bonne heure pour éviter la chaleur qui revient vers 9h30.
La région de Goss Lake est vraiment très jolie, c'est aussi un lac salé mais pas trop asséché. Arrivé dans la ville de Lake View je me repose jusque 13h car il fait chaud ! Je reprends aussi un 2ème imodium à cause des problèmes de ventre même si ça va mieux depuis que j'ai remis le bonnet en bonne place sur le ventre.
L'après-midi est longue, la route longe Summer Lake sur environ 120 km et la chaleur est toujours aussi forte, je fais une petite halte dans le petit village de Paisley dans un bar " historique " qui était resté ouvert au temps de la prohibition où je tombe sur trois sœurs extrêmement jolies...
Avec la fraîcheur du soir ça va beaucoup mieux, en un clin d'œil ! Beaucoup de rapaces par ici sur le flanc des collines qui entourent Summer Lake (qui est aussi un lac salé avec des dunes…, il y avait la mer ici). Sur la route j'ai pu aussi rencontrer quelques antilopes. Avant de passer un sommet et de reprendre la route pour Silver Lake le lendemain, je cherche un endroit pour dormir mais il y a beaucoup de sable et ça ne va pas, la pleine Lune est aussi présente, le ciel est clair et on  y voit presque comme de jour alors… pourquoi ne pas se faire plaisir, profiter de la fraîcheur de la nuit et se remettre en route ? Je décide donc d'aller jusque Silver Lake à 30 km avec les lumières même si je ne les allume que lorsqu'une voiture approche. Ici comme dans le Sahara le terrain est bien dégagé, avec la pleine Lune on voit suffisamment et on voit les voitures arriver au moins 5 km avant de les croiser. C'est donc très pratique et très plaisant de rouler la nuit dans ces conditions !
Arrivé dans la ville de Silver Lake, j'hésite à continuer mais la fatigue est tout de même là alors, après un petit tour nocturne dans la rue principale déserte pour repérer un petit magasin d'alimentation pour le lendemain, je décide de m'arrêter pour dormir à côté de l'US postal et d'une écurie où il y a trois chevaux qui s'interrogent sans doute quant à ma présence dans ces lieux.

Le 19, je me réveille d'assez bonne heure et attends que le seul magasin de Silver Lake (toujours un ancien lac salé) s'ouvre pour le ravito car après il y a environ 80 km sans rien. Je rencontre aussi un couple d'américains hispaniques qui trouvent mon voyage fantastique et m'encouragent, ce trajet aux USA a été très bon et je regrette déjà de quitter ce pays (à cette date je pense toujours reprendre l'avion à Calgary pour Montréal et ne croyais donc pas y revenir). Il fait encore beau aujourd'hui, un peu moins chaud et le bide va beaucoup mieux !
Après encore une partie plus ou moins désertique où il y a cependant quelques marécages avec des canards, des oiseaux, crapauds…, leurs chants sont jolis (impossible à entendre bien sûr en voiture), on traverse la forêt de Winsma où il y a quelques ours (pas croisés) mais le sol reste assez sablonneux (il ne faudrait pas non plus que cette forêt brûle). Puis c'est une longue route en direction de Madras et Redmond avec beaucoup de circulation et de trucks. A Bends, je demande des renseignements sur la direction à prendre, je tombe sur une très jolie fille aux yeux bleus magnifiques… Ensuite, la route se poursuit avec moins de voitures.
Le soir après avoir un peu hésité, je m'arrête finalement au bord des gorges de la Crooked river, l'endroit est très joli, à une centaine de mètres de la route, et la nuit fut encore très bonne.

Le 20, le temps est fort couvert au matin, je pars des gorges de Crooked river et me trompe de route (c'est dangereux de somnoler sur le vélo, ahahah), celle-ci passe par les montagnes et un sommet à 1200 m alors que j'avais prévu de continuer sur des hauts plateaux arides à 600 m. Je continue tout de même car ça fait déjà 30 km que je suis cette route, les paysages sont très jolis, au fur et à mesure que j'arrive vers les montagnes il se met à pleuviner puis à bien pleuvoir, c'est dommage pour les photos car la route qui remonte la montagne est magnifique, je rencontre un ranger, lorsque je tente de m'allumer une cigarette, qui m'encourage également ainsi que pas mal de voitures et quelques motards lors de l'ascension du sommet. Au fur et à mesure que j'arrive vers le haut la pluie s'intensifie et il se met même à neiger, brrrr, il ne faut pas rester là trop longtemps à l'arrêt, d'ailleurs il n'y a qu'un ravito dans une station essence au milieu de rien. C'est la première vraie pluie depuis la tempête de neige qui a eu lieu entre l'Oklahoma et le Nouveau Mexique, ça remonte donc à loin !
La route bifurque et il y a beaucoup de neige maintenant sur le sommet à 1200 m, dans les Hood Mountains (Cascades Range) où une rivière descend en cascadant, c'est la White river, je m'arrête pour prendre tout de même une photo, un automobiliste prend également rapidement une photo, en plaisantant je lui lance " It's the White river, and it's white ", ça le fait sourire et on se quitte pour ne pas geler. S'ensuit une descente vers la rivière Columbia, mes jambes sont glacées et je frissonne sans arrêt, c'est assez dur de freiner dans ces conditions là, une fois l'altitude plus basse c'est la pluie froide et la grêle qui tombent, encore dommage car les paysages sont grandioses ! Une fois arrivé dans la vallée de la Columbia river il y a quelques éclaircies parsemées d'arcs en ciel et de lourdes averses.
J'arrive finalement à Hood river, jolie petite ville au bord de la Columbia river, après avoir mis des vêtements secs sous les vêtements mouillés, tactique pour qu'avec la chaleur corporelle et le k-way, le lendemain, les vêtements mouillés soient à peu près secs et les vêtements secs un peu mouillés mais raisonnablement, ça marche pendant deux ou trois jours de pluie consécutives mais si ça dure une semaine ça devient plus dure, mais tant qu'on bouge, ça va pour ne pas attraper froid.
Après une petite balade en ville où il y a de vieux bâtiments en bois du XIXème siècle et où je rencontre deux blondes qui me disent " eh baby " pour me demander du feu pour allumer leur cigarette et me remercient par un " you welcome ", je repars au musée où je rencontre la dame qui fait la fermeture (elle me dit " I enjoy your trip ") et aussi un américain d'Alaska de seulement 20 ans qui a pris l'avion à Anchorage pour rejoindre le Montana d'où il est parti avec son vélo dans l'idée de rejoindre Los Angeles, mais il est très fatigué et se demande s'il a fait le bon choix, j'essaye de l'encourager tant que possible, on dort aussi au même endroit, il est chargé, avec ses sacs et quelques gros livres dont celui bien connu par le film d' " Into the wild ", il a en tout au moins 30 kg ! De son côté ça le fait rire de me voir dormir avec seulement un kway, un simple pantalon et comme couverture le couvre sac (du sac à dos) qui s'utilise contre la pluie. Le soir on dort donc sous le préau du balcon du musée, à l'abri du vent.
Cette journée a vraiment été incroyable, les conditions climatiques aux USA n'ont rien de tempéré comme en Europe. Ainsi dans la même journée, en Oregon, il y a eu les chaleurs sur un terrain aride et semi désertique, puis la pluie et la neige dans la montée des Hood Mountains, puis de la grêle et la pluie froide avec de jolis arcs en ciel en redescendant sur la vallée de la Columbia river en rejoignant la côte pacifique. Quel temps et quel plaisir !

Le 21, après une nuit assez bonne, le temps reste instable, l'alaskan dort encore quand je me réveille et suis prêt à partir, lui est vraiment très fatigué ! On se dit au revoir et j'essaye encore de l'encourager mais il a l'air à bout.
Je pensais rejoindre Seattle mais la dame du musée m'a dit la veille que la route était fermé, je décide aussi de traverser la Columbia river pour ne pas prendre l'autoroute (sur la rive gauche) mais la route (sur la rive droite), une fois arrivé au pont c'est un toll bridge et les vélo sont interdits, j'essaye de raisonner le type en disant que sinon c'est l'autoroute, il me répond en disant que c'est pas autorisé mais que l'autoroute l'est et il n'y a pas de bacs ! Finalement, rapidement, devant cette situation, le conducteur de la camionnette de derrière propose de me prendre pour passer ce pont, on discute ensemble et il me dit aussi que le col sur les Cascades Range est fermé, il me conseille de retourner du côté orientale des Cascades Range pour éviter les influences climatiques du Pacifique car dans les jours prochains la météo a prévu que de la pluie, c'est aussi quelqu'un qui aime beaucoup les voyages (sa camionnette est aménagée pour ça) et qui m'invitait à dormir chez des amis mais du côté orientale des Cascades Range, mais comme la veille je préfère continuer vers Portland et longer encore la Columbia river si cette route passant par les Cascades Range était bien fermée. Il me dépose après et je le remercie vivement pour sa gentillesse et ses infos.
Après ces petites péripéties matinales, le temps ne s'arrange effectivement pas et la pluie se met à bien tomber ; il y a aussi, contrairement à ce que je croyais, beaucoup de circulation sur cette petite route pas large, les paysages sont cependant très jolis et fantomatiques avec cette brume éparse qui se perd dans les gorges de la Columbia river, du coté de la rive droite je suis dans l'Etat de Washington (ce général, Georges Washington, était venu par ici combattre les anglais, de même qu'il les a combattu en Ontario et sur les différents grands lacs).
Vers 14h, ce n'est plus de la pluie mais de lourdes averses assez ponctuelles, je repasse un pont (voie expresse autorisée au vélo, il y a même des panneaux qui indiquent la shoulder comme la bike route) et retourne en Oregon, sur la rive gauche de la Columbia river, pour traverser la ville de Portland.
En fin de journée, je suis rejoins à la sortie de Portland par Chris, on fait un bout de chemin ensemble et il me propose de venir dormir chez lui à Scapoose. C'est quelqu'un de très gentil, tout de suite chez lui il me donne serviette, range le vélo, douche, à manger et à boire, ça se voit qu'il fait du vélo ! Il travaille comme ingénieur designer/fonderie dans la construction d'automobiles à Portland, à 20 km de chez lui. Il est passionné par la restauration de vielles voitures Volvo mais a aussi retapé un vieux tracteur, à lui seul, datant de 1939 (Volvo aussi), il faut environ 1000 heures pour retaper complètement une vielle voiture. Il est aussi passionné par la cuisine et, depuis les années 2000, il plante régulièrement des arbres fruitiers (c'est long à pousser) pour faire au mieux sa propre cuisine avec ses fruits et légumes de son potager (ce serait aussi un de mes rêves). L'Australie lui plaît beaucoup et on parle aussi un peu politique (Obama, McCain, Clinton) et du problème d'élire un noir/blanc… C'est une rencontre très intéressante !

Le 22, après une superbe nuit sur un très bon lit, Chris prépare le petit déjeuné, ensuite on se prépare, ce matin il va au boulot avec une Volvo retapée (une fois le vélo, une fois la Volvo).
Départ à 7h30, la route est jolie encore le long de la Columbia river mais il y a toujours trop de circulation. Le temps est encore à la pluie malheureusement, ça ne s'arrange pas en se rapprochant de l'océan Pacifique avec un vent plutôt de face, heureusement la forêt arrive pour s'en protéger, il fait assez froid (10°C), je finis par rejoindre le Pacifique puis par m'en écarter pour finir la journée à South Bend, ville fondée par des chercheurs d'or, il y a plus d'un siècle, elle a gardé un certain charme avec une jolie County House of Pacific. Je m'endors le soir près de la rade, un peu à l'abri du vent après avoir fait le tour de cette jolie petite ville.

Le 23, le départ se fait encore à 7h30, il pleuvine toujours plus ou moins fort avec un vent du NO, la route est encore jolie mais avec trop de circulation, il y a aussi de nombreuses industries pour le bois. Normalement c'est l'avant dernier jour aux USA… Le soir, je dors après une dernière averse à côté de l'US postal de Quilcene aux abords des Monts Olympiques de l'Etat de Washington.
En soirée je réfléchis aussi sur la suite du parcours et constate que ça devrait être bon pour faire Calgary - Montréal en vélo, en passant par les USA, avec le visa limité à trois mois, il resterait 20 jours (en fait à la frontière entre l'Alberta et le Montana, ils me rajouteront encore trois mois), si à la frontière ils ne veulent pas me laisser passer alors je repartirais pour faire une transcanadienne, même si les paysages risquent alors d'être plus monotones. Je préférerais passer par Yellowstone, le Montana, le Wyoming et les Black Hills !
Dans la nuit, vers minuit, après avoir fini de réfléchir sur la suite du parcours, c'est Michaël, ex-soixante-huitard, qui arrive avec sa guitare et un air jovial qui montre que quelques gouttes d'alcool sont passées aussi par là, juste qu'en j'allais m'endormir. On se parle pendant environ 30 minutes, c'est un ancien hippie, qui joue du blues et fume un peu aussi, d'ailleurs il me donne aussi de la beuh ! Pour rire je lui demande s'il peut me donner 10 $ et me les sorts puis insiste pour que je les prenne, je lui rends bien sûr disant que j'en n'aurais pas besoin au Canada.


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Chronique 7 : de Victoria à Calgary


" Magnifique ! Remontée de la Fraser et North Thompson river en British Columbia, et route des Glaciers d'Alberta ! "
(1.532 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/MnBgRuCKsmwWT53n9

24/05, Quilcene - Tsawwassen, 150 km
25/05, Tsawwassen - Agassiz, 178 km
26/05, Agassiz - Lytton, 143 km
27/05, Lytton - Kamloops, 173 km
28/05, Kamloops - Avola, 209 km
29/05, Avola - Valemount, 141 km
30/05, Valemount -Jasper, 131 km
31/05, Jasper - Saskatchewan, 160 km
01/06, Saskatchewan - Cochrane, 247 km

Le 24, après une bonne nuit tout de même, je commence à rouler vers 8h30 toujours en bordure des Montagnes Olympiques. C'est joli mais il n'y a pas de routes qui les traversent, on les contourne soit par l'ouest soit par l'est et j'arrive tout juste à Port Angeles pour embarquer dans un ferry qui part dans le quart d'heure suivant (pratique, pas besoin d'attendre) en direction de Victoria, sur la pointe sud-est de l'île de Vancouver.
A la douane ; le flic très sympa me dit que c'est mieux que je fasse la transcanadienne, je lui demande s'il pense que c'est possible de repasser aux USA et il me dit en posant le tampon, tu peux rester 6 mois au Canada !
Après le passage de ce petit détroit entre l'île de Vancouver et l'Etat de Washington, je visite la jolie ville de Victoria, c'est une belle ville avec le Parlement de la province de la Colombie britannique (même si Vancouver est bien plus importante), c'est une petite ville tout aussi jolie que celle de Québec (où il y a aussi le Parlement de la province de Québec, même si Montréal est une ville plus importante). Elle est faîte dans un style qui ressemble à celui que j'ai pu voir à Copenhague ou à Stockholm. Ca à l'air très plaisant d'y vivre, on prend une piste cyclable pour en sortir où je croise deux vieilles dames qui sont en " panne ", je m'arrête et remet la chaîne à son vélo, elle est enchantée comme si j'avais fait quelque chose d'extraordinaire…
Je commence à vouloir remonter vers le NO pour faire un tour de l'île mais il y a énormément de circulation (faut encore prendre l'autoroute sur plusieurs kilomètres, après 20 km je décide de faire demi-tour (par l'échangeur) pour aller directement rejoindre Vancouver où je fais un bout de chemin avec un cycliste qui remonte aussi, arrivé à la pointe NE de l'île à Svartz Bay, je reprends donc le bateau pour passer le détroit de Géorgie. Arriver sur " la terre ferme " je rencontre, alors que je répare une crevaison, un cycliste en VTT qui croit au départ que je suis un french canadian, je lui dis que je suis français (de France) alors il s'excuse et me dit qu'il n'aime pas les french canadian (les québécois) car ils veulent leur indépendance et ne sont pas fier de leur pays (peut-être, je le dis pas, mais la reine d'Angleterre reste toujours la chef d'Etat du Canada et il y a un fort sentiment hors de la province de Québec favorable au RU, c'est le dilemme du Canada).
Le soir je m'endors tranquillement à Tsawwassen, près d'une maison à louer, tout en voyant que le temps se met un peu à se recouvrir. Au Canada les magasins ferment plus tôt qu'aux USA et sont pas toujours ouverts les dimanches. Les gens, comme en Europe, ont aussi un autre mode de vie, un peu plus cool peut-être et les villes comme les maisons sont souvent mieux aménagées et plus jolies (mais SF était très jolie tandis que Calgary avait l'air en constante destruction ou reconstruction un peu anarchiquement).

Le 25, la route prend le départ vers Vancouver où comme souvent 20 km avant et 20 km après, au moins, il y a beaucoup de circulation (parfois c'est plus facile comme Amsterdam ou Copenhague ou Québec… car on entre par de petites routes ou des pistes cyclables). A chaque fois que j'entame l'entrée dans une métropole j'ai l'impression d'aller au cœur d'un monstre parfois énorme avec son agglomération comme Barcelone, la circulation, prendre des voies expresses quand il n'y a que ça ou des routes à très fortes circulations avec des citadins énervés après tout ce qui bouge en sortant de leur travail, aussi parfois on est bien content de s'en être sorti et on se demande aussi si ça en a valu la peine au lieu de passer plus loin, tranquillement, dans la campagne (comme pour New York, Montréal, Memphis, Vancouver, Calgary, Milwaukee, Toronto, Hambourg, Munich, Dakar…). D'autres fois on est heureux d'avoir découvert de belles merveilles d'architecture et une ville plaisante à vivre, pleine de romantisme, le plus souvent en Europe (Genève, Berne, Vienne, Prague, Stockholm, Varsovie, Cracovie, Tallinn, Vilnius même si on y rentre par 20 km d'autoroute, Amsterdam, Copenhague, Brême, Lübeck) mais aussi en Amérique du nord (SF, Victoria, Québec, Las Vegas pour son côté unique de parc d'attraction pour adulte).
Vancouver est une ville un peu plus jolie que NYC mais moins que SF, je n'y reste que 2h car comme beaucoup de ville en Amérique du nord il n'y a pas d'arts… Les gens crachent beaucoup par terre à Vancouver (j'en vois une dizaine, et assez grossier, c'est bizarre). Les filles, dans leur style, sont assez provocantes alors qu'il pleut et qu'il ne fait pas chaud, elles se dandinent en minishort ou mini-jupes avec un décolleté le plus souvent ou avec le ventre et derrière dégagés, ou en sport wear très moulants. Qui se ressemble s'assemble ? Il y a aussi de fortes communautés hindoues et asiatiques à Vancouver, le Canada est une ancienne colonie britannique, comme l'Inde, et fait aussi parti du Commonwealth ; il y a même un hindou qui me demande la route pour aller à Vancouver !
Après la ville de Mission, sur la Fraser river, il y a bien moins de circulation et on peut alors profiter pleinement du paysage vraiment joli, comme sur la Columbia river.
Le soir j'arrive à Agassiz où je dors à côté du musée relatant l'histoire du chemin de fer dans ces contrées, il y a quelques anciennes maisons jolies aussi en bois. La nuit est fraîche et il pleut.

Le 26, le matin, au départ, le vent est plutôt favorable lors de la remontée de la Fraser river (nom d'un anglais qui l'a descendue au début du XIXè s.) sur 40 km puis dans son " canyon ", lorsque la vallée se resserre,  le vent vient du nord et c'est très difficile de rouler, très fatiguant car en plus il pleut toute la journée ! C'est un vrai déluge, les nuages sont très bas, on a une impression d'écrasement même si je ne suis ici qu'à 300 m de hauteur, il y a beaucoup de brume, encore dommage car les paysages sont magnifiques, grandioses.
Je fais une pose à Lytton puis finalement décide d'y rester pour la nuit, je vais manger dans un restaurent indien (ici c'est un village d'une réserve indienne) puis je suis accosté par un indien qui veut que je lui paye un verre de bière, pourquoi pas dans ce climat d'apocalypse, mais c'est pas vraiment conforme aux règles de l'hospitalité (mais souvent les blancs sont considérés comme les riches, surtout en Afrique, et on leur demande des " cadeaux "), aussi je demande pourquoi (car comme en Pologne, on paye un verre puis ils en demandent un autre… sans que ce soit une rencontre intéressante mais plutôt intéressée), aussi il me répond que c'est pour être heureux, je veux bien mais l'alcool ne va pas arranger les choses, j'esquive donc la question et lui demande pourquoi il est malheureux, il ne sait plus quoi me répondre et pour éviter de parler, voyant que le verre n'arriverait pas, il me dit qu'il ne comprend pas. Je passe alors au visitor center pour avoir quelques infos sur la région… Puis dans un élan de désespoir, je me dis que j'irais peut-être dans un motel, et j'y vais, la pluie froide a le don de bien fatiguer l'organisme. Je trouve une petite chambre (ce sera la dernière fois sur ce trip que je vais dans un motel) et m'endors comme un loir !

Le 27, je pars assez tard de Lytton et continue la remontée de la Fraser river puis d'un de ses affluents, la North Thompson river, c'est tout aussi joli. D'abord beaucoup de nuages puis ça s'éclairci, le vent vient aussi du nord et de face le matin puis ça change pour venir de l'ouest alors que la route bifurque vers l'est, il est donc idéalement de dos, après la dure journée d'hier ça aide.
Au fur et à mesure de la remontée de la North Thompson river on retrouve, à ma grande surprise, des terrains arides et irrigués (on est bien au Canada pourtant) avec encore plusieurs lacs (mais pas trop à secs sous ses latitudes).
Ici je remonte vers le pôle nord (qui est encore loin quand même) aussi les jours se rallongent comme on est en été (c'est le contraire en hiver), il fait jour à 4h15 et il fait nuit à 21h ! Le soir, à 15 km de Kamloops, je décide de poursuivre, malgré la nuit, et de mettre les lumières pour avoir un ravito. Arrivé à Kamloops, je passe une très bonne nuit sur les planches du balcon, sous un préau, du Visitor center, avec une vue magnifique sur la ville de Kamloops et ses lumières nocturnes.

Le 28, je pars vers 9h30 avec le beau temps mais après peu de répits, la pluie est vite de retour ! La route continue de remonter la jolie vallée de la North Thompson river, avec de très beaux paysages et sommets enneigés, et un vent plus ou moins dans le dos. Pas beaucoup de ravito sur la route, où il y a beaucoup de forêts et les ours ne doivent pas être loin même s'ils restent discrets. Quand la nuit commence à tomber (il paraît que les ours sortent justement à la tombée de la nuit…), je rencontre un caribou, bien sûr celui-ci prend peur et se sauve quatre à quatre (c'est le cas de le dire) et j'entends aussi des sortes de rugissements (sans doute des caribous) dans la forêt proche.
Le soir j'arrive enfin à Avola (ici il y a peu de village) où le pompiste est encore ouvert, c'est idéal pour le ravito, on discute et il me dit que je peux dormir sans problème au pub dans le village, c'est sympa ! J'y vais puis je me rends compte que le pub fait aussi motel, j'oublis pas que les pompistes sont aussi des commerçants et sans doute voulait-il ramener un client, mais je viens de dormir il y a deux jours en motel, et je ne suis pas désespéré au point de vouloir y retourner ; sentant une entourloupe, je décide d'aller dormir près d'une grange laissée à l'abandon que j'avais repéré juste à l'entrée d'Avola.

Le 29, après une nuit un peu fraîche mais pas désagréable, je prends le départ qu'à 11h (après avoir dormi près de 10h, eh ouah, la pluie fatigue et il pleut encore à saut jusque 10h où ça se calme). Je ne suis pas pressé de partir car, à moins d'avoir envie de dormir en altitude sous un temps changeant, il n'y a que 140 km pour Valemount (lieu de fin de l'étape du jour) sinon, pour retrouver un village, il faudrait aller jusque Jasper (après le passage d'un pass) à 260 km d'Avola (c'est un peu juste avec le temps, le vent n'étant pas forcément dans le dos).
Je poursuis encore la remontée de la North Thompson river puis d'autres petits creeks (je remonte en altitude pour arriver à 810 m à Valemount en fin de journée), la route est encore très jolie, jalonnée par de nombreuses petites cascades et avec la vue sur de nombreux sommets enneigés, et assez plane jusque Valemount, de plus le vent est dans le dos sauf pour les 10 derniers kilomètres.
Sur la route je rencontre deux black bears (ours noir), c'est bizarre mais avec cet environnement : montagnes aux sommets enneigés, cascades, forêts, creeks, presque aucune voitures sur la route…et donc peu de bruits, j'avais vraiment le sentiment qu'aujourd'hui allait se passer une rencontre avec un ours et ce sera bon pour deux.
Le 1er est entrain de brouter de l'herbe en bord de route, il est assez petit (un ours noir peut peser jusque 250 kg, un grizzly ou ours brun peut peser jusque 600 kg et c'est encore le double pour un ours polaire ou ours blanc), quand je le vois c'est juste quand je passe à côté, celui-ci me voit aussi (les ours ont une ouïe faible, comme l'Homme, mais un bon odorat) et il se met debout sur ses deux pattes arrières, c'est bizarre, on dirait un nounours, j'avais lu dans un livre que si on croisait un ours (ou un animal sauvage) alors il fallait continuer dans sa direction tout en se faisant plus grand, c'est donc ce que je fais, sans accélérer presque même en ralentissant, tout en le regardant de temps en temps. Je m'arrête à une vingtaine de mètre et aimerais le prendre en photo, je siffle mais il n'arrive pas, ce serait bien sûr un peu dangereux et provocateur d'aller en arrière pour le revoir. Donc le chemin continue.
Pour le deuxième, c'est quelques kilomètres plus loin, il ne m'entend pas arriver (en vélo ça arrive aussi souvent que des piétons ne m'entendent pas arriver) et sort de la route du côté gauche, pour traverser visiblement, à environ 50 m devant moi (il est conseillé, à Jasper, de laisser 100 m de distance avec un ours), toujours d'après le livre d'aventure que j'avais lu, quand un ours est en face, ce qui est le cas, il faut s'arrêter et le laisser passer, surtout ne pas fuir pour ne pas jouer le rôle de la proie et réveiller son instinct de chasseur, les ours sont surtout herbivores (à 95%, d'après un autre livre que j'ai lu) et ils n'ont pas de raison de prendre un risque pour chasser quelque chose qu'ils ne connaissent pas (par exemple un drôle de bipède sur un vélo, ça doit lui paraître étrange et il n'a pas du voir ça souvent), cependant un ours peut faire du 60 km/h en vitesse de pointe (comme les bisons), malgré leur démarche qui semble boiteuse, la fuite est presque perdue d'avance. Aussi, dans la ville de Jasper, il conseille de se mettre couché si l'ours est avec un ourson, pour montrer que l'on ne recherche pas de bagarre, cependant dans un livre j'ai lu une histoire disant qu'une personne avait fait ça et s'était faite dévorer le bras avant que son compagnon ne tire sur l'ours et ne l'abatte. Si l'ours attaque, il est dit aussi, comme les armes sont interdites dans les parcs nationaux, même si je ne suis pas dans un parc national je n'ai pas d'armes mis à part mes deux couteaux qui restent depuis la 1ère rencontre dans une poche latérale du sac à dos, prêt à l'emploi, de se défendre avec pierres ou bâtons, bref de tout faire pour résister, une biche se laisse faire par contre, pour que l'ours finisse par s'en aller, je ne préfère pas imaginer la scène sanguinaire. Enfin, si l'ours reste sur place ou avance vers nous doucement, il est dit que l'on peut tenter une " retraite ", calmement, tout en le regardant et en essayant de se faire plus grand comme avec les bras en l'air ou ouvrir son k-way mais sans gestes brusques. Je décide donc de m'arrêter, cette fois-ci c'est l'ours qui me croise et il continue heureusement son chemin pour sortir de la route du côté droit et retourner dans les buissons, tout en me regardant de temps en temps, j'ai juste le temps de sortir l'appareil photo pour le prendre. Après cette deuxième rencontre, j'hésite, même une fois l'ours disparu, à continuer à avancer, un camion arrive une petite minute après par derrière et j'en profite alors pour reprendre la route, c'est impressionnant car il est impossible de voir quoi que ce soit derrière les buissons, aucune visibilité, il pourrait être à deux mètres derrière que je le verrais pas !
Les ours noirs sont des animaux qui n'ont pas l'air de trop se cacher, contrairement aux loups, ils ont l'air boiteux quand ils se promènent mais en fait ça cache une démarche souple et ils sont très agiles (surtout très puissants), les loups ont cependant l'air très intelligents et malgré tout curieux, les ours sont plutôt solitaires alors que les loups fonctionnent en groupes. La rencontre avec les deux loups au Nouveau Mexique restera pour toujours un moment inoubliable et magique ! Chaque année il y a aussi des dizaines voir des centaines d'ours qui se font écraser, à cause des voitures qu'ils n'entendent pas arriver ou des camions. Lorsque je roule en vélo, c'est souvent que les cerfs, pronghorn, chameaux ou vaches s'enfuient quand ils me voient arriver ; par contre les ours, loups, chevaux, mouflons ou bisons sont moins peureux et ne se sauvent pas.
Après ces rencontres, je regarderais dans les endroits " sensibles " constamment sur les côtés, ce qui permettra de voir de nombreuses biches et cerfs surtout, même loin de la route et quelques autres ours noirs. Je ne prête plus aucune attention aux voitures qui passent, c'est devenu secondaire comme problème.
Le soir, lorsque j'arrive à Valemount, le Visitor center est encore ouvert, je dis à la dame que j'ai rencontré deux ours noir et elle semble incrédule, aussi quand je lui demande combien il y a d'ours dans le coin elle ne sait pas quoi me répondre, pour finir elle me dit que si je croise un ours il faut que je fuis ! Ce qui est contraire à la Règle sauf si on veut être la proie, et contraire aux livres que j'ai lu et contraire aussi aux indications données le lendemain dans la ville de Jasper. Comme l'ours est " sourd ", il est aussi conseillé aux randonneurs de mettre une clochette ou mieux de chanter fort ou de parler souvent ou de siffler à intervalle régulier afin que l'animal sauvage vous entende et s'écarte, bien sûr ça empêche les rencontres pour ceux qui veulent en faire. De mon côté je décide de scruter l'horizon pour les apercevoir au plus tôt.
A Valemount, je prends un bon ravito, à côté de nombreux trucks qui se sont arrêtés là pour faire une longue pose ou passer la nuit dans leur cabine. C'est dans des moments comme ça que j'ai l'impression de vivre aussi comme un chauffeur de poids lourds : je roule la journée et me repose dehors, à côté de mon véhicule (le vélo) et les stations essences, dans les endroits désertiques comme le Sahara ou dans des endroits où il n'y a presque rien comme ici où il n'y a que de la forêt, ce sont souvent les seuls endroits où l'on peut trouver un ravito (à moins de chasser ou pêcher soi-même, comme devaient le faire les nomades, aventuriers et explorateurs d'autrefois, ça devait leur prendre assez de temps dans leurs voyages pour faire ces tâches qui devait être quotidiennes et vitales). Je rencontre aussi deux passionnés très aimables de vielles voitures, qui, comme Chris à Portland, mettent environ 1000 heures pour en retaper une, soit environ 6 mois.
Comme je suis arrivé aussi de bonne heure, j'ai le temps de faire un tour pour visiter la petite ville de Valemount et ensuite je retourne au visitor center pour dormir juste à côté, sur les planches du balcon du petit musée.

Le 30, je me réveille vers 7h pour prendre le départ après une bonne nuit de sommeil. Ici il y a moins de police qu'aux USA, c'est plus calme (aussi en Oregon ou dans l'Etat de Washington), on les voit beaucoup moins et quand ils passent devant moi, il ne s'attarde pas systématiquement, même si je dors devant un bâtiment. Heureusement souvent le vélo montre que je suis un touriste et pas un cambrioleur.
Aujourd'hui il fait beau, c'est idéal pour franchir Yellowhead pass à 1146 m d'altitude même s'il y fait toujours un peu plus frais. Les paysages sont magnifiques, autour du mont Robson (qui culmine à 3954m) et d'autres sommets des Rockies Mountains (les Rocheuses), je retrouve aussi la Fraser river qui prend sa source dans ces sommets où on trouve aussi des lacs de montagne et de nombreuses cascades et creeks encore une fois. La journée est étrange aussi, je ne rencontre pas d'ours mais j'ai pu observer une multitude d'animaux (et surtout des cerfs) au bord de la route et dans la vallée malgré le nombre assez important de voitures (que j'oublie) et de camions (qui ont une conduite exemplaire surtout lors des jours précédents où il a plu sans cesse et où ils n'hésitaient pas à se décaler ou à ralentir pour me doubler, en échange, dans les longues descentes, je n'hésitais pas à me garer sur le côté pour les laisser me doubler…).
Le vent est aussi favorable sauf les 20 premiers kilomètres jusqu'au moment où la route prend la direction du NE. Après Yellowhead pass, j'arrive à l'entrée du parc national de Jasper, l'entrée est assez cher à 10 $ pour un jour, je dis que je reste deux jours, avec le parc national de Banff, ça fait donc 20 $. Ca devrait être gratuit pour les cyclistes et randonneurs sans véhicules motorisés. Je décide alors de ne pas faire un détour par les parcs nationaux de Yoho et Kotenay, peut-être une autre année sur la route entre Anchorage et Calgary, à l'occasion ?
Le soir j'arrive dans la ville de Jasper, qui est jolie avec quelques vielles maisons en pierre (pour une fois) datant du début du XXème siècle, mais aussi fort touristique, j'ai bien le temps de faire le tour et de manger aussi, pour une fois, au restaurant ! Avant de dormir près du chemin de fer et de la gare de Jasper, alors que j'écris mon journal de bord/carnet de route, trois wapitis s'amènent pour brouter l'herbe, quel spectacle incroyable ! Ici ils sont en pleine liberté, c'est interdit d'approcher les animaux sauvages et de leur donner à manger (pour ne pas qu'ils s'habituent à l'Homme, afin qu'ils gardent leur peur naturelle des Hommes, mais chaque année les rangers du parc abattent des animaux devenus trop agressifs à cause des Hommes ainsi il est aussi interdit de s'arrêter avec la voiture lorsqu'il y a un ours sur le bas côté… ce que bien sûr les humains ne font pas comme j'ai pu le constater le lendemain), les trains de marchandises (car ce n'est pas une gare de voyageur, il y a deux compagnies, la Canadian Compagny et la Pacific Compagny) doivent prendre leur temps pour démarrer et attendre que les wapiti aient bouger, ils sont à 20m de moi !

Le 31, le réveil se passe bien après une bonne nuit de sommeil à Jasper et je pars seulement à 10h, les 90 premiers kilomètres sont assez embêtants car la route est toute craquelée (pourtant c'est un parc national). Les canadiens ne savent pas bien faire les routes, comme parfois aussi aux USA. Ce n'est pas du au climat ou parce qu'il gel ou qu'il neige, comme on me l'a dit, sinon en France et en Europe les routes de montagnes seraient bien sûr aussi craquelées, ce qui n'est pas le cas.
Mais il fait beau (c'est important en montagnes) et la route des Glaciers est superbe ! C'est l'endroit le plus beau de ce parcours aux USA et au Canada (le temps y est forcement pour quelque chose aussi) et je ne suis pas près de l'oublier. Peut-être, à l'occasion d'un autre voyage, en Alaska…, cette route des Glaciers sera alors reprise avec bonheur une 2ème fois.
Les paysages sont grandioses. Sur cette étape de seulement 160 km la route part pendant environ 90 km sur un long faux plat montant, en remontant l'Athabasca river, la rivière est d'une couleur bleutée et claire, la vallée est entourée des Rockies Mountains aux sommets enneigés et aux reliefs taillés, certainement par la glace, à une dernière époque de glaciation. Arrivé à Sunwapt pass à 2055 m on a une vue magnifique sur Athabasca Glacier (où peut-être avec le réchauffement il y aura de futures chutes comme à Gavarnie dans les Pyrénées, ces glaciers diminuent en effet d'années en années) et sur Columbia Icefield (les glaciers sont à environ 3700 m) ; il s'ensuit une descente sur plusieurs dizaines de km avec des paysages de montagnes sculptés par la Nature, à un endroit j'ai l'impression d'être plongé dans le " berceau de la vie " tellement la roche a bien été sculptée par la glace, alors que les sommets sont enneigés et la forêt installée sur les pentes abruptes des falaises où de nombreuses cascades tombent dans Bow river…
Ces paysages donnent envie d'aller voir ce qui se passe en Altaï ou en Himalaya ou sur les pôles, on peut toujours rêver. La nature a fait des merveilles ici en matière de sculptures, c'est monumental !
Sur la route je rencontre de nombreux cerfs et wapiti, aussi deux ours noirs que je croisent donc je ne m'arrête pas, cependant ils n'ont pas de réactions et ne me regardent même pas, ici ils sont habitués aux Hommes (des voitures s'arrêtent pour les prendre en photo, ce qui est normalement interdit car après ils s'habituent et deviennent imprévisibles, il n'y a plus la peur naturelle de l'Homme). Je croise aussi dans la longue descente un groupe de mouflons d'Amérique, je ne fais pas attention et m'arrête seulement à une dizaine de mètre pour prendre une photo, et ils commencent à s'apprêter pour me charger (ceux-là n'ont pas du voir beaucoup d'humains), alors je recommence vite à avancer tout en les regardant, 50 m plus loin je m'arrête à nouveau, ils ne m'ont pas suivi mais ont du avoir une décharge d'adrénaline et se tapent dessus, entre eux, avec leur cornes !
Je ne me souviens pas avoir vu des glaciers avant cette journée, c'est le bonheur. Le soir j'arrive à Saskatchewan où il n'y a qu'un motel, un magasin de souvenirs et une station essence. C'est le bon endroit pour se ravitailler et pour dormir, dans la forêt, à une centaine de mètres du motel, beaucoup de moustiques encore et même dans la journée, malgré l'altitude, ils restent très virulents et agressifs, le soir c'est donc tout de suite bonnet, écharpe… pour éviter d' avoir une bonne trentaine de piqûres en plus sur soi !

Le 01 juin, après une bonne nuit dans la forêt de sapins, je commence la route pensant aller jusque Banff mais le vent est dans le dos et la route descend pour se diriger vers Calgary même s'il y a quelques " bosses ", les paysages sont toujours aussi jolis jusque Banff où on peut admirer de nombreux lacs de montagnes et Bow Icefield. Sur la route 1A, qui est parallèle à la route 1 (la transcanadienne qui est aussi un autoroute), on peut toujours croiser de nombreux cerfs, je croise aussi un autre ours noir, dont j'ai pitié des humains, agglutinés autour avec leur voiture entrain de prendre une photo, on se croirait dans une foire alors que l'ours ne fait que manger l'herbe au bord de la route, de plus c'est interdit de s'arrêter ! J'espère dans mon inconscient rencontrer un grizzli mais ça ne se fera pas, peut-être une prochaine fois, ils vivent plus en altitude, sur les reliefs, et, comme les loups, ils ne s'approchent pas des humains, ils peuvent être aussi beaucoup plus dangereux, je me suis habitué aux ours noirs. Il y a beaucoup d'écureuils aussi mais ils sont très furtifs, ça courent !
Avant la ville de Lake Louise et jusque Castle Junction (où ils repartent ensuite dans leur van et voitures), je roule avec une dizaine de cyclistes dont la moitié de filles (rares en France, ici beaucoup de filles font du vélo), ils m'avaient repéré la veille au motel, on a fait environ 60 km ensemble à une vitesse folle (environ 35km/h), ça me rappelle le temps des courses et des entraînements dans le nord de la France. Après un ravito à Lake Louise, ils sont déjà repartis en avant et sont assez loin, je ne pense pas avec mon sac plein pouvoir les rattraper, c'est alors qu'un d'eux, resté en arrière, me rattrape, je le colle à la roue arrière et on rattrape, sur 10 km, à 40 km/h, tout le monde ! Une fois, lâché de 200 m après une côte, je l'entend demander à une autre cycliste qu'il avait rejoint, partie plus en avant, si j'étais " rentré " et elle répond " french is back ! ", ahah, on a fait une belle course à deux ce jour là, avec tous ses " collègues " largués, dommage que j'avais 10kg sur le dos, peut-être une autre fois pour la revanche.
Après la visite et un petit ravito rapide dans la jolie ville de Banff (paradis et point de départ pour de nombreuses rando, en été comme en hiver avec les skis), je dois me résoudre à prendre l'autoroute, j'ai toujours du mal à rouler sur un autoroute où je reste plus ou moins mal à l'aise, par contre j'y rencontre à l'échangeur une cycliste, Sky, qui a l'air de ne pas se préoccuper des voitures et autres trucks, elle parle bien le français et on roule quelques kilomètres ensemble jusque la ville de Canmore, beaucoup de courage cette fille, le 10 juin elle commencera une transcanadienne (de Victoria à St John's) pour récolter aussi de l'argent pour une association qui s'occupe de réaliser des " rêves d'enfants " malades,  c'est la 1ère fois que je rencontre une cycliste capable de faire ça et j'en reste épaté (www.crosscanadasky.wordpress.com), mais je n'oubli pas bon nombre de personnes croisées en Afrique qui souhaitent sincèrement aussi voyager et qui malheureusement, dans le monde d'aujourd'hui, n'auront jamais cette chance à cause des différences de niveau de vie et de l'impossibilité d'avoir des visas, seuls certains nationaux peuvent avoir cette chance et malheureusement seuls ces mêmes nationaux peuvent profiter de conférences ou de livres retraçant le récit de voyageurs, ce qui est bien sûr injuste, il y a d'énorme progrès à faire en matière de relations internationales, bien sûr il faut une réciprocité…, peut-être un jour ceci sera développé plus longuement (dans un très très long paragraphe…, un autre rêve). Mais entre les rêves et la réalité, il y a trop souvent, malheureusement, tout un monde (voir plus). Aussi Sky espère avoir la chance de partir plus loin, dans d'autres lieux, à l'occasion d'un prochain voyage de plusieurs mois et poursuivre encore par d'autres voyages " partout "…
A Canmore, je quitte l'autoroute (enfin) pour reprendre la route 1A et aller jusque Cochrane, la route suit plus ou moins la jolie vallée de la Bow river et avant Cochrane on retrouve un paysage de hauts plateaux, pas vraiment arides ici grâce à la latitude et à environ 1000 m d'altitude. A 15 km avant Cochrane une belle averse (repérée par ses gros nuages gris bien avant) s'apprête à me tomber dessus, je prépare alors à me changer (avec les vêtements de pluie) quand un pick up s'arrête, ce sont de jeunes canadiens qui vont à Cochrane et qui proposent de m'y conduire pour éviter cette averse, je les remercie beaucoup mais leur dit que ce n'est pas la première ni la dernière. Les canadiens sont encore comme les américains très sympas, très généreux et ils aiment en général les voyageurs. Peut-être parce qu'ils en sont tous des descendants ?
Avant l'arrivé à Cochrane, le ciel s'est transformé et apparaît un superbe arc en ciel magnifique entouré d'un autre arc en ciel ! Les deux décrivant deux très belles courbes dans le paysage, je n'avais jamais vu ça auparavant.
A la tombée de la nuit, après avoir pris le ravito, je me promène, toujours sous la pluie dans la jolie ville de Cochrane où il y a de beaux magasins…, ça a l'air aussi touristique que Banff ou Jasper.


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Chronique 8 : de Calgary à Milwaukee


" Hauts plateaux d'Alberta, Rocheuses de Yellowstone et grandes plaines du Wyoming, Dakota, Iowa… "
(3.678 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/1vwnDFQd6pPMAmvW6

02/06, Cochrane - Vulcan, 186 km
03/06, Vulcan - Saint Mary, 226 km
04/06, Saint Mary - Great Falls, 266 km
05/06, Great Falls - White Sulphur Springs, 164 km
06/06, White Sulphur Springs - Gardiner, 212 km
07/06, Gardiner - Grant Village, 136 km
08/06, Grant Village - 10miles avant Moran, 242 km
09/06, 10miles avant Moran - Casper, 282 km
10/06, Casper - Wright, 162 km
11/06, Wright - Custer, 185 km
12/06, Custer - Kadoka, 248 km
13/06, Kadoka - Platte, 281 km
14/06, Platte - Canton, 201 km
15/06, Canton - Armstrong, 203 km
16/06, Armstrong - Decorah, 265 km
17/06, Decorah - Dodgeville, 174 km
18/06, Dodgeville - Milwaukee, 245 km

Le 02, après une bonne petite nuit à Cochrane dehors dans un coin du centre ville, je commence à rouler en direction de Calgary où je me perds sur l'autoroute, avant d'y entrer, après plusieurs tentatives, j'arrive dans le centre de la ville où il y a beaucoup de constructions…, ce n'est pas très intéressant comme ville, aussi je ne m'y attarde pas et je suis pressé d'en finir avec ce monstre.
Après Calgary, la route bifurque vers le sud, en direction de Yellowstone qui est encore à près de 1000 km, le paysage ressemble beaucoup à celui de la Beauce en France, ce n'est pas très joli. Enfin ce sont des hauts plateaux cultivés à plus 1000 m d'altitude, les nuages sont assez bas, le ciel est gris et dans ce gris s'amène une rangée de nuages noirs ! Le vent vient de l'est (bizarre) et les nuages noirs de l'ouest, et c'est de la grêle qui tombe, il fait froid tout d'un coup et c'est la douche cinglante qui fait " cling cling ". Après 5 km de grêles voilà que les mêmes nuages noirs me repassent dessus mais cette fois-ci ils viennent de l'est et subitement le vent de surface a changé et vient maintenant de l'ouest (normal), sur la route, c'est étrange, tout d'un coup l'asphalte est sec ! On pourrait tracer une ligne à la craie !
Je finis cette étape à Vulcan où je décide de m'arrêter, profitant d'une accalmie car le ciel se couvre de nouveau méchamment. Je fais un tour dans cette petite ville d'Alberta. La pluie tombe de nouveau fortement, apparemment pour encore un bon moment vu comment le ciel est chargé (à cet altitude on a l'impression d'être écrasé par ces nuages ; pourtant, la haut, le ciel est bleu ! Après un ravito, je pensais dormir à côté de la station essence où dorment aussi des conducteurs de trucks, finalement Jane, que j'ai rencontré dans la station essence, vient me voir et me propose de prendre un café et de dormir dans le restaurant de son père, je refuse d'abord malgré ses insistances ; puis c'est Stuart, son ami, qui m'a servi à la station essence qui vient me dire de venir avec eux, j'accepte alors et on passe une bonne soirée à parler ensemble, ça fait du bien après cette journée de pluie d'être au sec et au chaud ! Le soir je dors donc confortablement sur un canapé.

Le 03, au matin, après un réveil à 7h, j'ai le droit à un bon petit déjeuner (pain et œufs…) concocté par le père de Jane (français comme ils disent mais plus exactement québécois) qui est venu ici pour le travail.
Je reprends la route ensuite vers le sud, le paysage est toujours autant dégagé et le temps toujours à la pluie ou aux fortes averses (le mois de mai a été deux fois plus pluvieux en Alberta qu'à la normale (c'est bien parti pour être de même pour le moins de juin), les températures sont assez fraîches aussi (10°C).
En fin d'après-midi, je passe de nouveau la frontière entre le Canada (Alberta) et les USA (Montana), mais la douanière a un ennui avec son ordinateur, je n'ai plus le droit de passer, elle me demande pourquoi, je réponds en riant que l'ordinateur doit jouer encore un mauvais tour, ensuite elle me demande pourquoi entre la Canada et l'Etat de NY j'ai fait demi-tour, je lui dis que c'était pour changer la monnaie et pouvoir payer les 6 $ en espèce pour avoir le visa américain, finalement, après réflexion, elle me laissera passer et repose un tampon pour 3 mois ! Chic, je n'ai plus cet ennui de délai car il ne me restait plus que 20 jours sur les trois mois de mon ancien visa.
Encore une fois je suis triste de quitter un Etat (cette fois-ci le Canada), les gens étaient sympas, je retrouve cependant les USA que j'avais apprécié, mais il y a un petit coup de Blues (comme avant Victoria, entre l'Etat de Washington et le Canada). Le soir, j'arrive à Saint Mary, au bord de Glacier Park, où de gros nuages se sont accumulés, il doit faire très froid sur ses hauteurs, j'avais pensé à faire un détour pour voir à nouveau des glaciers ici entre le Montana et l'Idaho, sur les Rocheuses, mais vu le temps je préfère alors rester dans les grandes plaines du Montana et me diriger vers Yellowstone. J'ai eu beaucoup de chance qu'entre Jasper et Banff le temps soit magnifique.
Le soir je m'endors tranquillement, à l'écart de la ville, au nouveau visitor center en construction de Saint Mary, à l'abri du vent.

Le 04, après une nuit fraîche et un ravito, le départ commence par une bonne montée de 11 km pour grimper à 1600 m pour vraiment ensuite arriver dans les grandes plaines du Montana, on est encore sur les abords des Rocheuses ici, que je retrouve à nouveau. Le vent est favorable du NO ce qui fera une bonne étape de 266 km, il y a beaucoup d'espaces, ce sont de grandes prairies mais il n'y a pas forcement beaucoup d'herbes pour nourrir les nombreux chevaux présents, avec peu de ville : le Montana et le Wyoming sont grands comme la France avec cent fois moins d'habitants !
Le soir j'arrive en utilisant les lumières pour les cinq derniers kilomètres à Great Falls où, comme il y a toujours des averses et un temps très couvert, je dors au visitor center, après avoir visité la ville et pris un ravito.

Le 05, après une bonne nuit de sommeil protégé de la pluie, la route reprend la direction du sud, malgré un vent contraire, encore des montées et descentes dans les Grandes Plaines du Montana, un paysage bien dégagé, et des prairies un peu verdoyante grâce à la latitude. Sur la route, il n'y a pas beaucoup de ravito, aussi je fais 150 km sans rien prendre de plus pour manger ou boire, heureusement il ne fait pas trop chaud. Encore beaucoup d'averses, le temps ne s'est pas vraiment arrangé depuis Calgary.
Le passage par la Belt river est vraiment joli, la vallée se transforme par moment en gorges puis presque en canyon au fur et à mesure de l'approche des montagnes et des forêts de sapins (Lewis and Clark forest, du nom de deux grands explorateurs, aidés par des guides indiens, au XIXè s., dans le NO des USA), je passe avec plaisir et toujours sans rien boire ou manger King Hills Pass (à 2400 m) où je retrouve des sommets enneigés. Il s'ensuit une bonne descente et de longs faux plats descendant jusque la ville de White Sulphur Springs où je m'arrête pour dormir, car il n'y a rien sur de grandes distances et le temps est à la pluie, aussi, après un ravito, je visite un peu cette ville sortie tout droit d'un western américain, il y a aussi, chose inédite, un château construit en 1892, en pierre, qui est maintenant transformé en musée, c'est à l'extérieur que je choisis de passer la nuit.
Il y a eu beaucoup de cerfs sur la route, et toujours des écureuils, il y avait aussi souvent un oiseau, très joli mais qui bouge sans cesse, c'est " l'oiseau rieur ", ça fait plaisir de l'entendre tout au long de ces longueurs et de ces heures de pédalage, on dirait le rire de quelqu'un qui se moque, ça me fait rire aussi ou au moins sourire (le rire est bien communicateur).

Le 06, après une nuit assez agitée à cause d'un vent tournoyant, du froid et de la pluie qui tombe fortement par intermittence, la route reprend encore la direction du sud, beaucoup de pluie et d'averses avec même de la grêle quand je dois prendre un bout de 10 km d'autoroute (seule route) pour rejoindre Yellowstone river. Dans le journal il prévoit encore ce temps là pour une semaine ! Ca craint et ça va être le déluge de retour en altitude, dans les Rocheuses, à Yellowstone. Les températures sont aussi bien fraîches pour un mois de juin.
Les paysages sont jolis mais avec ce temps il est plus prudent de laisser l'appareil numérique à l'abri, je remonte sur une trentaine de kilomètres la Yellowstone river jusque la ville de Gardiner, comme d'habitude au début c'est une vallée puis au fur et à mesure ça se transforme en gorges et le relief devient plus abrupte.
Arrivé à la tombée de la nuit à Gardiner je visite cette petite ville touristique, à l'entrée du parc de Yellowstone (qui n'est pas très grand, environ 150 km sur 150 km). Puis après un petit ravito, je me niche sous un préau de l'US postal, au bord de la rivière Yellowstone.

Le 07, la journée s'annonce sous les meilleurs auspices, il fait beau ! Quelques nuages mais rien d'inquiétant. Je continu à remonter la Yellowstone river sur 10 km puis la route que je voulais prendre initialement est fermée à cause de travaux, deux routes traversent du nord au sud le parc, celle à l'ouest passe par les geysers et celle à l'est qui est fermée passe par les sommets. Je prends donc la route des geysers mais les paysages sont moins jolis. C'est joli tout de même !
J'arrive dans le Wyoming, à Mammoth Hot Springs Terraces, où je rencontre, comme à Jasper, au milieu du village, des cerfs qui sont ici en liberté et qui viennent se promener en ville.
Ensuite la route monte en altitude et les voitures qui arrivent en sens inverse sont maquillées de neige, bizarre car il fait encore beau mais ça ne dure pas et la neige se met à tomber de plus en plus, le vent est contraire (du SO) et ça n'arrange pas la sensation de froid (j'avais pas prévu ça et je n'ai que peu d'habits sur moi), je suis vite gelé mais la neige tombe maintenant très fortement, le ciel et l'horizon sont bouchés, nul endroit pour s'arrêter et le vent est bien fort, il n'y a qu'à continuer pour ne pas se refroidir… ; ce temps dure sur 30 km, je pense un moment faire demi-tour tellement les conditions sont apocalyptiques, je fais même demi-tour, pendant 5km, c'est nettement moins dur avec le vent dans le dos, la sensation de froid disparaît et c'est trop facile même, je pense donc abandonner l'idée de traverser Yellowstone. Et puis, je réfléchis, à quand remonte la dernière fois que j'ai fais demi-tour, que j'ai abandonné, changé d'itinéraires et suis revenu sur mes pas à cause de la météo ? Je ne m'en souviens pas. Il y a eu des tempêtes de sable, des tempêtes de neige, des orages, des déserts traversés, des sommets à 3000 m ou plus franchis, de longues journées froides et pluvieuses… et jamais de demi-tour. Je refais donc demi-tour, direction le sud.
Le temps ne s'est pas arrangé, bien sûr avec la neige les paysages et la forêt de Yellowstone sont féeriques, beaucoup de creeks et cascades jalonnent la route mais avec toute cette neige ce n'est pas facile d'en profiter et il faut faire un peu attention de ne pas déraper.
Sur une aire de repos, sans abri, je m'arrête 10' pour me recroqueviller, me réchauffer et essayer de manger tant bien que mal une barre de céréales, c'est là qu'un bus de touristes allemands s'arrête, les visiteurs commencent à rire et à me prendre en photo, je suis transi par le froid, fatigué et transformé en véritable bonhomme de neige ce qui les amuse, et ils me prennent donc en photo… mais je m'énerve de suite, je ne suis pas un animal du zoo ! Je leur demande s'ils parlent français (pour qu'ils sachent que je suis français) puis leur dit qu'avant de prendre quelqu'un en photo il faudrait peut-être demander et je leur demande aussi si deux guerres mondiales n'étaient pas assez ? Les deux qui m'ont pris en photo s'excusent. Je n'ai rien contre les allemands et ils ont souvent été très gentils lors de mes randonnées en vélo dans leur pays, que ce soit eux ou d'autres ce serait égal, bien sûr ils sont là en vacances pour se promener, dans un bus chauffé et climatisé, je leur semblais sans aucun doute pittoresque et le moment leur semblait amusant mais, bien sûr il neigeait fortement, seul l'intérêt portait à me prendre en photo comme on prend en photo un animal du parc et aucun intérêt (vu le temps à l'extérieur ils étaient pressés d'aller au WC) n'avait été porté pour savoir si j'avais besoin de quelque chose ou sur le voyage, non l'intérêt sur le coup me semblait être de prendre une photo pour dire une fois rentré, " ah celui-là, c'était à Yellowstone, sous la neige, qu'est-ce qu'il pouvait faire là, on dirait un bonhomme de neige, qu'est-ce que c'est drôle, un drôle d'animal dans le parc ", à défaut de voir, dans leur bus, un ours ou un loup.
Après une accalmie, je rencontre des bisons et des cerfs et je peux profiter de la vue sur quelques geysers une fois la visibilité meilleure mais le ciel est toujours bien menaçant ! Arrivé à Old Faithful j'en profite pour prendre un ravito salvateur, sécher un peu les vêtements (quand le soleil apparaît, il refait un peu chaud) et je me demande si je ne resterais pas là pour passer la nuit mais il prévoit encore ce temps pour au moins 5 jours, peut-être 7, puis vient une nouvelle bourrasque et c'est de nouveau le déluge. On est bien en juin et c'est pire que lorsque je suis parti de Montréal le 16 mars !
Une fois à nouveau le temps plus calme, vers 17h, où le vent tombe souvent en fin de journée, je décide de repartir pour essayer d'aller jusque Grant Village, au bord de Yellowstone Lake, il n'y a qu'une trentaine de kilomètres, ce qui serait facile en temps normal, en juin. Les paysages sont sublimes avec la neige, on se croirait à Noël ! Une fois le Craig Pass franchi (à 2518 m), la route descend jusque Grant Village où après avoir encore rencontré en bord de route et sur la route une dizaine de cerfs (mais pas d'ours),  je peux profiter d'un ravito avant la fermeture du magasin.
Le soir je vais me réfugié auprès du visitor center de cette petite ville touristique (vide malgré tout à cette époque à cause de la météo), au bord du lac, il y a un campground un peu plus loin mais il est fermé, de plus il est déconseillé d'y aller car des ours sont dans les parages, au bord du lac, pour la pêche. Aussi je passe la nuit protégé du vent et " au chaud " sous un préau du visitor center en rénovation.

Le 08, après une relative bonne nuit de récupération, après avoir bien mangé et avoir pris suffisamment de provisions, le temps est toujours aussi menaçant. Hors de question de recommencer comme la veille, aussi je met sur moi tous mes habits : pantalon, k-way, tous les tee-shirts, gants (deux paires), bonnet, écharpe, et une tonne de papiers journaux dans les endroits sensibles et ils sont nombreux (dans les chaussures pour protéger les chevilles, sur le thorax et le ventre, et tout le long de la colonne vertébrale, ah, j'ai chaud, ça servira de zone tampon pour capter l'humidité et le froid et ça empêchera la chaleur corporelle de s'évacuer ce qui réchauffera le corps et c'est bien là le plus important).
D'après la carte, il ne devrait plus avoir de grosses difficultés (c'est pour ça aussi que la veille je voulais passer ce dernier pass, au cas où la météo serait pire aujourd'hui, je ne resterais pas ainsi bloqué à Old Faithful Village). La route devrait descendre tranquillement pendant une quarantaine de kilomètres puis, une fois sorti du parc, l'altitude devrait être seulement de 1800 m et peut-être le temps sera plus clément, au pire il y aura que de la pluie mais plus de neige. Dans cette étape du jour il reste néanmoins encore un pass à franchir à près de 3000 m, aussi j'attends le matin l'ouverture du visitor center pour avoir des infos sur la météo et pour savoir si la route est ouverte (je pensais passer faire un détour dans le parc du Grand Teton mais, vu le temps, je doute que cela soit raisonnable, pourtant ça doit être très joli mais comment en profiter sous le déluge). Une fois les rangers arrivés, ils me disent qu'il y aura encore de la neige les prochains jours mais aujourd'hui la route pour sortir de Yellowstone est praticable même en vélo (en fait il y aura des moments où il y a tant de neige sur la route, au matin il n'y a pas encore beaucoup de voitures qui sont passées, qu'il faudra marcher sur environ deux kilomètres en tout avant la sortie du parc), et le dernier pass à près de 3000 m est aussi ouvert, c'est une route commerciale. Je les remercie bien pour ces infos ! A la sortie, une maman avec sa fille venues du Texas me demandent d'où je viens… et sont épatées (surtout la mère, la petite est bien trop jeune) par le voyage, ça donne un peu de courage et ça fait du bien sous ce déluge de voir des sourires amicaux (rien à voir avec les touristes en bus de la veille).
Après avoir fait ces 40 premiers kilomètres j'arrive enfin dans le parc du Grand Teton, à 1800 m, et la neige s'est arrêtée de tomber, il y a même des éclaircies, il fait plus chaud, mais les sommets du parc du Grand Teton restent bouchés et il doit bien neiger sur ces hauteurs aussi je ne reprends pas la route du SO mais la direction du dernier pass, à l'est, pour retrouver ensuite les Grandes Plaines, dans le Wyoming, et des altitudes plus raisonnables, sans neiges.
Après être sorti du parc du Grand Teton et n'avoir toujours pas revu d'ours (ils doivent être restés à l'abri), je longe en partie la Snake river (longue rivière tortillante du NO des USA qui finie par rejoindre la Columbia river et le Pacifique), puis je commence la grimpette du dernier pass et sans aucun doute du dernier sommet à près de 3000 m, sur les Rocheuses, dans ce parcours en Amérique. La montée se fait sans trop de problème grâce à un vent de SO et d'ouest favorable. Un peu avant l'arrivée au sommet, je croise trois cyclos randonneurs, américains, allant à Yellowstone, ils ont l'air bien fatigué avec ce vent de face, ils me demandent comment est le temps là-bas, je leur dis que c'est le déluge pendant encore au moins cinq jours et qu'il faudrait éviter d'y passer, ils me regardent incrédules et hagards, pourtant ils verront bien dans la descente que les sommets là-bas sont bouchés, ici on est à près à 3000 m, il y a un peu de neige, à Yellowstone, c'est des sommets à 2500 m mais ils sont coincés entre d'autres sommets à l'ouest et à l'est plus haut, à 3000 m environ, comme ici, aussi ça doit faire une sorte de cuvette où les nuages restent plus longtemps, stagnent et il neige… beaucoup.
Une fois Togwotee pass (2900 m) franchi, il s'ensuit une longue descente pour arriver dans la vallée de la Wind river, à 1800 m, le vent est très fort maintenant mais de dos ! J'hésite longtemps à rester ou non dans la jolie ville de Dubois (ici, dans le Montana et le Wyoming, il y a beaucoup de noms français pour des villes ou forêts ou reliefs ou rivières… car c'était une partie de la Nouvelle France, au XVIIIème siècle, de même que l'Oregon, l'Etat de Washington, l'Alberta, la Colombie britannique…) mais avec ce vent de dos en rafale à 100km/h, c'est comme une invitation à aller vers l'est et au retour à Montréal. Je poursuis donc dans la vallée de la Wind river sous le soleil couchant et avec ce vent l'étape fera plus de 240 km.
Le soir, je me pose pour la nuit à l'abri du vent grâce à un arbre et des buissons, dans une aire de repos, en bordure de route (peu fréquentée) où il y a aussi deux trucks qui passeront la nuit.

Le 09, je pars au matin que vers 9h après une nuit difficile à cause du vent fort et froid. Une fois le soleil levé, la température augmente et devient agréable, je pensais que le Wyoming serait verdoyant avec de belles forêts (dans l'imaginaire) mais ce n'est pas du tout le cas ! Pourtant je l'ai traversé d'ouest en est, sur toute sa longueur, ce n'est plus les grandes plaines du Montana mais de hauts plateaux semi arides (environ 1500 m d'altitude), il n'y a pas vraiment de terres cultivées (voir cultivables), on trouve quand même quelques bétails éparses dans de grands espaces (pour que l'herbe soit suffisante pour les nourrir).
Le vent est encore bien de dos, ça souffle, l'étape sera de 282 km à une moyenne de 29 km/h ! Beaucoup d'encouragements, de klaxonnes amicaux de motards ou trucks sur cette partie de route. En arrivant vers Casper, il y a des montagnes aux sommets atteignant 2000 m, donc le terrain commence à devenir un peu plus vert car sans doute ces montagnes bloquent les nuages venant de l'ouest engendrant plus de précipitations dans cette contrée, d'ailleurs, avant Casper, il a failli tomber une averse.
J'arrive donc à la tombée de la nuit à Casper, pour le ravito, car il n'y en a pas beaucoup sur la route (ce jour là il fait bien chaud (30-35°C) et il y a un seul point de ravito sur 160 km, un petit café perdu au milieu du désert, heureusement que le vent n'est pas de face !) et le soir je passe une bonne nuit encore à côté du visitor center, tranquillement.

Le 10, après une bonne nuit à Casper, je rejoins un magasin de vélo qui ouvre à 10h, le réveil s'est fait de bonne heure et j'attends donc… c'est long. Le magasin ouvre enfin, j'achète un pneu puis demande de vérifier la roue avant car hier il me semblait qu'il y avait un problème (en fait c'est, après la journée d'aujourd'hui je le constate, pas un problème de roue mais de fatigue… la roue fera très bien le reste du voyage), le type ne vois rien mais dit que ma roue arrière est à changer ! Alors que je ne ressens aucun ennui, je lui dis que ce n'est pas la peine (elle fera aussi très bien le reste du voyage) et sans rien me dire il commence à s'apprêter à changer mon pneu arrière (usé) afin bien sûr de gagner un peu d'argent (car il faut payer pour ça, les tarifs sont affichés), je lui dis que ce n'est pas la peine, que je peux le faire et ne paye que le pneu neuf ! Des fois (même souvent) ceux qui tiennent les magasins de vélo sont de vrais charlatans !
Finalement j'ai perdu mon temps et je reprends la route que vers 11h, le vent est très fort, de face au départ , de NO, c'est très dur, comme je vais d'abord vers le nord, et ça me rappelle quand j'allais vers SF, aussi je prends la chose avec patience. Le terrain est assez monotone et il n'y a pas grand chose à voir, dommage encore qu'il n'y ait pas plus d'arbres en bordure de routes ou de haies pour protéger un peu du vent.
Ensuite, il se met à pleuvoir à verse et le vent s'affaiblit du coup, tant mieux ! J'arrive enfin, après avoir vu de nombreux pronghorns sur et à côté de la route, à la tombée de la nuit dans la ville de Wright où je prends un bon ravito et après je pars pour dormir à côté du visitor center, au milieu d'un parc. Il pleut jusque 6h du matin ! La ville de Wright est au milieu de rien, elle a été fondée et existe encore parce qu'il y a des mines de métaux… toutes proches, sinon cette ville n'existerait pas.

Le 11, je me lève qu'à 7h (il fait jour à 5h30), le ciel commence à se dégager mais ce n'est que périodique car je suis poursuivis par une longue flopée de nuages (on dirait de gros vaisseaux spatiaux) par derrière, le vent vient de l'ouest et je l'ai souvent de dos, la route est toujours aussi désertique jusqu'avant les Black Hills où je rentre alors dans le Sud Dakota. J'évite les averses qui tombent un peu de tous les côtés, soit en accélérant, soit en m'arrêtant pour faire une pause quand je vois les gros nuages noirs passés par devant, de la gauche vers la droite (ça fait comme de grands rideaux).
Sur la route, dans le Wyoming jusque New Castle, il y a beaucoup de creeks asséchés sinon la terre est assez vaseuse. Arrivé dans les Blacks Hills, avant Custer, je croise un grand nombre de véhicules militaires, je n'en ai jamais vu autant ! Certains me saluent d'ailleurs. Est-ce pour voir les têtes des quatre présidents américains sculptées dans la roche du mont Rushmore ? Ou y a-t-il une base militaire qui n'est pas marquée sur la carte ? Peut-être, les Blacks Hills, ancien lieu sacré des indiens, sont bien situées, c'est le seul vrai obstacle entre les monts Appalaches et les Rocheuses (après que des hauts plateaux arides ou des plaines vallonnées), de plus c'est près de la frontière du Canada (ancien ennemi car ancienne colonie britannique, le XIXè s. a été ponctué par de nombreux conflits et tensions entre anglais et américains). Peut-être se passe t-il quelque chose dans ces collines où il y a de très nombreuses cavités (très peu se visitent) dont une qui a plus de 200 km de réseaux de galeries ! Je rencontre encore de nombreux cerfs et pronghorns en route, parfois on fait ensemble un peu la course.
J'arrive après avoir franchi en partie les Blacks Hills vers 18h dans la ville de Custer fondée au XIXè s. par des chercheurs d'or, ce qui a entraîné la révolte de Crazy Horse car les blancs ne devaient pas s'installer, d'après les traités passés, sur ces terres sacrées, il y a aussi dans cette ville un monument à la gloire de Custer, pourtant c'était loin d'être un bon celui là et après avoir massacrés des indiens il se trouva, lui et ses 1200 hommes, encerclé par des indiens qui les massacrèrent tous, à leur tour.
J'hésite à continuer mais je préfère m'arrêter là car le temps est instable, j'ai faim et cette petite ville recèle de choses un peu intéressante (musée…) et est assez jolie (c'est touristique). D'ailleurs, le soir, je dors tranquillement sur la paille dans une étable reconstituée à l'occasion à côté du musée et d'une ancienne charrette.

Le 12, la journée commence par des montées et des descentes dans les Blacks Hills où je passe devant la statue de Crazy Horse (pas encore finie, et loin de l'être, elle a commencé à être construite en 1948), ce sont les natifs, réunis, qui ont choisi un des leur (ils ont décidé que ce serait Crazy Horse) pour les représenter sur leurs montagnes sacrées, sans doute pour " contrer " ou pour ne pas les oublier car dans une autre vallée, sur le Mont Rushmore, ce sont quatre têtes de présidents américains qui sont sculptées dans la roche (Georges Washington, Thomas Jefferson, Franklin Roosevelt et Abraham Lincoln). L'un comme l'autre, l'aspect commercial est bien présent puisqu'il faut (en théorie, et surtout pour les véhicules) payer pour pouvoir y accéder, c'est interdit normalement de s'arrêter sur la route (pour prendre une photo).
Entre Custer et Rapid City, on passe de 1600 à 800 m, grâce à une longue descente, j'en profite pour trouver un magasin de vélo et acheter un cuissard car le mien est bien triste maintenant (les deux sont craqués par l'usure, heureusement les trous situés à l'arrière ne sont pas aux mêmes endroits, c'est pour prévenir ce problème, qui peut aussi arriver dans une chute, que j'en garde toujours deux).
Le vent vient ensuite, après Kadoka, du nord, et il est de face puis la route bifurque et le vent vient du NO donc ça va beaucoup mieux et ça roule, il n'y a pas grand-chose non plus… Il fait beau et il y a peu de nuages, cependant ça commence à se couvrir en fin de journée. Je traverse aussi les Badlands, où les paysages sont jolis, ce sont des terres incultes, il y a de petits creeks asséchés qui ont creusé la roche friable et on a l'impression que le terrain par endroit s'est effondré, le vent a aussi un rôle dans l'érosion de ces terres créant et modelant des petites falaises.
Le soir j'arrive à Kadoka où je dors dans une station essence abandonnée, en face d'une autre (ouverte toute la nuit) où de nombreux trucks passent aussi la nuit.

Le 13, la journée se passe bien, le réveil s'est fait à 7h même s'il fait jour ici à 4h30 ! Il n'y a pas beaucoup de monde sur ces routes secondaires, le vent est toujours de dos, ça donne comme une impression de glisse et de voler dans les airs, même dans les montées, heureusement car il n'y a pas beaucoup de point de ravitaillement.
Sur la route, je croise une voiture qui me rattrape ensuite et on me demande pour me poser des questions, c'est une dame avec ses deux enfants, ils viennent du Colorado et sont partis en voiture pour plusieurs mois jusque Montréal, NYC… Et ils m'ont même vu la veille dans les Badlands, avant la tombée de la nuit. Les deux garçons ont l'air épaté par mon voyage, et ils recherchent des réponses à la question " qu'est-ce qui est beau dans la vie ? ". La vie bien sûr, voir les animaux que l'on dit sauvages vivre en liberté, écouter le chant des oiseaux, voir des glaciers, de la forêt, des déserts… Quoi de plus beau que le sentiment (faux) de liberté et de se sentir vivre ?
Le temps était très beau aujourd'hui ! L'étape traverse vraiment des grandes plaines et des grandes prairies, non arides, en partie marécageuses. Beaucoup de chevaux et de fermes, la route passe aussi au-dessus du Missouri, grand fleuve rejoignant le Mississipi, plus loin, bordé de collines boisées.
J'arrive le soir après plus de 280 km à Platte où je dors pendant 10h à côté du bâtiment de la légion américaine.

Le 14, la route se passe bien avec le vent plus ou moins dans le dos et la route est assez plane, ce sont beaucoup de prairies ponctuées de marais sur des centaines de kilomètres, la journée est belle et chaude (35-40°C) ! Beaucoup d'oiseaux et les chants sont agréables, aussi cette journée est un vrai jour de chants (ça change des jours où il n'y a pas d'oiseaux ou aucun bruit mis à part celui des voitures ou du vent de face). Il y en a un nouveau, je l'ai appelé " l'oiseau espion " car quand il chante on a l'impression qu'il fait du morse ; il y a aussi les chiens de prairies mais ils sont très furtifs et toujours des cerfs ; on trouve encore " l'oiseau rieur " qui reste mon préférait (rire moqueur qui met de bonne humeur) avec son col blanc et des dessous d'ailes blanches également ; enfin on trouve " l'oiseau amoureux " qui fait des bisous quand il chante !
Le soir j'arrive dans la ville de Canton, à 7 km de la frontière entre le Sud Dakota et l'Iowa, où, après un ravito, je dors à côté de la bibliothèque de la ville.

Le 15, le départ de Canton se fait dans la douceur, après une nuit assez bonne. Sur la route je rencontre quelques personnes qui, comme c'est déjà arrivée, me disent qu'elles apprécient ce trip (dans la station essence du matin, quelqu'un dans sa 4x4 avec sa femme qui s'arrêtent pour me demander où je vais…, un client dans un magasin d'alimentation). Parfois on me demande pourquoi je fais ça, je réponds souvent que j'en sais rien, c'est juste parce que j'aime ça, voyager aller dans des territoires encore jamais vu de mes propres yeux, parfois on m'a dit que c'était égoïste, peut-être est-ce vrai en partie, mais n'est-ce pas aussi égoïste que de se marier, avoir une maison et la vie tranquille et puis, après un voyage, ceux qui le désire peuvent partager photos et histoires… Pourquoi partir ? Ca a toujours été comme ça, surtout depuis l'âge de 11-12 ans, dessiner des cartes, voir les paysages, bouger (encore plus par ses propres moyens et le vélo s'y prête bien à l'époque d'aujourd'hui, c'est plus lent qu'en voiture et on peut mieux en profiter, aussi entendre les bruits, c'est sûr qu'il y a 100 ou 200 ans ça aurait été fait à cheval certainement, c'est presque très difficile aujourd'hui car il y a peu de relais… quoique). Et puis chaque société a ses règles inconscientes, celles-ci diffèrent selon l'époque et le lieu où on habite, pourquoi s'enfermer dans ces règles et ces modes de vie ? Finalement, le voyage, l'envie de s'en aller dans d'autres contrées font aussi partie intégrante de la nature humaine, peut-être plus chez certains, pour d'autre ce sera la passion de la musique ou de la peinture ou d'autres choses. Malheureusement tous ne peuvent réaliser leur passion, quand il y en a une, il faut aussi une part de chance, né africain cela aurait sans aucun doute été plus compliqué. Bien sûr certains voyageurs disent que c'est pour le sentiment de liberté, de bien-être, ceci est purement chimique, avec l'effort le corps secrètent de l'endomorphine, drogue endogène pour diminuer la sensation de douleur (due à l'effort) ce qui donne ce sentiment de bien-être. Alors la rencontre des autres ? Oui, aussi, pourquoi pas, mais on peut rester chez soi et regarder aussi chez ses voisins, qui à Paris peut se vanter de connaître le mode de vie de ses 10 millions d'habitants et d'en apprécier toutes les facettes ? En fait l'envie de voyage fait tout simplement partie de la nature humaine, certains y sont peut-être plus disposés que d'autres ?
Il fait moins chaud aujourd'hui (30°C) et c'est plus supportable, ce sont toujours ces grandes et belles prairies, l'herbe est bien verte et il y a quelque bétail, beaucoup de petites fermes éparses. Je passe aussi par le plus haut point de l'Iowa qui dépasse à peine 500m, c'est après un long petit faux plat en haut d'une plaine.
Arrivé en Iowa après avoir passé la rivière Big Sioux (qui sert de frontière, pour une fois, c'est rare car ce sont souvent des latitudes ou longitudes), la route se dégrade, elle est bien craquelée et il faut faire attention avec la circulation (quand un trou de 10 cm de profondeur se présente devant vous, il vaut mieux regarder derrière si une voiture ou un truck n'arrivent pas). Un moment je regarde le paysage et une voiture double une autre voiture qui est aussi en face, je braque le vélo juste à temps pour ne pas me prendre le pare-choc ! Ca devrait être interdit aux voitures de doubler quand un cycliste arrive en face, ils sont fous !
On rencontre aussi de plus en plus souvent, comme en Europe, des bandes rugueuses sur les shoulders ou en même temps sur les lignes blanches à droite ou à gauche de la route, je veux bien que ça aide les conducteurs à se réveiller mais c'est dangereux pour les cyclistes car ça les ramènent dans le flux de la circulation, c'est encore plus dangereux quand il y a beaucoup de circulation et de trucks et que la route est étroite (comme en Pologne où il m'a fallu faire quatre sorties de route pour éviter… je préfère pas le savoir). Ce n'est pas encore trop à la mode en France, tant mieux !
Le soir, après une étape assez plane et un vent en général favorable, j'arrive dans la petite ville d'Armstrong où je prends un ravito puis fais un tour pour la visiter, ensuite je vais manger dans un parc public (pas clôturé mais où il est normalement interdit d'aller quand il fait nuit) où il y a une halle, trois enfants arrivent en VTT, me disent bonjour puis tournent un peu autour de moi et viennent m'aborder quand je commence à écrire mon carnet de route. Ce sont deux sœurs et leur frère, entre 7 et 11ans, ils sont surpris de voir un français et sont heureux d'entendre mes anecdotes avec les loups, les ours, et de voir les photos que j'ai prise, on parle une petite heure, puis fatigué je leur demande s'ils ne devraient pas rentrer chez eux (il est 21h) mais non, on continu encore à parler une bonne demi-heure, avec plaisir avant qu'ils me disent que maintenant ils doivent y aller, ils espèrent me voir le lendemain avant d'aller à l'école (mais je serais levé avant eux et déjà sur la route). C'est agréable de parler aux enfants, un rien leur suffit, ils sont naturels, instantanés et innocents, ça devrait toujours l'être en tout cas. Souvent moins craintifs que les adultes, sur toutes les routes se sont bien souvent eux qui me donnent le plus de sourire et de " bonjour monsieur.. " quelque soient mes habits, nationalité…
A Armstrong, je passe donc une bonne nuit, pas fraîche, et donc sans trop de vêtements, posé et reposé.

Le 16, le réveil se fait à 6h (le jour se lève à 4h30 !), beaucoup de circulation aujourd'hui avec trucks et routes craquelées, j'arrive de plus en plus vers la zone des grands lacs et décide aussi d'éviter Chicago et Détroit pour aller au Canada en passant par le nord (Milwaukee, traversée en ferry du lac Michigan…). Le terrain est plus ou moins plat, avec quelques bosses, toujours des prairies et des vaches ou cochons comme bétail et de nombreuses fermes.
Le soir j'arrive à Decorah qui est une jolie petite ville que je prends le temps de visiter après un ravito, d'ailleurs dans l'Iowa, les maisons sont plutôt jolie en général, certaines sont mêmes en pierres. La nuit se passe à côté d'une église protestante.

Le 17, après une très bonne nuit et un réveil tardif à 9h je m'aperçois que le pasteur de l'église protestante, entrain de balayer devant son église, ne m'a pas tapé dans le derrière comme s'est arrivé en Finlande. Je lui dis bonjour mais il me regarde bizarrement et ne dit rien, enfin il n'a pas appelé la police.
Dans une station essence, à Fennimore, où je m'arrête pour le ravito, deux personnes viennent me voir encore pour me poser des questions sur le voyage… L'un d'eux est conducteur de truck, Jeff, d'origine écossaise et française (il aime donc bien les français) et catholique, il veut me donner une croix (que je refuse, sans doute par culture de la laïcité en France et puis je ne suis pas sûr de vraiment croire en Dieu, même si pour ne pas entrer dans de longs débats et contrarier les gens je dis que je suis croyant et catholique quand on me le demande, surtout en Afrique où beaucoup de musulmans ne comprendraient pas que l'on soit athée, c'est le pire de tout et aussi aux USA où la religion n'est pas un sujet tabou comme en France et en Europe, je suis croyant, oui, dans le sens où il y a des forces… dans l'Univers…) et il me propose de venir dormir chez lui… mais c'est à 80 km au sud, à Dubuque (nom français me rappelle-t-il) or je vais droit vers l'est, je refuse donc l'aimable invitation.
Aujourd'hui il fait bien beau, la route longe en partie le fleuve Mississipi que je passe ensuite après la ville de Marquette et la route dans le Wisconsin est meilleure que dans l'Iowa ! Je fais aussi beaucoup de rencontre avec les oiseaux dont j'aime les chants, on trouve aussi " l'oiseau suiveur ", à col jaune-orange, il fait aussi un peu comme du morse mais il n'est pas tout de plumage noir comme l'oiseau espion, c'est bizarre quand je passe et qu'ils sont sur un fil électrique alors ils s'envolent pour passer et repasser au-dessus de moi et ainsi de suite, ils me suivent sur une centaine de mètres puis retournent sur leur fil. Il y a toujours bien sûr des corbeaux !
Beaucoup de piqûres de moustiques aussi mais je n'y prête pas vraiment assez d'attention (toujours pas de risque de paludisme). Les gens ont l'air plus cool que dans le sud des USA, j'ai toujours pas vu de patrouille de police ni de rondes depuis le Montana (c'était au moins une fois par jour dans le sud des USA), il y a plus de " barbus " aussi et de " cheveux longs ".
Le soir j'arrive dans Dodgeville où, après la visite du centre (assez joli aussi, les villes sont plus souvent en pierre ou en tout cas il y a des bâtiments en bois qui sont assez anciens), je m'endors en arrière d'un centre commercial.

Le 18, la nuit fut bonne et le réveil fort matinal et le départ se fait pile à l'aurore afin de rallier en fin de journée la ville de Milwaukee, à un peu plus de 240 km de Dodgeville. La route est d'abord tranquille puis il y a, 80 km avant Milwaukee, de plus en plus de voitures… alors qu'il y a une autoroute parallèle juste plus au nord, ce qui ne les empêchent pas de rouler vite et la route est de nouveau mauvaise (craquelée). Et il y a toujours ces conducteurs de voitures stupides qui arrivent en face et qui doublent alors que j'arrive et me passent devant parfois à 100km/h à 50 cm de moi et mon vélo, j'ai horreur de ça !! Aussi je ne peux m'empêcher de me décaler parfois vers le centre de la route (juste 2 m par rapport au bord extérieur de droite) pour m'amuser aussi à leur faire peur (eh oui s'il me rentre dedans ça va leur coûté cher car ici nul ne sait que je suis français mais tous savent que les américains sont procéduriers).
Au début de la journée, les paysages sont toujours aussi jolis, il y a de nombreuses plaines, collines jalonnées de vallées, ça ressemble un peu au Périgord-Quercy ou à la Bretagne, avec ces petits villages et hameaux.
Toujours des voitures qui ont un coup de klaxonne amical et une dame qui me pose des questions et aimerait bien voyager (décidément dans le Wisconsin j'ai des fans).
Arrivé enfin dans le centre de Milwaukee où il y a une population assez cosmopolite, sans trop de quartiers (par rapport à NYC) avec mexicains, noirs… dont certains regardent mon vélo avec un air envieux…
Assez fatigué par toute cette circulation, je n'ai aucune envie d'aller me promener dans les rues aux bords des gratte-ciels. Aussi je vais prendre le ravito, puis je pars regarder les horaires de ferry et longe un peu les bords du lac Michigan jusque le petit port de plaisance de Milwaukee où je décide de m'installer sur un banc, au bord du lac, pour y passer la nuit, sous un ciel magnifiquement étoilé et une jolie pleine Lune. Enfin du calme : c'est dur de revenir dans une grande ville après plusieurs semaines sans ce contact automobile acharné ! Ici en ville il y a beaucoup de monde, les gens conduisent comme des singes le feraient avec un jouet. L'Homme a deux jouets surtout, le chien et la voiture, les deux sont dangereux pour les cyclistes ! Beaucoup de bruits ici et les citadins ne peuvent sortir que dans des parcs cloisonnés pour courir et croire…


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Chronique 9 : de Milwaukee à Montréal


" Autour des grands lacs et du St Laurent… "
(1.593 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/HV7q45ALsFawzgUV8

19/06, Milwaukee - Montrose, 218 km
20/06, Montrose - Alvinston, 238 km
21/06, Alvinston - Dunnville, 260 km
22/06, Dunnville - Pickering, 250 km
23/06, Pickering - Kingston, 277 km
24/06, Kingston - Rivière Beaudette, 237 km
25/06, Rivière Beaudette - Montréal, 113 km
26/06, repos à Montréal.

Le 19, le réveil se fait dès 5h, à l'aube, avec une vue sur un joli levé de soleil à deux mètres du lac Michigan. Je prends le ferry à 6h pour la traversée du lac et arriver à 8h30, de l'autre côté, à l'est, à Muskegan. Encore beaucoup d'encouragements (la dame qui vend le ticket, et encore des klaxons amicaux sur la route…), l'effet barbe, l'aspect baroudeur…c'est un peu comme le marin qui rentre au port.
Encore une heure de perdu avec le passage d'un fuseau horaire, à force, en comparant l'heure sur mon compteur de vélo et le levé et couché du soleil, j'arrive à savoir à un ou deux jours près que c'est le moment de changer d'heure.
Après une bonne sieste dans le ferry je pars vers 10h30 de Muskegan pour enfin commencer la route en vélo avec un bon vent dans le dos. Beaucoup de champs et prairies, c'est souvent bien plat, une campagne verte avec de gros nuages mais pas de pluie et une route bonne. Sur la route je trouve aussi quelques fermes habitées par des gens habillés comme au XIXè s., j'en croise aussi en calèche, certains de leurs enfants me disent aussi bonjour. Bizarre, pourquoi s'arrêter au siècle dernier et pas à une autre époque ? Est-ce que les enfants ont le choix ?
Le soir j'arrive dans la ville de Montrose que je visite, il y a beaucoup de fils électriques et téléphoniques qui traînent un peu partout en l'air, c'est assez courant aux USA et ça fait même partie du décor. C'est assez joli et, contrairement à beaucoup de villes du sud, on trouve plus de parcs qui ne sont pas fermés, il y a aussi plus de centres sportifs. D'ailleurs cette nuit, après le ravito, je dors tranquille à l'arrière du gymnase de la ville.

Le 20, il y a beaucoup de brume au matin ce qui n'empêche pas les oiseaux de chanter, vers 12h ça se dégage et le soleil apparaît à nouveau ; ici on est " coincé " entre les grands lacs Michigan, Erié et Huron, c'est donc pas vraiment étonnant, c'est comme près de l'océan et ça doit arriver souvent.
Encore quelques coups de klaxons d'encouragements sur la route, des regards interrogateurs de personnes en bord de route. La sortie des USA fut inattendue, lorsque je prend l'échangeur pour passer sur le pont de la rivière Saint Clair (qui relie les lacs Erié et Huron et qui sert aussi de frontière entre le Michigan et l'Ontario), j'arrive à un péage (douane) et on me dit que le pont est interdit aux cyclistes, je m'excuse et m'apprête donc à faire demi-tour pour prendre la route au sud et 30 km plus loin prendre un bac qui traverse la rivière qui sert encore de frontière. Mais une black vient à ma rencontre et me dit d'attendre, puis elle revient, demande ma nationalité, si j'ai les passeports… puis elle appelle une de ses collègues pour qu'elle amène un pick up, on charge le vélo dedans et nous voilà à trois passant le pont direction l'Ontario et le Canada. Au volant c'est du rap américain, à fond la caisse, arrivé à la frontière canadienne, la douanière de l'Ontario me demande si j'ai des boissons, je réponds de l'eau et du soda, la douanière black américaine est morte de rire (c'était bien sûr pour l'alcool qu'elle demandait ça en fait). Et voilà, elles me déposent au bureau de la douane du Canada, et je les remercie pour cette course (même si le pont aurait pu être pris en vélo). A la douane du Canada, la douanière me dit qu'elle aime bien mon accent (c'est déjà arrivé plusieurs fois qu'aux USA aussi on me dise ça, une question de sonorité, sans trop savoir laquelle, mais ça plaît souvent) et elle reste incrédule devant les dates imprimées par les tampons sur le passeport et me demande deux fois si j'ai pris l'avion, eh bien faut dire qu'avec le vent dans le dos, le plus souvent d'ouest en est, ça va vite et les jours sont aussi plus longs.
Dans le Michigan et cette partie de l'Ontario, on retrouve encore beaucoup de longues plaines et des prairies, avec parfois quelques bois. En longeant ensuite sur plusieurs kilomètres la Saint Clair river, en direction du sud, on constate qu'il y a un paradoxe entre la présence de nombreuses usines chimiques… et la présence de nombreuses très belles villas avec aussi des petits ports de plaisance juste les uns à côté des autres.
Le soir j'arrive à la tombée de la nuit à Alvinston où je prends un ravito puis fait une visite de la ville, comme souvent, aussi pour chercher un endroit où dormir. Je me pose à côté du visitor center et commence à m'endormir vers 00h quand juste arrive… la police. C'est une dame, elle me pose les questions habituelles, contrôle du passeport… Elle est charmante et me parle un peu en français. Elle me demande aussi si j'ai pris l'avion (ben non), si c'est bien moi qui ait fait ça (ben ouah, pourquoi ?) et si je veux aller dans un motel ! Elle me propose de mettre mon vélo dans sa voiture de police pour me conduire à un motel, mais il n'y'en a pas dans cette ville et il faut donc faire 30 km pour aller dans la ville suivante plus grande. Drôle de proposition, elle a beau être charmante, elle n'a pas peur d'être seul à minuit passé avec un inconnu en vadrouille dans sa voiture. Je lui dit qu'il est tard, que je suis fatigué mais que j'ai dormi que 4 fois en motel (ce qui la surprend beaucoup) et que ce n'est pas nécessaire, en plus vu l'heure… Finalement elle me dit au revoir et que je peux rester dormir là… si je ne casse pas le building (" don't break the building ? ").

Le 21, le réveil se passe bien après une nuit assez courte, ensuite la route prend la direction du sud pour longer le lac Erié, sur sa côte canadienne, jusque Niagara Falls. Beaucoup de maisons aux aspects plutôt british, les pelouses sont bien tondues et les jardins rarement séparés par un grillage. Les noms de villes sont aussi bien britannique (Oxford, London, Cambridge…). Finalement les québécois défendent aussi la culture française en faisant ce qu'ils font, la langue française notamment a encore un espace dans cette Amérique du nord anglophone (voir hispanique dans le SO des USA), grâce à ces quelques francophones canadiens. En Ontario il n'est pas rare de voir flotter le drapeau britannique, même sur des bâtiments officiels (d'ailleurs le drapeau britannique est une partie du drapeau de l'Ontario comme aussi du drapeau de la Colombie britannique, la reine d'Angleterre occupe une face de toutes les pièces de monnaies du Canada aussi les québécois voudraient avoir leur propre monnaie…), les habitants ont sans aucun doute un sentiment d'appartenance à l'Angleterre, la plupart sont des descendants de réfugiés ayant quitter les USA suite à leur indépendance.
Le temps reste assez couvert avec quelques averses. Le paysage est formé de beaucoup de prairies et champs, avec toujours quelques fermes, ici environ une fois sur deux elles sont en pierre ou en brique (presque toujours en bois aux USA). Malheureusement il y a beaucoup de centrales électriques et d'usines industrielles aux abords du lac Erié, quelques éoliennes aussi sans doute en nombre insuffisant et dire que certains trouvent que ça gâche le paysage, en passant à côté le bruit est quasi nul alors que les déchets radioactifs resteront dans le sol ou ailleurs pour des centaines de millions d'années, mais on ne les voit pas et on ne les sent pas ! Tout le monde connaît leur nocivité j'espère…
Le soir j'arrive à Dunneville, près des bords du lac, il pleut pas mal en fin de journée et je me réfugie, pour passer la nuit, au bord de la rivière sur le balcon et sous un préau d'un ancien Travel Center de la ville, maintenant fermé.

Le 22, d'abord il y a peu de monde sur la route puis 40 km avant Niagara Falls ça change et c'est reparti pour beaucoup de circulation pour cette étape qui longe aussi le lac Ontario ensuite jusqu'après Toronto… C'est que de l'agglomération et des zones habitées, parfois on passe par des quartiers assez pauvres, puis par des quartiers avec de belles villas et ainsi de suite, tout le long du lac Ontario, avec quelques usines aussi.
A Niagara, il y a énormément de touristes pour voir les chutes, j'y avais été une 1ère fois d'ailleurs il y a plus de 15ans, j'avais été impressionné mais pour cette 2nde fois je n'y retrouve plus la magie d'autrefois (peut-être du à l'âge adulte ou je deviens plus compliqué… car il y a trop de touristes et l'aspect est trop commercial à mon goût, mais c'est le revers de la médaille). Je tombe aussi sur un nombre de cyclistes jamais vu ici à Niagara, ils roulent dans une randonnée pour récolter de l'argent pour le cancer.
Après avoir revu les chutes (Horseshoe Falls et American Falls), la route longe la jolie Niagara river (qui relie le lac Erié au lac Ontario) aux belles falaises abruptes où volent quelques rapaces. Je continue jusqu'au début du lac Ontario où se trouve le fort Niagara (où flotte le drapeau britannique et non celui du Canada, on me dit que c'est historique).
Avant Toronto, je parle un peu avec un type qui travaille à la station essence, il me dit que sa copine est française (québécoise) et je lui dis qu'il faudrait une union entre les USA-Canada-Europe-Japon-Australie, il apprécie (et après je pense qu'il faudrait y mettre tout le monde). Puis je suis pendant 15 km un canadien qui habite Toronto et avec qui je roule jusqu'à l'entrée de cette ville, il aime beaucoup les voyages et fait son entraînement (c'est dimanche), d'ailleurs il a traversé les Pyrénées en trois semaines et des cols des Alpes (en vélo) et a voyagé en voiture jusqu'à Jasper (de l'autre côté du Canada quasiment).
La traversée de Toronto se fait de nuit, je mets les lumières puis m'y baladent (j'adore ça), sur le bord de route où il y a des chicanes il y a assez souvent des types (on dirait des " mort-vivants " entrain de tituber et de fumer parfois du hachisch) qui demandent de l'argent aux automobilistes (sans doute pour s'acheter un peu de leur drogue…).
Le soir je m'arrête finalement après avoir encore roulé avec les lumières 20 km dans l'agglomération de Toronto, à Pickering à un endroit où je pensais ne faire q'une pause mais avec la fatigue, je m'endors dans un parc où je pensais qu'il y avait une église. En fait le lendemain matin je me rendrais compte que c'est une école.

Le 23, la journée est bonne avec un vent favorable, ça fera une bonne étape de 277 km, mais la route est étroite et ici les canadiens roulent comme les français avant l'installation de radars, c'est-à-dire qu'ils ne respectent pas les limitations de vitesse et font souvent du 100 km/h. Les centres villes sont plus souvent mieux soignés qu'aux USA (comme à Cobourg, Trenton fondée en 1786…), ça fait toujours très britannique et c'est sans doute aussi pour ça ; cependant il y a toujours beaucoup de trous sur les routes et il faut rester attentif, alors qu'il y a une autoroute parallèle à la route, 3 km plus au nord.
On trouve maintenant quelques vergers (cerises, pommes…), toujours beaucoup de plaines et quelques belles villas.
En fin de journée, j'arrivé à Kingston, ville construite par les anglais au XIXème s. entre le lac Ontario (anciennement lac Frontenac, à l'époque de la Nouvelle France) et le fleuve Saint Laurent pour faire face au risque de conflits… avec les américains.
Après un ravito et une bonne petite visite de cette jolie ville qui compte de nombreux bâtiments en pierre, je me dirige vers le Collège Royal des officiers canadiens de Kingston, juste au bord du lac Ontario, qui possède un grand parc. Cette école reste ouverte et je passe une bonne nuit allongée sur leur pelouse, au calme, et hors de la ville.

Le 24 après un bref retour en ville, la route longe le Saint Laurent (qui sert ici de frontière entre le Canada et les USA), avec peu de circulation, pour rejoindre la province de Québec jusque Rivière-Beaudette.
Sur la route je rencontre un canadien de Toronto qui va rejoindre la ville de Québec en vélo, il est bien chargé mais il fait cependant 100 km par jour, et tout ça pour ses études.
Les paysages sont jolis le long du Saint Laurent, il y a moins d'usines, quelques jolis villages en bordure du fleuve aussi avec quelques maisons de pêcheurs, canards, petites barques et bateaux.
Le soir je passe la frontière entre l'Ontario et le Québec, à Rivière-Beaudette, où je m'arrête pour dormir la nuit à côté d'un bâtiment de Bell (les télécommunications). Je prends un petit ravito à la station essence où une dame me fait remarquer que les québécois n'aiment pas trop les français car ils ont trop tendance à se moquer d'eux (" maudits français "), cependant elle me dit que je peux dormir à l'arrière de sa station qui reste ouverte toute la nuit.

Le 25, après une bonne nuit, à côté du bâtiment Bell, c'est la dernière étape avant d'arriver à Montréal et de boucler la boucle américaine, seulement une bonne centaine de kilomètres restant, aussi je ne me presse pas. Je prends le bac pour traverser le lac des Deux-Montagnes entre Corno et Oka, leur bac a des problèmes et il faut attendre 2h (on me dit que l'autoroute, qui passe au-dessus d'un bras de ce lac, est autorisé au vélo, je pensais que c'était interdit… mais je ne suis pas pressé). Ici les canadiens québécois roulent très très mal, ce sont des fous du volant ! Comme en Pologne mais avec des routes pires (plein de trous, pires qu'en Mauritanie ou au Sénégal où malgré les trous les véhicules sont assez lents là-bas donc c'est moins dangereux, ici il faut encore rester attentif).
Il y a pas mal de pistes cyclables ici au Québec toute aussi mal agencée les unes que les autres et avec beaucoup de dangers… Une fois j'arrête deux dames qui viennent en marchant en sens inverse et leur dit que c'est dangereux, elles me disent que c'est à la mode, peut-être ce n'est pas bien fait mais ils prennent exemple sur ce qu'il y a en France, ahah, je leur dis que c'est un mauvaise exemple ! Et qu'il faut plutôt regarder ce qui se passe aux Pays-Bas. Ensuite c'est un policier qui vient en sens inverse qui me dit de rouler sur la piste et non sur la route, je refuse, il est prêt à me mettre une amende…, je lui montre alors les photos que j'ai prise avec des gens qui se promènent en famille et avec un landau sur la piste ou encore quelqu'un en fauteuil roulant en sens inverse, beaucoup de piétons, des arrêts de bus alors que la piste est en sens inverse et qu'on leur arrive de face..., du fait j'ajoute que sans aucun doute les politiciens ne doivent pas faire de vélo, du coup ça le fait sourire et il me laisse repartir… Souvent ce ne sont que des morceaux de piste, on ne peut donc pas vraiment dire que ce sont des pistes si tous les 200 m il faut revenir sur la route ou prendre la piste en face… Aussi seul les Pays-Bas ont de réels pistes, avec des bonnes indications…, quel plaisir d'y rouler et sans aucun doute si on va dans ce pays il faut prendre son vélo !
En fin d'après-midi je retrouve la ville de Montréal, sans la neige, et Aude, où je prévois de rester pour une journée de repos.

Le 26, journée de repos à Montréal, après une bonne douche (nécessaire) et le rasage de la barbe… ; je parle un peu en anglais avec une dame d'origine polonaise… Ensuite je pars pour visiter le biodôme (ancien complexe olympique, où j'ai la nausée de voir les animaux et oiseaux enfermés dans une " cage ", en 15 minutes j'ai fais le tour, je trouve ça honteux, les zoos) ainsi que le très joli jardin botanique de Montréal qui est magnifique ; beaucoup de jardiniers s'affèrent là pour entretenir le jardin botanique, le jardin chinois, le jardin japonais, le jardin des premières nations (les indiens), l'arboretum… Beaucoup de senteurs et de plaisirs (dommage seulement le bruit des voitures qui passent à 100 m de là sur de grands boulevards). Il y a aussi une très belle exposition photo (gratuite), sur une place publique, comme j'avais déjà vu à Stockholm. Je finis cette petite visite en passant voir l'oratoire Saint Joseph proche de Mont Royal et admirer une vue de la ville ?
Le soir je revois Aldéa qui est enchanté de mon voyage qui n'a pourtant rien de fantastique mais c'est mieux que d'entendre des gens dire que c'est égoïste, on parle de tout et de rien jusque 3h du matin ! De toute façon, il faut au mieux faire ce qu'on aime et le faire pour soi, comme ça on est sûr de n'être jamais déçu ! Et tant qu'on ne fait de mal à personne… Avant de passer une bonne nuit sur un matelas, je regarde aussi sur les cartes pour la suite, comme il reste un peu plus de 15 jours avant de reprendre l'avion le 15 juillet à Montréal, pour faire un autre petit tour dans le Vermont, le New Hampshire, le Maine, la Nouvelle Ecosse (peut-être Terre Neuve), le New Brunswick et le Québec.



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Chronique 10 : de Montréal à Québec, et retour à Montréal et Paris


" Des terres de migrations : de la Nouvelle France, de l'Ontario, du Vermont, du Maine, de l'Acadie et du Québec.
Un mixte de complexité, de mélanges et aussi de communautés.
Entre USA et Canada "
(3.460 km)

Photos:
https://photos.app.goo.gl/gGEKfV7f1Kod4hUY6

27/06, Montréal - Coaticook, 182 km
28/06, Coaticook - Jay, 200 km
29/06, Jay - Bar Harbor, 226 km
30/06, Bar Harbor - Shelburne, 121 km
01/07, Shelburne - Chester, 183 km
02/07, Chester - Sheet Harbour, 233 km
03/07, Sheet Harbour - Port Hawkesburg, 214 km
04/07, Port Hawkesburg - Louisbourg, 195 km
05/07, Louisbourg - Ingonish Harbour, 159 km
06/07, Ingonish Harbour - Dunvegan, 175 km
07/07, Dunvegan - New Glasgow, 222 km
08/07, New Glasgow - Port Elgin, 213 km
09/07, Port Elgin - Miramichi, 185 km
10/07, Miramichi - La Nouvelle, 238 km
11/07, La Nouvelle - Ste Anne des Monts, 191 km
12/07, Ste Anne des Monts - Rimouski, 198 km
13/07, Rimouski - Malbaie, 150 km
14/07, Malbaie - Québec, 160 km
15/07, retour à Montréal en bus et environ 15 km pour rejoindre l'aéroport (en vélo…)

Le 27, réveil vers 9h, le temps de préparer les affaires… puis sortie de Montréal encore par le pont Jacques Cartier (cette fois-ci la piste est praticable), la sortie de l'agglomération est plus facile qu'il y a quelques mois grâce à l'absence de neige et d'un temps moins frileux mais la route n'est pas très bien praticable (beaucoup de trous immenses) et les québécois roulent mal…, il vaut mieux toujours rester attentif, dommage car on ne profite pas vraiment du paysage, sur les 182 km d'étape aujourd'hui il n'y a eu peut-être que 30 km de route sans trous ! Les conducteurs me coupent assez souvent la route et oublient des fois que j'ai la priorité (les polonais faisaient aussi souvent ça).
Le temps est beau, même s'il y avait beaucoup de brume à 11h sur le Saint Laurent, et il fait chaud. En fin d'après-midi, les paysages sont plus jolis avec l'apparition des montagnes Appalaches, de prairies et de plaines verdoyantes, et de nombreuses petites fleurs sauvages au bord des routes… On trouve aussi de nombreux petits lacs sur le chemin.
Le soir j'arrive dans une assez jolie petite ville, à Coaticook, où je prends le ravito au bord de la rivière ; ensuite je pars dormir en arrière d'une école et d'un centre sportif.

Le 28, au matin, il y a de gros nuages, le vent est assez faible mais du sud donc de face. Au fur et à mesure que j'avance dans les montagnes Appalaches, le temps se couvre, le ciel devient fort chargé et on ne distingue plus les sommets, la brume s'installe dans la forêt (ce qui me rappelle la remontée de la North Thompson river en Colombie Britannique, il y a un mois) mais il n'y a pas beaucoup de trucks ce qui évite de recevoir une douche à chaque fois qu'un d'eux peut doubler.
La route est meilleure une fois la frontière franchie entre le Québec et le Vermont où je passe brièvement. .Le douanier américain est encore surpris à la vue des dates tamponnées sur le passeport et me regarde repartir avec un air dubitatif et interrogateur. S'ensuit la rapide traversée du New Hampshire et l'arrivée dans le Maine, les paysages de montagnes et de collines sont jolis mais il pleut presque toute la journée. Il y a encore de nombreux lacs et beaucoup de forêts avec de belles rivières cascadantes.
La nuit tombe rapidement avec ce temps et il fait vite sombre, le soleil n'apparaît plus depuis un moment. A la presque nuit j'arrive à Jay où il n'y a rien mais je trouve quand même un ravito et m'endorts alors que la pluie bat son comble, sous le préau d'un centre commercial fermé.

Le 29, le départ s'est fait à l'aube, à 6h (il fait jour à 4h30), seul sur la route on peut entendre une multitude de bruits provenant de la forêt (chants d'oiseaux, craquements de branches, pluie dégoulinante, grenouilles, hiboux…) et il y a encore de très nombreux lacs de montagnes (dont les sommets sont souvent couvert par les nuages).
Je suis de retour aux USA mais souvent on me prend pour un français canadien ou un touriste qui vient d'arriver, j'ai l'impression d'être il y a trois mois au début de ce voyage (on me souhaite la bienvenue… et, quand on me demande d'où je viens, je réponds souvent, pour ne pas compliquer les choses, de Montréal).
Après qu'il ait plu toute la nuit, il pleuvra encore quasiment toute la journée. La route est souvent large et je roule sur la shoulder qui, malgré les risques de crevaisons à cause de morceaux de verres ou de cailloux, est mieux que les routes québécoises ! Le temps se couvre assez rapidement, beaucoup de brume (on est près de l'océan) mais parfois quelques petites accalmies, il ne fait pas trop chaud en l'absence de soleil.
Avant d'arriver à Bar Harbor, où je compte prendre le ferry pour rejoindre la Nouvelle Ecosse (= Nova Scotia), je rattrape deux dames cyclistes qui m'amènent sur la bonne direction car dans la ville précédente il y a des travaux, elles ont un magasin de vélo à Bar Harbor et organisent aussi des randonnées en vélo ou en kayak sur la mer.
Le soir, après un ravito et la visite de Bar Harbor, situé sur Frenchman Bay, assez jolie ville du Maine, dans le parc d'Acadie, je m'endors en arrière de l'hôtel de ville, derrière un mur et une haie pour éviter le vent et les averses qui ponctuent cette nuit sans étoiles (nuages et en ville).

Le 30, après une nuit difficile, je vais pour prendre le ferry, la traversée est cher (91$) et le personnel pas très aimable, si j'avais su j'aurais continué sur la route. Les pieds sont extrêmement douloureux à cause de l'humidité et des fortes pluies (comme s'ils étaient brûlés, à cause des frottements sur les chaussettes humides, ça fait mal dès que la pluie s'arrête et que ça commence à sécher). Le ferry met beaucoup de temps pour rejoindre la Nova Scotia, je décide donc que Terre Neuve sera peut-être pour une autre fois (deux jours de transports en bateaux, entre 7 et 14h de traversée, sinon il n'en restera pas assez pour revenir à Montréal). Sur le ferry la visibilité est nulle pendant le trajet, on ne voit rien, c'est de la véritable purée de pois. Alors j'essaye de dormir un peu.
Arrivé à Yarmouth, je repasse la douane où on me demande si je transporte une arme à feu ! Le douanier est encore impressionné des dates tamponnées et de ce qui a été fait en vélo. Lorsque je vais pour me déshabiller et être en cycliste, il se met à tomber une averse du tonnerre, presque de la grêle ! En cinq minutes, même en étant sous un arbre, je suis trempé et mes affaires également, c'est tombé d'un coup et il n'y a rien aux alentours pour se protéger. Lorsque, désemparé, je trouve enfin un préau près d'un magasin d'assurance, je n'ai plus qu'à ranger mes affaires trempées et à commencer à rouler sous le déluge, trempé.
La route se poursuit avec un vent un peu de face et de côté, la pluie diminue ensuite d'intensité. Je croise aussi deux américains, un couple, en vélo qui font de petites étapes avec leurs sacs, ils me disent dormir dehors avec la tente, ils sont bien courageux car ça ne doit pas être une sinécure que de la replier le matin ou la monter le soir sous un temps aussi pluvieux. Dès qu'il s'arrête de pleuvoir, ce sont les moustiques qui rappliquent, ils sont vraiment très virulents ! Le temps est comme en montagne ici, il peut vite changer aussi vite, près de l'océan.
Le soir, j'arrive dans la jolie ville, en bordure de l'Atlantique, de Shelburne, c'est une ancienne ville fondée à la fin du XVIIIè s. par des loyalistes (anglais) qui ont fui NYC, il y avait 10.000 habitants avant, seulement 1000 maintenant. Je passe devant un groupe de personnes qui fait éclater des pétards (fireworks) et qui m'invitent à regarder ces fusées ; le lendemain, le 01 juin, c'est en effet le Canada Day (mais personne ne sais me dire si ça a un rapport avec la création de la confédération canadienne ou une victoire des loyalistes sur les américains). Il y a là quelques enfants, couples…, notamment un de NYC qui est venu s'installer ici après six années de présidence de Bush et qui pense s'expatrier en Europe près de Trieste où ils ont de la famille, si Mc Cain est élu ! Incroyable de voir ça, je ne connais pas de français critiquant un président qui soit parti s'expatrier ! Il y a aussi un texan, Therese qui est démocrate de New York se met à lui dire des méchancetés… car les texans sont connus pour être des républicains, aussi elle m'invite à dormir, dans sa maison, où je fais aussi la connaissance de ses trois filles (Jane, Caroline et Kate) ainsi que son mari Michael qui souhaiterait bien parler français, au moins autant que je parle anglais, bref ce qui est suffisant pour se comprendre (comme quoi ça a bien du progresser un petit peu durant ces quatre mois en Amérique du nord).

Le 01 juillet, après un bon dodo sur un matelas dans leur maison, je reprends la route vers 8h. Beaucoup de petits villages profitent du Canada Day pour faire la fête, on y trouve donc quelques guirlandes. Beaucoup de magasins sont donc fermés et il y a assez souvent des feux d'artifices faient par les habitants.
Aujourd'hui il fait assez beau, le parcours longe la côte sud de Nova Scotia, il y a comme la veille de nombreuses baies, quelques montées et descentes, de nombreux creeks rejoignant l'océan Atlantique, et toujours un paysage de landes et forêts, des fleurs bien sûr et quelques plages. Je passe aussi dans la jolie ville de Lunenburg où il y a un cimetière français mais quand je vais voir les noms c'est surtout des noms à consonance anglo-saxonne.
Le soir j'arrive à Chester où je dors après avoir pris un ravito à côté du visitor center, gare aux moustiques !

Le 02, la route se poursuit après avoir été réveillé par plusieurs corbeaux réunis sur un arbre près de mon lieu de dodo, toujours aussi nombreux partout en Amérique du nord, sans doute s'attendaient-ils à une bonne nouvelle (c'est-à-dire que je ne me réveillerais peut-être pas…).
Le matin, le temps est brumeux et bruineux puis ça se dégage tout d'un coup en début d'après-midi mais vers 16h ça se recouvre aussi vite que ça s'est découvert ! Je m'habitue bien à ce brouillard et j'ai souvent l'impression de faire de la plongée ou d'être dans l'océan, l'avantage est aussi qu'avec cette bruine le vent est souvent assez faible, ça donne la sensation d'être dans un sous-marin,  c'est amusant même.
Dans les faubourgs d'Halifax (capitale de Nova Scotia), il y a aussi des ghettos blacks, je n'en ai presque pas vu avant et là, comme souvent, ce sont des villages avec seulement des noirs et sans blancs, puis avant et après on retrouve des villages de blancs. Toujours pas de société cosmopolite !
A Halifax, lorsque je m'arrête pour demander à une dame âgée la route pour rejoindre la citadelle, à côté il y a un policier visiblement assez excité qui s'occupe d'un automobiliste, puis d'un coup il vient vers moi pour me dire que le casque est obligatoire, dans on empressement je ne comprends rien de ce qu'il baragouine tout en me donnant un coup sur la tête (pour que je comprenne), sans doute pense-t-il que je suis canadien d'où son agressivité mais je ne suis pas au courant que le casque est obligatoire ici (à la douane d'ailleurs on ne m'a rien demander, seulement si j'avais une arme à feu), je commence donc à m'emporter et dit en anglais " stupid policeman ", et commence alors à vouloir m'approcher vers lui pour une explication, c'est alors que la dame âgée pose sa main, une main posée avec douceur, sur mon avant-bras, alors ça fait forcément penser à une main posée par sa grand-mère et on l'écoute quand elle me dit que ce n'est pas nécessaire, elle m'indique la route pour la citadelle et où je peux acheter un casque de vélo, puis elle me dit que je suis bienvenu au Canada. Mais ce sont les personnes d'un certain âge qui devraient faire partie des forces de l'ordre !
Je visite ensuite la citadelle d'Halifax d'où on a une jolie vue sur la baie et l'océan Atlantique, c'est encore le drapeau britannique qui flotte ici (et non celui du Canada), ensuite je prends un ravito et trouve par hasard un magasin qui vend des casques pour seulement 15 $ (j'en achète donc un que j'attache le plus souvent à l'arrière de mon sac à dos car je n'aime pas rouler avec, c'est pas ennuyeux quand il fait froid ou lorsqu'il pleut mais quand il fait chaud ou quand on grimpe une bonne côte de plus de 5 km sous la chaleur alors ça devient très embêtant, la tête tourne et on a vraiment une sensation de lourdeur, c'est pour ça que je l'ai le moins souvent sur la tête, de plus ça fait 15 ans que je fais du vélo, toujours sans casque (sauf pour les quelques courses qui ont été faîtes, comme c'est obligatoire) et il n'y a jamais eu de problèmes (en randonnée, seul, ça doit être rare de tomber, je fais attention dans les grandes descentes et quand je chute (rares) c'est toujours l'épaule ou la hanche qui prennent, sans doute des réflexes dus à quelques années de pratique de judo). De plus, porter un casque tous les jours, alors que les risques sont rares, pendant environ 10 heures chaque jour, c'est assez " lourd ". Ca n'empêche que si j'avais des petits enfants je les obligerais à mettre un casque… jusque leur majorité.
Pour traverser la baie d'Halifax, il y a deux ponts mais ils sont interdits tous les deux aux vélos, il faut donc la contourner (soit 30 km de détour). Après ce détour, je reprends un ravito et me repose de l'autre côté de la baie à Datmouth où on a une jolie vue sur Halifax et les bateaux venant déposer leur cargaison ou ceux de plaisanciers à voiles.
Sur la route, jusque 20 km après Halifax c'est de la folie, il y a un monde incroyable, beaucoup trop de voitures. Après, sur la route 7, il y a beaucoup moins de voitures, presque aucune et c'est beaucoup plus agréable ! Pas beaucoup de vacanciers apparemment.
La route passe encore par de nombreuses baies et traverse de nombreux petits ruisseaux ou rivières descendant des hauteurs de Nova Scotia, je rencontre encore des cerfs blancs, cachés dans les sous bois proche de la route (imperceptible en voiture). En vélo, on est dans la nature, dans le vent, la pluie, la chaleur, on entend toute sorte de bruit (le vent contre les feuillages, les craquements dans les bois, le chant des oiseaux), on a plus souvent l'occasion de voir des animaux et leur réaction, comme d'entendre et mieux comprendre les humains aussi en ayant plus de temps pour voir des scènes.
Le soir, j'arrive encore à la tombée de la nuit à Sheet Harbour où je dors à côté du visitor center, au calme, dans ce village, dans une baie, à côté de la rivière (et des moustiques).

Le 03, au matin, après une bonne nuit malgré la bruine, le levé ne se fait qu'à 9h et le départ vers 10h. La visibilité est presque nulle et tout d'un coup,  je n'y croyais pas, en à peine 5 minutes, tout se dégage et le ciel est tout bleu. De ce fait, le vent s'accélère aussi et tout s'en va en fumé (l'expression reflète bien le phénomène). Je n'avais jamais eu un temps aussi poisseux en Europe, même en Scandinavie. Toujours un paysage avec des forêts, baies et ruisseaux en suivant les côtes de Nova Scotia, fougères et fleurs aussi au bord des routes ce qui amènent de jolies couleurs dans ces paysages verdoyants.
Le vélo tient le coup mais les quatre derniers pignons commencent à faire un bruit d'usure, je vérifie donc un peu notamment lors des ravitos pour voir s'il y a urgence ou non.
Depuis le 2ème départ de Montréal, je réfléchis aussi à un système de vélo pour rouler sur la neige, avec des dents à l'avant ou une roue plus large à l'avant, des manivelles et un axe de pédalier plus grand pour une meilleure stabilité, sur la route on me dit aussi que quelqu'un a vu à Montréal un " cycliste " avec une roue normale à l'arrière mais avec un ski fixé à la roue avant, ça pourrait être une bonne idée et d'après ces dires ça fonctionne.
La route est plus ou moins bonne, quand le soleil revient, il fait tout de suite plus chaud (environ 20°C de plus, soit 30-35°C) et ça devient dur de rouler avec ce casque (pendant de longues heures) donc je l'enlève pour retrouver une meilleure aération (il s'agit de ne pas avoir un accident vasculaire). D'ailleurs le soir je croise un policier qui ne fait pas de remarques, peut-être comprend-t-il ? De toute façon j'ai le casque et même s'il est à l'arrière du sac à dos, il ne devrait pas y avoir d'amande, juste me faire la morale, il n'y a rien de dangereux sauf pour moi, si les voitures roulent correctement et qu'il y a un accident ce n'est pas moi qui devrait faire du mal à quelqu'un. Je remarque qu'avec le casque sur la tête ou accroché à l'arrière du sac, les automobilistes sont aussi plus attentifs notamment dans leur dépassement, soit ça fait plus sérieux (il a fait un effort donc on en fait aussi un pour le dépasser), soit ça rappel leurs enfants qui mettent aussi un casque (ah oui, attention, si c'était mon petit), soit ça rappel dans leur inconscient qu'un cycliste peut facilement être amoché. Toujours est-il que je crois le garder jusque Montréal car les québécois roulent vraiment mal (en fait je l' "  oublierais " une fois arrivé dans le New Brunswick).
La route suit d'abord en partie la côte sud puis bifurque vers le nord de la presqu'île de Nova Scotia pour longer ensuite cette côte nord et rejoindre, le soir, la ville de Port Hawkesburg, après 214 km, sur Cape Breton Island (Nova Scotia s'étend sur une longueur de côte au NE et au SO de 700 km chacune environ alors qu'il n'y a qu'une soixantaine de km pour traverser cette presqu'île). La traversée des terres de Nova Scotia montre un autre visage que ces côtes avec des terres cultivées et quelques lacs en haut des collines, il y a moins de forêts et aussi de moustiques.
Le soir je dors à Port Hawkesburg, près de la baie de Chedabucto, à l'arrière de ce que je crois être une banque, la nuit deux tourtereaux viennent par là, je fis du coup un peu de bruit pour qu'ils aillent pousser leur rugissement plus au sud de la ville.

Le 04, le matin, je suis réveillé par le personnel non pas d'une banque mais d'un fast-food qui est ouvert aussi ça dérange que je soit là car beaucoup de clients passent par le drive à l'arrière, je me réveille et bouge donc, de toute façon je n'ai pas que ça à faire.
La journée est d'abord bien couverte avec de nombreux nuages après quelques éclaircies puis ça se recouvre et quelques gouttes tombent même le soir, la route n'est pas très bonne (toujours des trous impressionnants).
A Saint Peter's, avant Bras d'Or Lake, je rencontre pendant un ravito un indien Mikmak qui me parle de Terre Neuve, son île. Il me dit qu'il y a de jolis paysages… J'aimerais bien y faire un tour mais le temps me manque, il faudrait encore 5 jours pour faire la traversée de terre Neuve. Il aime bien les français car son peuple était un ancien allié à la France (comme souvent, des tribus indiennes étaient en guerre entre elles, aussi certaines se sont alliées à la France, d'autres à l'Angleterre). Il me propose de me conduire à Sydney dans l'après-midi, c'est très aimable mais je dis que je le ferais bien en vélo, il me prévient aussi que ça monte bien.
Je longe en grande partie Bras d'Or Lake, les paysages sont assez jolis, et ce n'est pas du tout plat, il y a de bonnes côtes pendant 5 km jusque 30 km avant la ville de Sydney. Sur cette partie je me refais dépasser par la dodge de l'indien rencontré à St Peter's. Sur la route je ne force pas pour ne pas casser un plateau ou des pignons qui semblent un peu usés. Les paysages sont très jolis, on se croirait presque en montagne, beaucoup de landes aussi, de forêts et de jolies fleurs en bord de route toujours qui sont appréciables à vitesse modérée.
La veille je croise quatre fois la police et aujourd'hui deux fois, ils ne me disent toujours rien pour le casque qui reste accroché à l'arrière de mon sac à dos cependant quelques " citoyens " prennent un malin plaisir à me klaxonner et à me dire de mettre le casque, sans aucun doute des gens stressés dans leur bureau par des supérieurs et une fois échappés de leurs labeurs ils ne se gênent pas pour se venger à faire des remarques à d'autres qui ne sont pourtant pas responsables de leur mal être sociétal, encore des lâches ?
Le soir j'arrive à Louisbourg et sa forteresse, ça a l'air intéressant et je pense la visiter le lendemain, ça ouvre vers 9h, on verra si je peux laisser le vélo à l'intérieur sinon je le laisserais à l'extérieur, ça a l'air très touristique et donc il ne devrait pas y avoir beaucoup de voleurs. Les moustiques sont toujours aussi agressifs et il y a aussi à cet endroit des sortes de petits moucherons qui se posent sur vous, on ne les sens pas, et ils vous piquent, après ça saigne, c'est de la folie, donc c'est écharpe, bonnet… Je vais aussi faire un tour pour voir de plus près la light House de Louisbourg, la 1ère construite au Canada, par les français ; il y avait aussi une gare du XIXè s. mais elle a été fermée dans les années 1960 et sert de musée aujourd'hui, sur le rail (comme s'est souvent le cas en Amérique, cependant il paraît que la Californie va se doter d'un TGV entre SF et Los Angeles, décision de Schwarzenegger, alias Terminator, peut-être suite à un séjour en France, puisqu'il était déjà venu à Toulouse). Pour manger, le soir je vais sur les berges du petit port de pêche de Louisbourg pour éviter ces désagréments. La nuit se passe un peu plus loin de la mer (où ça rafraîchit une fois le soleil disparu), dans un petit parc de la légion canadienne.

Le 05, le matin, après une bonne nuit, je me dirige vers l'entrée de la forteresse, je suis impatient de la visiter, levé de bonne heure je suis aussi un des premiers du jour à y entrer. Cette forteresse a été construite après 1710 par les français et rasée à peine 50 ans plus tard par les anglais après 1760  suite à leur défaite (deux fois) contre les anglais et à la signature du traité de Paris qui donna toute la Nouvelle France aux anglais. La prise de cette forteresse a permis aux anglais de s'emparer de la ville de Québec où encore les français, qui avaient tous ce dont ils avaient besoin à l'intérieur des remparts de la ville pour tenir le siège des anglais et attendre des renforts, sont sortis se battre à l'extérieur, sur la plaine d'Abraham, et ont perdu ! Depuis, la reine d'Angleterre (ou le roi) reste le chef d'Etat de ce grand territoire qui est aujourd'hui le Canada.
La forteresse a été reconstruite à 1/5ème seulement de ce qu'elle était à l'origine, dans les années 60 du XXè s. (afin de donner du travail aux mineurs de Nova Scotia ayant perdus leur travail suite à la crise économique), c'était une ville fortifiée comme St Marin de Ré (sur l'île de Ré) mais en 10 fois plus grand ! A l'origine, c'est immense, avec deux batteries, une en face de la Citadelle et une autre sur l'île de Rochefort à l'entrée de la baie, c'était énorme. Les anglais sont arrivés en nombre (des milliers) avec beaucoup de bateaux alors que les français n'étaient que quelques centaines ! Bien sûr la forteresse n'avait pas les moyens de ses ambitions.
La visite est libre et les personnages sont habillées en costume d'époque, ça donne un air vivant à la visite et c'est assez amusant, c'est une bonne idée surtout pour les scolaires et les enfants qui doivent bien s'amuser (ça me rappelle quand j'avais visiter la citadelle de Le Palais, sur Belle-île, la nuit, seul pendant deux heures).
Malheureusement, depuis le réchauffement climatique le niveau de la mer n'a fait qu'augmenter, aussi cette forteresse devrait être maintenant sous les eaux ! Le gouvernement canadien a donc du construire des digues, ça leur a coûté cher d'entretenir ces nouvelles constructions et ce n'était sans doute pas prévu au départ.
Suite à leur défaite, les français d'outre-mer sont soit retournés en France, soit au Québec ou, pour les plus pauvres qui ne pouvaient pas se payer le voyage, ont du prêter serment aux anglais (ce sont les acadiens).
Après cette visite instructive et qui répond à des interrogations sur l'histoire du Canada, je continue la route pour retourner à Sydney (baie où part le ferry pour rejoindre Terre Neuve, mais ce sera pour une autre fois peut-être ( ?) car ça prend entre 7 et 14h et il ne me reste pas assez de journées avant de reprendre l'avion). Ensuite la route devient jolie avec de nombreuses côtes assez longues, on se croirait en montagne et cette route côtière au bord de l'Atlantique me rappelle aussi celle entre Santa Cruz et SF sur l'océan Pacifique, on arrive ainsi sur les hautes terres de l'île de Cap Breton (Cape Breton Highlands) avec de jolies vues sur l'océan, beaucoup de forêts, de baies et de rivières descendant des hauteurs pour rencontrer la mer.
Le soir, j'arrive à Ingonish Harbour, très petits villages sur les bords de l'Atlantique, où je m'endors sur le ponton, face à la baie, sans qu'il n'y ai personne, c'est calme mis à part qu'il y a de sacrés moustiques qui sont ravageurs ce soir, j'ai des piqûres partout ! Ca gratte surtout. Vite, bonnet, et écharpe…

Le 06, après une très bonne nuit sur les berges à Ingonish Harbour, la route fait le contour du parc national de Cape Breton Highlands, les paysages sont très jolis sur cette route côtière qui est loin d'être plane, beaucoup de montée et descente de 5 à 10 km, on se croirait encore en montagnes ! J'essaye de ne pas forcer sur les montées à près de 12% pour ne pas user de trop les plateaux du vélo car ils me semblent bien fébriles et j'aimerais finir le voyage avec eux même si ça me semble de plus en plus difficile.
Il fait encore très beau, ça change d'il y a quelques jours, je rencontre au sommet des hautes terres de l'île de Cap Breton, près de french Lake, un policier qui me dit de mettre le casque, je lui dis qu'il fait chaud, que je roule doucement et longtemps et que c'est difficilement supportable, et qu'il y a presque aucune voiture sur cette route. Il dit qu'il comprend mais c'est obligatoire, je remets donc le casque pendant une dizaine de kilomètres puis l'enlève à nouveau (quel poids, avec leur réglementation, j'ai déjà fait sur ce parcours près de 20.000 km sans casque et sans ennuis, et on vient m'embêter maintenant que c'est bientôt la fin).
Les paysages sont toujours très jolis, beaucoup de baies, petites rivières, le relief fait bien penser à la création de cette île par d'anciens volcans, quelques noms de lieu faisant référence à la présence des français (French Lake, Cape Breton, Cap Le Moine).
Beaucoup de drapeaux acadiens le long de la côte nord de la Nouvelle Ecosse (dont appartient l'île de Cap Breton). Les drapeaux acadiens sont aux couleurs tricolores (bleu, blanc, rouge), avec une étoile jaune posée dessus (l'étoile de l'Assomption). Ce drapeau a été adopté à Charlottetown sur l'île du Prince Edouard (qui avait un autre nom du temps de la Nouvelle France) par la communauté acadienne réunie dans les années 1880. Il fait référence au drapeau tricolore français et donc au patriotisme des acadiens envers leur " mère " patrie, l'étoile représente Notre Dame de l'Assomption et donc les valeurs chrétiennes des acadiens. C'est étrange, les québécois ont comme emblème sur leur drapeau la fleur de Lys (c'est la royauté française) et les acadiens le drapeau tricolore (après la révolution française et la révolution de 1848), on a l'impression d'être dans deux époques différentes de la France : la royauté et la République.
Beaucoup de moustiques toute la journée (sauf entre 14h et 17h, pendant les heures les plus chaudes). D'ailleurs, le soir je dors à Dunvegan, sur la côte nord de Cape Breton Island, dans les bois où il y a beaucoup de mousse au sol, c'est un vrai duvet, il fait chaud mais il y a beaucoup de moustiques très agressifs, je met donc l'écharpe, bonnet… mais avec cette chaleur, la nuit a donc été un peu difficile.

Le 07, il fait jour à 4h maintenant et ce sont les moustiques qui viennent me réveiller et les cris des corbeaux. Aujourd'hui il fait encore beau et les moustiques restent bien virulents et, en fin de journée, j'aurais une dizaine de piqûres de plus sur les mains (peut-être lors de la mise en place des lumières le soir avant New Glasgow).
Il y a beaucoup de circulation sur les 60 derniers kilomètres à cause d'une déviation notamment. La côte est des USA et du Canada ainsi que toute la région des grands lacs et, globalement, la partie à l'est du Mississippi ne sont pas les plus agréables (d'un point de vue circulation) de ce voyage, beaucoup plus de monde sur les routes.
Aussi même si Cape Breton Highlands est une belle région, elle n'est pas plus jolie que la Colombie britannique, ça n'empêche que c'est un parc national et qu'il faut payer 8 $ pour une journée (je n'en reste qu'une) et j'ai du mal à comprendre qu'on puisse faire payer pour aller sur une terre. Bien sûr on dira que c'est pour la conservation et la protection de la faune, de la flore…mais bon, ça me paraît bizarre. Enfin, en Europe on a des bâtiments architecturaux dont la visite est payante, ici ils n'en ont pas donc il faut bien imaginer un autre moyen pour trouver de l'argent pour l'Etat sans doute. Bref tout ça pour dire que si le nombre de parcs nationaux devait augmenter et si tous les parcs étaient payants à 8 $ (c'est 30 $ canadien pour une journée pour une famille en voiture) pour les traverser alors bientôt n'importe quel route sera payante, autant instaurer des péages ! Et la liberté de circulation des personnes dans tout ça… Tous les parcs nationaux traversés en UE étaient gratuits.
Aux USA comme aux Canada il n'y a pas vraiment de réseaux routiers secondaires comme en Europe (surtout dans l'ouest), ces deux Etats ont une faible densité contrairement à l'Europe, c'est pour cela aussi que le chemin de fer n'existe pas (uniquement pour le fret), il n'y a que la voiture et l'avion pour le transport et l'auto-stop !
Aussi, d'un point de vue densité et richesses, les " vieux " Etats européens ont toujours une grande influence sur le plan politique et économique, chacun d'eux pris séparément (France ou Angleterre ou Allemagne ou Espagne ou Italie…). Si l'UE avait une réelle force politique (ce qui n'est pas pour demain), elle aurait, avec son territoire et sa population, une influence dans le monde très importante (face à la Russie, la Chine… et par leurs échanges considérables avec l'Asie, les anciennes colonies en Afrique, Amérique du sud et du nord…). Et elle pourrait conjointement avec les américains, lorsque leurs lignes politiques internationales sont de même (Victor Hugo pensait déjà au XIXè s. à la création d'une organisation regroupant Etats d'Europe et Etats d'Amérique), si l'objectif était commun, créer les conditions idéales pour construire une gouvernance mondiale avec un partenariat avec les USA, de façon à crée un ordre international plus équitable face aux multinationales et aux intérêts étatiques divers et antagonistes. Ainsi pourrait se développer de manière cohérente et grâce à une coopération des échanges et recherches sur la santé, l'espace, l'environnement… fondée sur les droits de l'Homme et des " animaux ". Seule une armée internationale existerait. Mais ce n'est pas pour demain vue qu'il n'y a pas d'union politique en Europe ! Bref, l'influence de la France est plus grande en Amérique du nord que ne le pense les français eux-mêmes : c'est souvent que je vois, à l'occasion, les journaux papiers ou télé parlant de ce que fait la France, plus souvent que l'Angleterre (surtout aux USA).
Sur la route encore beaucoup de montée et descentes, pas de section plane, et pourtant c'est le long de la côte, le vent est de face car je retourne vers l'ouest de Nova Scotia. Je finis aussi aujourd'hui le petit tour sur l'île de Cape Breton et je dois reprendre la même route (il n'y en n'a pas d'autres) sur 60 km pour retourner à Antigonish.
Le soir j'arrive à New Glasgow après avoir fini avec les lumières, bien fatigué je sors mes affaires de mon sac pour écrire le carnet de route, voir les photos prises et les annotées, et prendre le ravito, je m'allume avant une cigarette puis m'allonge juste pour un moment au bord des berges en plein centre de cette ville… et je m'endors ! Je me réveille que le lendemain matin ! Tout sac ouvert, affaires éparpillées par moi la veille et cigarette éteinte. Aucune visite ni aucun vol. Ce fut une très bonne nuit de récupération !

Le 08, le départ se fait vers 7h après une bonne nuit même s'il y a beaucoup de moustiques. Le vent reste assez fort et la journée est belle avec 35°C.
La route est vraiment jolie pour cette dernière étape en Nova Scotia, au lieu de continuer à longer la côte, je choisis de passer à l'intérieur des terres, il y a beaucoup de terres cultivées, de forêts, de prairies et les paysages sont tout aussi joli mais, comme il n'y a pas la mer, il y a moins de touristes et donc moins d'occasions de ravito, le vent est aussi plus chaud car il n'est pas rafraîchi par la mer.
Arrivé juste à la frontière entre la Nova Scotia et le New Brunswik, avant la ville d'Aulac, il apparaît de la brume à l'horizon, c'est impressionnant, alors que j'arrive sous un ciel bleu, en face c'est la " poisse ". Je finis donc la journée avec la brume, c'est le retour dans le " sous-marin " d'Aulac à Port Elgin. Ce n'est pas vraiment étonnant, la limite entre ces deux provinces du Canada se situe sur un isthme au bout de la presqu'île de Nova Scotia, aussi le vent est bien fort de l'ouest et donc, avec la mer, l'eau venant de Fundy Bay doit se transformer en brouillard et brume afin d'aller vers l'est pour rejoindre l'océan, à 15 km environ, plus loin, à Northumberland Strait. On a l'impression que ce morceau de terre va s'engloutir sous la mer ! Je préfère donc (comme le vent vient très souvent de l'ouest) aller à Port Elgin vers l'est et remonter ensuite vers le nord et la Gaspésie du Québec plutôt que rester près de la côte ouest et risquer de subir plusieurs jours de brume successifs.
Sur la route, beaucoup de rencontres avec des gens qui parlent en français, ils mélangent même parfois le français et l'anglais dans leurs conversations. Beaucoup de noms de famille d'origine française sur les boîtes aux lettres en Nouvelle Ecosse et au New Brunswick ; au New Brunswick les rues sont d'ailleurs en français et en anglais…
Le soir j'arrive à Port Elgin où je dors sur les berges de cette petite ville (sur la baie " verte ") après un bon ravito et le rechargement des batteries photo à la station essence, grâce à l'humidité les moustiques sont aussi moins agressifs que le reste de cette journée particulièrement torride. Malgré une étape de 213 km, je prends un peu de retard mais espère encore que ce sera bon pour aller jusque Montréal en vélo.

Le 09, au matin il y a encore beaucoup de brume puis ça se lève avec le vent en 10' et la chaleur revient (entre 30-35°C de 11h à 17h), puis le soir en 5' la brume est de retour en arrivant sur Miramichi où il pleut à verse… toute la nuit. Le temps reste toujours aussi bizarre, comme souvent sur ce parcours, il a été rarement normal ou tempéré, c'est souvent que ça part vers les extrémités (très rare les journées avec un peu de soleil, un peu de nuages et 20-25°C ; ça n'a presque jamais eu lieu).
La route longe aujourd'hui en grande partie le littoral oriental du New Brunswick, le vent est à peu près de côté (l'ouest), les dents de vélo font un drôle de grésillement (elles commencent à s'user) alors je mouline beaucoup. C'est joli, de nombreuses baies avec des petites rivières rejoignant l'océan.
Beaucoup encore de francophones mais ils ont un sacré accent et j'ai du mal à les comprendre si je ne reste pas attentif, toujours les drapeaux tricolores acadiens (jamais vu autant de drapeaux tricolores sur un si petit territoire, même en France !).
Je rencontre un manchot et trois travailleurs qui m'encouragent pour le retour à Montréal qui leur paraît très loin en vélo. Les automobilistes ici roulent bien, mieux qu'au Québec, mais les routes sont encore assez cabossées : il y a de sacrés trous !
Arrivé le soir à Miramichi, deux blondes me demandent de leur voiture mon n=° de téléphone ! Surprenant.

Le 10, la route est la moitié du temps assez mauvaise (trous, craquelée), parfois elle est en travaux (il faut espérer que la composition de l'asphalte soit bonne pour cette fois). A un ravito je rencontre quelqu'un qui me demande le prix de mon vélo, je dis que ça n'a pas de prix, il insiste alors je lui demande le prix de sa voiture, combien il gagne, s'il vendrait sa femme, alors il comprend peut-être et arrête là la discussion. Parfois les gens sont intéressés par le voyage et leur question se focalise sur ça, d'autres fois c'est uniquement sur le matériel, comme cette fois-ci (nulle question sur le voyage, juste pour savoir le prix du vélo et après on classe l'importance de l'individu sur ce qu'il peut gagner, un tel gagne autant par mois donc il est fréquentable…). Le matériel compte beaucoup plus que les rêves et les passions qui ne sont pas toujours quantifiables !
Bref, le temps est orageux et les éclairs se faufilent sur la gauche, devant, derrière et à droite mais pas au-dessus, je les évite par chance. Encore beaucoup de forêts traversées lors des premiers 80 km, beaucoup de villes acadiennes encore (elles sont presque toutes le long des côtes, sans doute suite au traité de paris, en cas de besoin de partir… par la mer), je passe aussi malheureusement par des endroits où il y a pas mal d'usines de zinc… (et donc de pollution) mais ça rapporte de l'argent aux collectivités locales et ça crée des emplois. Près de Matapadia river et de la ville de Campbellton, la vue sur les monts de Gaspésie est jolie, où après un pont on arrive au Québec à Pointe à la Croix, le long de la baie des Chaleurs.
Le soir j'arrive en Gaspésie, au Québec, où je croise deux cyclistes très sympas qui étaient en randonnée (Valérie et Roger) qui souhaiteraient faire une transcanadienne mais ils ne seront en retraite que dans 7ans, aussi il faut deux mois pour la faire et ils ne peuvent prendre plus de trois semaines de vacances à la suite. Je repense donc à Sky qui fait sa transcanadienne. Et que peut-il arriver avant la retraite ? Bien sûr il y a les prêts pour la maison et voiture, les cotisations maladie, chômage, retraite (tout cela n'existe même pas dans la plupart des pays, et que restera-t-il, comme en France, dans 40 ans quand il y aura normalement un retraité pour un actif, les retraites n'augmentent déjà presque plus, beaucoup ont à peine le RMI), autant ne pas y penser et vivre au jour le jour. De plus qu'est-ce qui dis qu'on vivra jusque 100 ans ? Autant vivre au mieux sa passion (quand on en a une) et ne pas avoir peur du futur ou de la mort, on a qu'une vie.
Je croise aussi un autre cycliste (pépère) qui roule comme beaucoup à gauche, c'est-à-dire en contre sens, je trouve cela dangereux mais il me dit que ça se fait souvent pour les petits déplacements et qu'au contraire c'est moins dangereux (je repense aux pistes avant Montréal où on roulait justement à gauche aussi), à pied je veux bien mais en vélo je trouve que c'est très dangereux, peut-être une question d'habitude ?
A la tombée de la nuit, après avoir mangé une bonne pizza dans le petit village de La Nouvelle, je passe une très bonne nuit en arrière du bâtiment de la légion canadienne (sans moustiques, sans doute à cause de l'humidité dans l'air).

Le 11, la route continue de longer la baie des Chaleurs pendant environ 45 km puis je remonte la Cascapédia river pour arriver au cœur de la Gaspésie, par la route appelée transgaspésienne. Au fur et à mesure le ciel se découvre jusque Sainte Anne des Monts, ça tombe assez bien, il ne fait pas trop chaud ! Et comme il n'y a pas de ravito jusque Ste Anne, ça permet de ne pas avoir besoin de boire trop d'eau (que deux litres de boissons sur 191 km), bien sûr il faut gérer et quand c'est comme ça, au cas où il y a des problèmes mécaniques, je ne bois rien au moins pendant les 100 premiers kilomètres, quelque soit le terrain (désert, forêts, plaines…).
Peu de monde roule sur la transgaspésienne en une seule fois, pourtant elle ne fait que 140 km. Cependant je croise deux cyclos québécois qui me disent qu'il y a des black bears mais pas de noirs humains (en plaisantant) puis, sérieusement, ils me disent que c'est très bien comme ça, qu'au moins la campagne reste " blanche " et qu'ils sont moins embêter. On est encore loin d'un " esprit " inspirant à la venue d'une société cosmopolite. En effet, même si on trouve de tout en ville, dans les campagnes, que ce soit en Europe ou en Amérique du nord, elle appartient aux blancs, peut-être les noirs… ne se sentent pas non plus acceptés en campagne où ils doivent être plus souvent " montrés du doigt " qu'en ville, de plus en campagne il y a toujours des ragots (tout le monde croit connaître tout le monde), enfin en ville il y a plus de travail. Ce phénomène n'est pas près de s'inverser, aux USA, la plupart des Etats " campagnards " votent républicains (Montana, Wyoming, Texas…). Pas de contacts ou de cosmopolitisme et les gens n'en veulent pas (mais on ne le dit pas vraiment). De même au Maroc alors que j'allais deux fois dans des petits hôtels à 3 euro j'étais le seul européen, les campings cars ont des emplacements réservés à plusieurs kilomètres des villes et dans des hôtels plus chers (pour occidentaux) qui se situent ailleurs que dans les médinas (les centres historiques). Il y a aussi peut-être moins de chance pour trouver du travail à la campagne…
Le vent est comme la veille assez fort du NO, parfois la route est mauvaise (toujours pour les mêmes raisons). La Gaspésie est une belle région, avec beaucoup de forêts, de petits ruisseaux rejoignant la Cascapédia river… Ce serait vraiment bien de l'explorer à pieds, dans des petits chemins, ou à cheval. Sur la route, je vois deux fois un oiseau jaune, tout jaune, magnifique mais il est très furtif et donc pas de photo, les jours précédents et suivants je l'ai vu aussi parfois mais toujours aussi furtif malheureusement.
Beaucoup de voitures encore qui ne respectent pas les vitesses et qui roulent à plus que 100 km/h (vive les radars en France car depuis les français roulent tout de même plus calmement), ils roulent comme des dingues ici et ils ne ralentissent pas à la vue d'un vélo, au contraire, on accélère au cas où une autre voiture arriverait en face. A 15 km de Sainte Anne, je rencontre un cyclo qui va chercher du hashish, je roule avec pendant 5 km, il est très sympa mais il roule comme un dingue, comme quoi, la motivation.
Arrivé à Sainte Anne, je prends un ravito, recharge mes batteries photo et ensuite je pars pour le dodo vers 1h, à côté d'un centre scolaire (bien sûr ce sont les vacances pour les élèves en cette période), près des berges du Saint laurent.

Le 12, au matin je me réveille à 4h10, il fait déjà jour depuis 10', il faudrait que je fasse une grande distance si je veux rentrer à Montréal en vélo car j'ai du retard (le billet de retour en avion est pour le 15 juillet au soir). Après un petit ravito, je pars quand quelqu'un vient me voir pour savoir sur le voyage… et me souhaite bonne chance (rien à voir avec la personne d'il y a quelque jours qui s'intéressait qu'au prix du vélo, argent quand tu nous tiens).
Sur la route il n'y a presque aucune voiture jusque 8h du matin, c'est génial ! Après c'est l'enfer ! Les voitures doublent toujours aussi mal et ils roulent comme des dingues au Québec, ce sont des fous du volant comme en Pologne. Mis à part ça et le vent d'ouest, tout coule douce jusqu'à 4km avant Mortane où je casse un rayon à l'arrière ! Je croise un cyclo et lui demande où il y a un magasin de vélo, il me dit qu'il y en a un à Mortane et il m'y amène (sympa). Malheureusement le jeune n'a pas l'air très efficace, j'aimerais changer les deux roues, elles ont chacune environ 20.000 km et de toute façon il faudra bientôt les changer alors autant le faire maintenant que changer seulement un rayon, en même temps je voudrais qu'il me change les pignons à l'arrière, la chaîne (usée) et les plateaux. Mais il n'a pas de roues (et il ne veux pas les prendre sur un des vélos neufs qui sont en vente), je vais donc à Intersport un peu plus loin à Mortane d'où je ramène une paire de roue, ensuite il me change les pignons, les plateaux et la chaîne. Il est jeune et pas très rapide, arrivé à 11h, il fini le travail à 15h (aux USA, ils me l'ont fait en moins d'une heure). Maintenant, de retour en France, après avoir eu à faire à d'autres charlatans, j'achète les pièces neuves et fais tout moi-même, il suffit d'acheter un livre à 15 euro où tout est expliqué et c'est très simple ! Assez les arnaques des vendeurs de cycles même si ¼ sont honnêtes, autant le faire soi-même !
Après 4h d'attente où j'aurais bien fait une petite sieste, je remonte en selle. Peu de temps après je rencontre un autre cyclo québécois d'environ 50 ans, très sympa aussi, il me demande ce que je fais, je lui dis un petit tour en Gaspésie et ensuite il me demande si j'ai fait d'autres voyages, je lui dis donc le reste du parcours… Il  n'en revient pas. Lui aussi souhaiterais voyager mais il doit encore attendre 10 ans pour la retraite ; décidément, la retraite serait-elle synonyme de liberté ? Il est d'accord que les routes sont très mauvaises ici, aime bien la France et les français, il me dis aussi que les québécois ont peur d'être assimilé par les anglais et les américains et que la reine d'Angleterre vient au Canada mais plus au Québec (où elle a été mal reçue en 1967 paraît-il). Il continue un peu plus son chemin prévu pour rester encore avec moi (c'est cool car il y a beaucoup de vent) et avant de se quitter il me dit vive la France et vive le Québec libre (je lui dis alors que j'espère tout de même qu'un jour il y ait une grande union entre tous les Etats où chaque région, chaque peuple puisse garder ses traditions, sa culture… et que les humains arrêtent ainsi de " se taper dessus ") et on se souhaite courtoisement une bonne route.
La route longeant le fleuve est assez plane, vent d'ouest, avec une belle vue sur le St Laurent et les monts de Gaspésie. Il y a de nombreux petits ruisseaux cascadants, les villes et maisons sont en général assez jolies, la Gaspésie est assez touristique aussi.
Juste avant Rimouski une piste cyclable apparaît, je ne la prends pas et une voiture me klaxonne (ah, toujours le stress des citadins et leur vengeance inconsciente sur leur domination du travail et dans la société en général, ah les donneurs de leçons), 200 m après, cette piste disparaît pour aller vers la droite. Alors, premièrement, si j'habitais dans cette rue, je suis bien obligé de prendre cette route pour rentrer chez moi ; deuxièmement, je ne suis pas d'ici et il n'y a aucune indication ! Troisièmement (l'imbécillité des politiciens), il y a des pistes en villes mais pas en campagne (pour le financement diriez-vous ? Ok, peut-être, mais les voitures roulent plus vite en campagne et c'est là où c'est le plus dangereux) ; en ville souvent, les pistes cyclables sont faîtes n'importe comment (comme à Montréal…) et c'est très dangereux en plus, c'est fait uniquement dans le but d'éloigner les cyclistes des routes pour ne pas gêner la circulation, en aucun cas pour favoriser les gens à prendre leur vélo plutôt que leur voiture (ce qui devrait être le seul objectif de la création de piste, non pas sanctionner les cyclistes). Les Pays-Bas l'ont très bien compris !
Le soir j'arrive à Rimouski, après avoir longé la rive droite du Saint Laurent pendant près de 200 km ! Avec ces 4h d'attente (mais nécessaire) à Mortane pour réparer le vélo, c'est maintenant illusoire de croire qu'il soit possible d'aller jusque Montréal en vélo, ce sera donc jusque Québec, puis, le temps de visiter cette ville que j'avais fort apprécié il y a plus de 15ans, le retour devrait se faire soit en train soit en bus. La nuit se passe après une visite sur les berges de la jolie ville de Rimouski et un ravito, près d'une église et à côté d'un gymnase, c'est très tranquille.

Le 13, le réveil se fait de bonne heure à 5h et je remonte sur la selle à 6h, c'est plus calme, il fait encore assez beau mais le temps se couvre rapidement et c'est le déluge, la pluie, la pluie, la pluie… froide avec le vent de face et cela jusqu'au soir et toute la nuit !
Lorsque j'arrive à Rivière du Loup, je décide d'aller tout de suite au ferry plutôt que de visiter un peu la ville, quel temps ! Et ça tombe bien car j'y arrive à 13h et le départ du ferry (environ toutes les 3h) se fait à 13h15. La visibilité pour la traversée est nulle, ça me rappelle trop celle entre le Maine et la Nova Scotia, bien sûr il y a les radars mais les bateaux utilisent toujours régulièrement leur sirène pour prévenir (utile si un kayakiste se promène dans le coin).
Une fois sur la rive gauche j'y fais seulement 35 km, avec ce temps je m'arrête à Malbaie pour y dormir le soir car l'autre ville est à 50 km de là, c'est dimanche et malheureusement tout est fermé, il faudra donc attendre le lendemain pour le ravito. La route de la rive gauche du fleuve Saint Laurent ne fait aussi que monter et descendre, c'est très difficile, beaucoup de circulation aussi, on peut grimper des côtes de 10-15 km pouvant atteindre par moment du 18% ! On se croirait encore en montagnes, pas étonnant, des sommets aux alentours sont aux environs de 1200 m, c'est sûr la vue en haut est magnifique mais le temps… toujours vers les extrêmes. Le soleil ne se montrera pas de la journée, c'est encore dur pour les pieds, ça brûle ! La nuit je dors sur un balcon en bois d'une maison visiblement inoccupée de Malbaie, sous un préau, les pieds à l'air mais ça a du mal à sécher (chaussures…).

Le 14, le temps est gris mais il ne pleut pas. A 30 km de Québec environ, on en termine avec ces montagnes côtières pour arriver dans la large vallée du St Laurent. A Sainte Anne de Beauprais, je visite la très jolie basilique, une jeune policière me dit que je ne peux mettre le vélo à l'intérieur ou le poser sur la basilique mais propose de me le garder dans son local ! Charmante.
Ensuite je prends la route vers Québec, il y a beaucoup de vent mais heureusement je roule 10 km avec quelqu'un qui fait du triathlon jusqu'au parc de Montmorency où je le quitte mais la visite est courte, ce parc est bien trop citadin, pas bien naturel et ça ne me dit rien, je retrouve ensuite une piste cyclable, très bien, qui me permet de rentrer de bonne manière à Québec, c'est agréable quand c'est bien fait.
La ville est vraiment très jolie, je la visite le soir et le 15 au matin, de bonne heure, pour prendre des photos comme il n'y a presque personne. Québec est la capitale de la province du Québec et elle a, comme Victoria, un très beau Parlement, il y a aussi une jolie citadelle (que je visite) et où je tombe sur un groupe de touristes français qui, pensant que je suis québécois, me demandent si quelque chose est fait le soir du 14 juillet ! Il y a aussi le très joli vieux Québec avec ses anciens remparts et portes, d'où l'armée française était sortie pour être vaincue lors d'une bataille sur les plaines en contrebas par les anglais, ce qui a définitivement mis fin à la " présence " officielle de la France dans le " Nouveau Monde ".
Le soir, avant le dodo, je parle avec une fille qui se dit d'un quartier de Québec, le Bronx de Québec, et elle m'offre deux bières (je me dis que c'est pour fêter la fin de ce voyage aux USA et Canada) et bois volontiers à sa santé. La nuit du 14 juillet je dors au bord du St Laurent, dans le quartier du vieux port de la ville, à côté du Belem qui est venu de France (avec ses moteurs) à l'occasion des 400 ans de " vie " de Québec (créée en 1608 par Samuel de Champlain, originaire de Brouage, un joli petit village près de Rochefort en France).

Le 15, dernier jour de ce voyage, dernier tour de visite de la ville de Québec puis j'emballe le vélo (obligation) et prend la route en bus (deux fois moins cher que le train et deux fois plus rapide) vers la ville de Montréal, où j'arrive en début d'après-midi, le temps de retourner prendre des affaires laissées chez Aude et ensuite d'aller, en vélo, à l'aéroport (pas toujours facile d'accès quand on n'y va pas en voiture).
A l'aéroport, pour la 1ère fois, on me fait un super contrôle et on m'y enlève : coupe ongles, ciseaux, bouteille de soda, clés alen… pour le vélo ! Jamais vu un aussi bon contrôle, ils sont forts à Montréal, surtout ils mettent les moyens (trois à regarder le scanner, un seul à Paris ou à Dakar). Après les avoir félicité, je dis que ça sert bien les autres pays mais que c'est pas réciproque ailleurs (ce qu'ils regrettent), je leur dis aussi que ça ne sert à rien, quelqu'un ceinture noire de karaté est plus dangereux que quelqu'un n'ayant qu'un couteau comme arme…


Pour finir...


Le 16, j'arrive à Paris, après 2h d'attente à Montréal, le 1er avion affrété par Air canada ne démarrait pas ! Puis métro et train direction la charmante ville de Gourdon, en Bouriane (qui pourrait être plus active si les maires des petites communes étaient plus ambitieux et moins regardant de leurs petites personnes). Dans le train, des voisines se plaignent de l'odeur de …mes pieds, ouap, je n'ai pas eu le temps de les laver…et me disent que c'est insupportable et elles me demandent si elles vont devoir supporter ça longtemps, je leur réponds qu'elles peuvent changer de wagon, elles me disent qu'elles ont leur billet, je dis moi aussi. Puis elle parle people…, je leur demande alors si je vais aussi devoir supporter ça tout au long du voyage, elles me répondent qu'elles ont le droit de parler, je leur dis que j'ai le droit de sentir des pieds (je ne sens même pas l'odeur). La civilisation ! Et dire que des millions de gens vivent sous le seuil de la pauvreté et des milliards survivent, ça ne peut faire que du bien de se le rappeler.

Ce voyage a vraiment été très bon et c'est sûr qu'un changement de vie s'opère progressivement, surtout après 3 semaines, pour y en être imprégné vraiment (c'est-à-dire que de nombreuses règles sociétales deviennent illusoires et fantomatiques après un certain temps à vivre " sauvagement ", autrement dit " librement ", sans conditions), et après 45 jours environ où on se rend compte combien beaucoup de personnes se compliquent leur existence, et combien la nourriture et l'eau sont les deux choses les meilleures. De combien l'Homme dégrade son environnement alors qu'il suffirait de si peu de choses pour arranger les choses. De combien l'Homme est sauvage au sens vrai du terme mais de combien il peut être agréable de le côtoyer aussi, parfois.

Après avoir écrit ces quelques pages, je me demande comment il est possible que les voyageurs n'aient pas encore créé une association dont le but serait de promouvoir et de faciliter les voyages d'autres rêveurs de pays pauvres qui n'auront jamais les moyens de leur rêve : le salaire annuel là-bas, en Afrique par exemple, correspondant presque au RMI et les conditions pour voyager étant très drastiques, 5000 euro en banque pour un marocain, 8000 pour un sénégalais, attestation de travail, de vacances, de mariage…

Bon voilà, ce premier petit tour en Amériques septentrionales de presque 21.000 km s'est bien passé, les paysages étaient fantastiques, traversée de déserts, Grand Canyon, dunes, montagnes, forêts, neige, pluie, vent, grêle, canicule, oiseaux, serpents, éléphants de mer, loups (inoubliables), ours, bisons, cerfs, de belles villes (SF, Victoria, Québec) et de bonnes rencontres... Beaucoup de plaisir et il en reste encore beaucoup sur cette terre des Amériques septentrionales, donc sans doute d'autres traversées si possible.

C'est une des 7 terres. Qui s'appelait aussi au temps des premiers découvreurs européens la Colombique (l'Amérique étant seulement l'Amérique du sud). Cette terre s'appelle désormais l'Amérique du nord qui avec l'Amérique du sud est considéré de nos jours comme un des 5 continents officiels.



Ecrit en octobre 2008, au " camp de base ", d'après les carnets de route et autres souvenirs, Cap Woot.




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